«Nous avons un accord avec UBS! Il ne manque plus que le feu vert du CS.» C’est le message que la ministre des Finances, Karin Keller-Sutter, a adressé à ses collègues du Conseil fédéral le samedi 18 mars 2023 à 20h10, via l’application de messagerie Threema. Comme le révèle le rapport de la Commission d'enquête parlementaire (CEP) sur Credit Suisse.
Ce qui confirme que le Conseil fédéral utilise Threema pour échanger des informations hautement sensibles. Ces discussions ne se sont pas limitées à la phase critique de la crise du Credit Suisse, mais ont débuté plusieurs mois auparavant. Dès novembre 2022, des messages circulaient déjà au sein du gouvernement en prévision d'une réunion sur la banque. L’un d’eux avait été envoyé par André Simonazzi, alors porte-parole du Conseil fédéral et vice-chancelier.
Aux Etats-Unis, une tout autre conversation privée fait actuellement les gros titres. Les conseillers en sécurité du président Donald Trump ont accidentellement ajouté un journaliste à un échange où ils débattaient de plans d’attaque contre les forces Houthis au Yémen. Et ce, sur la messagerie chiffrée Signal.
Certes, le Conseil fédéral ne prévoit aucune frappe militaire, mais une question se pose: un tel faux pas pourrait-il aussi lui arriver? Quelles garanties existent pour empêcher qu’une personne non autorisée ne soit ajoutée à un échange confidentiel entre conseillers fédéraux?
Interrogée sur le sujet, la Chancellerie fédérale, responsable de la communication du Conseil fédéral, reste évasive:
Ce canal est mis à disposition des collaborateurs de la Confédération pour des échanges sécurisés et est «autorisé, sous respect des directives de sécurité, pour des informations classifiées jusqu’au niveau ‘CONFIDENTIEL'», précise la Chancellerie en lettres majuscules.
Elle ajoute également:
Cela peut être garanti par une vérification via un code QR personnel dans «Threema Work». Quant aux détails concernant les moyens de communication du Conseil fédéral et les mesures de sécurité, «nous ne les divulguons pas pour des raisons de sécurité».
Cet argument semble avoir également convaincu la CEP sur Credit Suisse. Dans son rapport, elle salue l’utilisation de Threema par le Conseil fédéral comme un «apport positif à une communication interne rapide, complète et efficace en période de crise». Selon la CEP, cela a permis non seulement de coordonner les rendez-vous, mais aussi de diffuser des informations et mises à jour quotidiennes. L’utilisation de la plateforme Threema par la Chancellerie fédérale a ainsi facilité l’organisation des réunions extraordinaires durant cette période.
Le rapport de la CEP ne mentionne aucune information concernant d'éventuels risques de sécurité liés au groupe de discussion Threema du gouvernement fédéral.
Récemment, l'administration fédérale a décidé de passer complètement à Microsoft 365. Cela offrirait au gouvernement fédéral un autre canal de communication, à savoir Microsoft Teams, où il pourrait créer un groupe de discussion. Toutefois, cela implique également l'utilisation d'un grand cloud de données, dans lequel, selon les règles internes, «des données particulièrement sensibles» ainsi que des documents confidentiels ne doivent pas être stockés.
Pour éviter toute erreur, des aides spécifiques ont été mises en place. Ainsi, les employés fédéraux — y compris les conseillers fédéraux — sont «soutenus par un logiciel approprié pour déposer les documents au bon endroit», comme cela a été indiqué lors de l’introduction du programme.
Traduit et adapté par Noëline Flippe