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The Atlantic: Ces détails accablent l'administration Trump

Comment le journaliste américain Jeffrey Goldberg s'est-il retrouvé sur un groupe Signal rassemblant des membres gouvernement américain? Il le raconte très bien dans son article pour son média Th ...
Jeffrey Goldberg, le journaliste chevronné et rédacteur en chef de The Atlantic qui s'est retrouvé plus au moins par hasard au milieu des discussions gouvernementales de premier plan.getty/watson

Ce qui s'est vraiment dit lors de la conversation qui embarrasse Trump

La manière dont le journaliste Jeffrey Goldberg s'est retrouvé au milieu d'un groupe de discussion privé entre plusieurs membres du cabinet de Donald Trump relève encore du mystère. Mais le rédacteur en chef du prestigieux magazine The Atlantic a raconté cette expérience insolite avec talent. Voici les détails croustillants que vous avez (sans doute) manqués.
25.03.2025, 18:0125.03.2025, 18:01
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Lorsqu'il reçoit une demande d'ajout sur la messagerie Signal, ce 11 mars 2025, d'un certain «Michael Waltz», Jeffrey Goldberg se méfie d'emblée. Il faut dire que ce journaliste chevronné de 60 ans en a vu d'autres. Lui qui a taillé sa plume au Washington Post et au New Yorker, avant de rejoindre The Atlantic sept ans plus tôt.

MEET THE PRESS -- Pictured: (l-r) Jeffrey Goldberg, The Atlantic, appears on "Meet the Press" in Washington, D.C., Sunday, July 13, 2014. (Photo by: William B. Plowman/NBC/NBC Newswire/NBCUn ...
Jeffrey Goldberg (ici en 2014), a été embauché en 2016 comme rédacteur en chef de The Atlantic.Image: NBCUniversal

Alors quoi, un canular? Un piège? Une campagne de désinformation d'un gouvernement étranger hostile ou de trolls sur internet?

Dans le doute, le rédacteur en chef accepte l'invitation de l'utilisateur, comme il le racontera ce lundi dans un article qui promet de secouer la Maison-Blanche et l'administration de Donald Trump pour un bon moment encore.

Après tout, qui sait? Peut-être que ce Michael Waltz est vraiment le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump. Et peut-être que cet individu souhaite vraiment discuter de l'Ukraine, de l'Iran ou de tout autre sujet important susceptible de l'intéresser, lui, le rédacteur en chef de l'une des publications les plus respectées du pays.

Premiers messages

Deux jours plus tard, le 13 mars 2025, à 16h28, Jeffrey Goldberg reçoit une première notification de la part du mystérieux «Michael Waltz», qui le convie à rejoindre un groupe au nom nébuleux: «Petit groupe PC houthi». L'administrateur envoie dans la foulée un premier message à ses participants.

Michael Walz
Equipe – création d’un groupe de coordination sur les principes concernant les Houthis, en particulier pour les 72 prochaines heures. (…)

Une minute plus tard, un membre du groupe se manifeste: un certain «MAR», que Jeffrey Goldberg ne tarde pas à identifier comme «Marco Antonio Rubio», du nom du ministre des Affaires étrangères de Donald Trump.

Puis c'est au tour d'un utilisateur s'identifiant comme «JD Vance» de réagir. Une minute plus tard, «TG» (vraisemblablement Tulsi Gabbard, la directrice du renseignement national, ou «quelqu'un se faisant passer pour elle») atteste de sa présence à son tour.

A 16h53, un membre baptisé Pete Hegseth, comme le ministre de la Défense, rejoint la bande. Lui succède encore un «Steve Witkoff», comme le négociateur de Donald Trump pour le Moyen-Orient et l'Ukraine ou une «Susie Wiles», la cheffe de cabinet de la Maison-Blanche. Enfin, «SM», que le journaliste interprète comme «Stephen Miller», le principal conseiller du président.

Au total, ce sont bientôt quelque 18 personnes, toutes de hauts responsables de l'administration, qui sont rassemblées au sein de ce groupe Signal. Avec ses initiales «JG», Jeffrey Goldberg est le seul inconnu. Mais personne ne semble s'inquiéter de sa présence.

