Elle est la victime qui tente d'échapper à un tueur en série sanguinaire, la fille populaire un brin débridée qui meurt violemment assassinée, ou la vilaine qui use de séduction pour manipuler et arriver à ses fins. Ces personnages féminins stéréotypés ont été vus et revus dans de nombreux films d'horreur, comme Scream, Souviens-toi... l'été dernier ou encore Jennifer's Body, pour n'en citer qu'une partie.
Cette année, le Festival International du Film Fantastique de Neuchâtel (NIFFF) consacre sa rétrospective Female Trouble à ces archétypes féminins dans le cinéma de genre, notamment à cette troisième catégorie de personnages. Pierre-Yves Walder, directeur général et artistique du NIFFF, cite en exemple la «femme fatale» ou la «femme monstrueuse», des figures considérées comme choquantes, infréquentables, qui sont souvent punies et meurent à la fin.
Il existe donc une certaine binarité dans le cinéma de genre: «Les personnages féminins sont souvent peu nuancés, soit gentils, soit méchants, surtout dans les films plus anciens», reconnaît Pierre-Yves Walder. Il explique d'ailleurs que la figure de «la vilaine» pouvait – et peut encore – déranger, car le public avait du mal à accepter qu'une femme agisse selon ses propres intérêts, qu'elle puisse être mauvaise ou qu'elle ne soit pas dans le soin de l'autre.
Dans le film Piggy (2022), diffusé au NIFFF, on découvre justement une protagoniste complexe: jusqu'à la fin, les réelles intentions de Sara, le personnage principal, restent floues.
Outre la nature profonde et complexe de l'héroïne, Piggy casse d'autres codes du cinéma d'horreur:
Une décision qui n'a pas plu à tout le monde. La réalisatrice a reçu des critiques à ce sujet, car Laura Galán n'entre pas dans les standards de beautés imposés.
Pierre-Yves Walder rappelle en effet que dans le cinéma de genre, les actrices, notamment les «méchantes», ont longtemps été hyper sexualisées et objectifiées. Avec comme but de plaire aux hommes, qui étaient soit derrière la caméra, soit dans le public, déplore-t-il.
Pour terminer, Carlota Pereda revient sur le rôle de la victime souvent imposé aux personnages féminins, qu'elle n'a pas voulu reproduire. Son héroïne va donc briser le cycle de violence qu'elle subit – de la part de la société et non du tueur, contrairement à d'autres films d'horreur – en hurlant ou en se mettant en colère.
Pourtant, malgré ce changement de narratif, certains clichés ont été repris par la réalisatrice, comme la méchanceté entre femmes ou le fait de tomber amoureuse du bad boy. Pourquoi? «Parce qu'ils reflètent une réalité», argumente-t-elle. Spoiler alert: le personnage principal ne finit pas avec le tueur. «Je voulais casser ce schéma, arrêter d'idéaliser les mauvais garçons. Sara mérite beaucoup mieux, même si certaines personnes auraient voulu qu'elle termine avec le tueur.» Et d'ajouter:
Depuis le début du 20e jusque dans les années 2000 environ, nombre de films d'horreur, à suspens ou fantastiques, ont repris et exagéré les clichés autour des femmes, avec pour conséquence de renforcer des stéréotypes et des injonctions dont les effets se font sentir aujourd'hui encore. Les choses sont-elles cependant en train d'évoluer? «Avec la nouvelle génération, composée notamment de réalisatrices, le cinéma de genre se féminise», observe Pierre-Yves Walder.
Il revient d'ailleurs sur le fantasme de l'actrice, qui n'a pas réellement le droit de vieillir, contrairement à ses confrères masculins. «Les injonctions sont encore très fortes. Les femmes restent sexualisées et vues au travers du regard des hommes.»
Carlota Pereda reconnaît également qu'il reste du chemin à faire. «C'est encore difficile de casser les codes, de changer le narratif et le focus, par exemple en mettant uniquement l'accent sur un personnage féminin», explique-t-elle. Pourquoi?
Le NIFFF a lieu du vendredi 30 juin au samedi 8 juillet à Neuchâtel. Le film Piggy sera diffusé le vendredi 7 juillet à 22h00.