Depuis l'ambassade de Suisse à Téhéran, on entend parfaitement les impacts des frappes aériennes israéliennes. On voit ensuite des colonnes de fumée, puis les attaques reprennent. Les bâtiments de la Confédération se situent au nord de la ville, dans le quartier où vivent également une bonne partie de l'élite iranienne. Parmi eux, des hauts fonctionnaires militaires et de sécurité du régime des mollahs. C'est-à-dire précisément les personnes que le gouvernement israélien vise. Le nombre d'impacts dans la zone est donc élevé.
Lundi après-midi, les forces armées israéliennes ont publié une carte de Téhéran avec les zones à évacuer - l'annonce de bombardements imminents. L'ambassade de Suisse n'y figurait de justesse pas. Il reste toutefois un risque pour les employés de l'ambassade qui ont pour la plupart leur domicile privé non loin de là.
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La représentation suisse en Israël, à Tel Aviv, est également exposée. La ville est la cible privilégiée des contre-attaques iraniennes. Comme le bouclier de protection contre les frappes aériennes n'est pas en mesure de repousser tous les missiles, Berne a renforcé son propre dispositif de sécurité.
Selon deux sources bien informées, l'armée a envoyé, lundi, en Israël, des soldats d'élite du Détachement de reconnaissance de l’armée 10 (DRA 10). Ils doivent assurer la protection du personnel de l'ambassade grâce à leurs connaissances et à leurs contacts sur place. Difficile par contre d'évaluer leur réelle marge de manœuvre contre les attaques de roquettes.
La diplomatie suisse, emmenée par le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis, n'est pas seulement géographiquement proche des événements de la guerre. Sur le plan politique aussi, peu de pays européens sont aussi impliqués dans la recherche fébrile de solutions pour un cessez-le-feu. Et ce, en raison de son rôle de puissance protectrice des Etats-Unis en Iran.
La section «Intérêts de la Suisse» gère toutes les affaires consulaires des Etats-Unis en Iran, qu'il s'agisse de demandes de passeport, de changements d'état civil ou de la protection de citoyens américains. Parallèlement, elle assure un canal de communication entre Téhéran et Washington.
L'ambassadrice suisse, Nadine Olivieri Lozano, a ainsi été convoquée au ministère iranien des Affaires étrangères dès le premier jour des attaques. C'est ce qu'a confirmé Ignazio Cassis vendredi lors d'une conférence de presse. Interrogé lundi, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a indiqué que l'ambassadrice y avait reçu «un message adressé aux Etats-Unis». Le DFAE n'en dit pas plus:
Vendredi, le régime de Téhéran a probablement fait annuler par l'intermédiaire de l'ambassadrice suisse, les négociations nucléaires prévues avec les Etats-Unis pour le week-end. Par ailleurs, selon nos informations, le canal suisse a également été utilisé durant le week-end. Impossible, en revanche, de connaître le contenu des échanges. Berne pourrait avoir établi le contact avec d'éventuels médiateurs comme le Qatar ou Oman. Ce qui est sûr par contre, c'est que la guerre se poursuit et que les efforts pour apaiser les tensions n'ont jusqu'ici pas vraiment porté leurs fruits.
Pas plus que les appels à résoudre le conflit de manière pacifique. Vendredi déjà, le ministre des Affaires étrangères déclarait à Berne:
Il appelle tous les acteurs à utiliser les canaux diplomatiques existants, «nos bons offices sont à disposition». Le Conseil fédéral a chargé le DFAE de suivre de près l'évolution de la situation et de rechercher le dialogue avec tous les partenaires.
Pour le Tessinois, cela a dû sembler étrange: quelques heures avant qu'Israël ne lance ses attaques, il était encore en visite chez son homologue israélien, Gideon Sa'ar. «Il n'a pas dit un mot à ce sujet», assure Ignazio Cassis. Selon ses informations, aucun pays n'aurait été informé à l'avance, à l'exception des Etats-Unis, à la dernière minute cependant. Il est difficile de vérifier si cela est vrai.
Lors de sa séance de vendredi, le Conseil fédéral s'est penché en détail sur la situation au Proche-Orient. L'ensemble du gouvernement est «profondément préoccupé par l'escalade», a fait savoir le ministre en charge du DFAE. Toute intensification des hostilités accroît l'instabilité déjà grande dans la région:
Ces manoeuvres de guerre concernent potentiellement 200 Suisses en Iran et 29 000 en Israël. Environ 75 personnes en voyage en Iran sont en outre enregistrées sur la plateforme Travel Admin du DFAE. En Israël, on recense 170 touristes suisses sur place. Berne invite à «observer les consignes de sécurité des autorités». La Confédération déconseille de manière générale les voyages en Iran depuis août 2024. Depuis vendredi dernier, cette recommandation s'applique désormais aussi à Israël.
Le DFAE souligne qu'il ne procède pas à des rapatriements ou des départs de ressortissants. «La décision de quitter une région en crise est prise volontairement, aux risques et aux frais de la personne qui s'en va».
Il n'est pas non plus prévu pour l'instant d'évacuer les ambassades de Téhéran et de Tel Aviv. Toutes les représentations helvétiques dans le monde auraient des dispositifs de sécurité et de crise. L'ambassade de Téhéran demeure, elle, fermée au public. Elle continue toutefois d'assumer ses tâches diplomatiques habituelles. «L'ambassadrice est sur place», confirme le DFAE. Nadine Olivieri Lozano jouera un rôle clé: celui de messagère entre les mollahs et Donald Trump. (Adaptation française: Valentine Zenker)