Dérouté, le journaliste consulte plusieurs collègues de son magazine pour comprendre à quoi rime ce cirque. Sans vraiment aboutir à une réponse. Impossible de croire sérieusement que le conseiller à la sécurité nationale du président des Etats-Unis puisse être assez imprudent pour inclure le rédacteur en chef de The Atlantic dans de telles discussions entre de hauts responsables américains. Cela n'arrive que dans les rêves les plus fous des journalistes. Et encore.

«Je ne pouvais pas croire que les responsables de la sécurité nationale des Etats-Unis puissent communiquer sur Signal au sujet de plans de guerre imminents»
Jeffrey Golberg, dans son article sur The Atlantic

Ce n'était que le début.

Dès le lendemain, «les choses sont devenues encore plus étranges». Le vendredi 14 mars à 8h05, «Michael Waltz» envoie un nouveau message sur le groupe:

Michael Waltz
Equipe, vous devriez recevoir ce matin dans vos boîtes de réception des informations confidentielles, un compte rendu des conclusions et des missions, conformément aux directives du président.

Débute alors une discussion politique fascinante. A 8h16, le compte «JD Vance» répond:

JD Vance
Equipe, je suis en déplacement pour la journée pour un événement économique dans le Michigan. Mais je pense que nous commettons une erreur.

Jeffrey Golberg vérifie. Le vice-président est bien en déplacement dans le Michigan ce jour-là. Son sang ne fait qu'un tour.

Pendant ce temps, le vice-président (ou celui qui se fait passer comme tel), poursuit:

JD Vance
3% du commerce américain passe par le canal de Suez. 40% du commerce européen y transite. Il existe un risque réel que le public ne comprenne pas (cette opération) ni pourquoi c’est nécessaire. La principale raison de cette démarche est, comme l’a dit le président des Etats-Unis, d’envoyer un message.

Avant de se lancer dans une «tirade remarquable»:

JD Vance
Je ne suis pas sûr que le président soit conscient de l'incohérence de cette position avec son message actuel sur l'Europe. Il existe un risque supplémentaire de flambée modérée à sévère des prix du pétrole. Je suis prêt à soutenir le consensus de l'équipe et à garder ces inquiétudes pour moi. Mais il existe de solides arguments pour retarder cette décision d'un mois, pour faire le point sur l'importance de cette question, pour suivre l'évolution de l'économie, etc.

Quelques instants plus tard, à 8h27, c'est au tour d'un certain Pete Hegseth, comme le ministre de la Défense, d'interagir dans la chaîne:

Pete Hegseth
VP: Je comprends vos inquiétudes et je vous soutiens pleinement dans votre démarche auprès du président américain. Ce sont des considérations importantes dont la plupart sont difficiles à anticiper (économie, paix en Ukraine, Gaza, etc.). Je pense que la communication sera difficile quoi qu'il arrive; personne ne sait qui sont les Houthis. C'est pourquoi nous devons rester concentrés sur: 1) l'échec de Biden et 2) le financement de l'Iran.

Après que Michael Waltz ait déroulé un bref argumentaire économique et quelques chiffres du commerce et les capacités limitées des marines européennes, JD Vance renvoie un message à 8h45:

JD Vance
Si vous pensez que nous devrions le faire, allons-y. Je déteste devoir à nouveau renflouer l’Europe.
Pete Hegseth
VP: Je partage entièrement votre aversion pour les parasites européens. C'est pathétique. Mais Mike a raison, nous sommes les seuls sur la planète (de notre côté du tableau) à pouvoir faire cela. Personne d'autre. La question est de savoir si le moment est opportun. J'ai l'impression que c'est le moment idéal, compte tenu de la directive du président des Etats-Unis de rouvrir les voies maritimes. Je pense que nous devrions y aller; mais le président des Etats-Unis conserve encore 24 heures de marge de décision.

Après un message de conclusion de «SM», peut-être Stephen Miller, le confident de Donald Trump, et un sobre «D'accord» de Pete Hegseth à 9h46, la conversation s'achève.

Defense Secretary Pete Hegseth does a television interview outside the White House, Friday, March 21, 2025, in Washington. (AP Photo/Jacquelyn Martin)
Pete Hegseth
Pete Hegseth est devenu plus tôt cette année le ministre de la Défense de Donald Trump.Keystone

A ce stade, Jeffrey Goldberg nage en pleine perplexité. Cette conversation est certes «vraisemblable», compte tenu du choix des mots et des arguments des participants, mais il ne comprend toujours pas ce qu'il vient faire là-dedans.

«C’est le lendemain matin, samedi 15 mars, que cette histoire est devenue vraiment bizarre»
Jeffrey Goldberg

Le 15 mars, à 11h44, l'utilisateur Pete Hegseth publie une «MISE À JOUR» sur Signal. Sans citer explicitement la teneur exacte de ces annonces, Jeffrey Golberg évoque des informations sensibles qui, entre de mauvaises mains, pourraient «être utilisées pour nuire au personnel militaire et de renseignement américain, en particulier au Moyen-Orient». Par exemple? Des «détails opérationnels sur les frappes à venir au Yémen», les «armes que les Etats-Unis vont déployer» ou encore le «séquençage des attaques».

JD Vance
Je prierai pour la victoire.

Deux autres utilisateurs renchérissent avec des emojis prière.

Nageant toujours en plein doute, le journaliste se laisse un test ultime pour se convaincre que tout ceci n'est pas une vaste plaisanterie. Selon les affirmations de Pete Hegseth, les premières détonations au Yémen doivent être ressenties deux heures plus tard, à 13h45.

Enfermé dans sa voiture, sur le parking du supermarché, Jeffrey Goldberg attend. A 13h55, il s'empare de son téléphone et tape «Yémen» sur X. Des explosions ont bel et bien retenti à Sanaa, la capitale. Il comprend. Il ne s'agit pas d'une arnaque élaborée. Mais d'une chaîne Signal qui réunit bel et bien parmi les personnes les plus influentes de l'administration Trump.

«C'est là que j'ai commencé à réaliser que je devais écrire sur cette faille de sécurité massive»
Jeffrey Goldberg, dans une interview réalisée dans un second temps, toujours pour The Atlantic

A 13h48, Michael Walz a déjà donné des nouvelles sur le groupe pour saluer l'opération comme un «travail formidable». Avant d'enchaîner avec une série d'emoji: poing, drapeau américain, feu.

Image
capture d'écran: the atlantic

Steve Witkoff réplique avec cinq emojis: deux mains en prière, un biceps contracté et deux drapeaux américains, pendant que les autres membres se congratulent avec enthousiasme. «Bravo Pete ton équipe!!». «Félicitations à tous». «Excellent travail!». «Vraiment génial». «Que Dieu vous bénisse».

Jeffrey Goldberg n'a pas besoin d'en savoir plus. Il claque la porte et quitte le groupe, sachant que cela déclenchera une notification automatique à son administrateur, le soi-disant «Michael Waltz» et signalera la présence d'un intrus.

Il s'empare alors de son ordinateur pour adresser un courriel au «vrai» Michael Walz, ainsi qu'à toutes les personnes concernées. Les questions fourmillent dans sa tête. S'agit-il d'un vrai groupe? Pourquoi a-t-il été invité? S'agit-il d'une erreur ou était-ce volontaire? Ce genre de groupe sur la messagerie Signal est-il courant? Deux heures plus tard, il reçoit une réponse vertigineuse du porte-parole du Conseil de sécurité nationale.

«Il semble s'agir d'une chaîne de messages authentique, et nous étudions actuellement la manière dont un numéro a été ajouté par inadvertance à la chaîne»
Brian Hughes, porte-parole, à The Atlantic

La suite, vous la connaissez. Et si de nombreuses questions restent encore à éclaircir, notamment sur la manière dont un journaliste s'est retrouvé invité sur une chaîne d'échanges ultra-confidentiels, l'humiliation infligée à Donald Trump et à son cabinet n'en reste pas moins cuisante.

(L'article de Jeffrey Goldberg dans The Atlantic est à découvrir ici.)

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