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NIFFF 2023: Il y a un problème avec les rôles féminins

Le film Piggy (NIFFF)
Laura Galán interprète le personnage de Sara dans le film Piggy.Image: NIFFF
Analyse

Il y a un problème avec les rôles féminins dans les films d'horreur

Dans les films d'horreur ou fantastiques, les personnages féminins ont de manière générale été stéréotypés. Le Festival International du Film Fantastique de Neuchâtel (NIFFF) consacre sa rétrospective à ces héroïnes, notamment à celles qui ont cassé les codes imposés aux femmes.
02.07.2023, 08:0502.07.2023, 11:27
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Elle est la victime qui tente d'échapper à un tueur en série sanguinaire, la fille populaire un brin débridée qui meurt violemment assassinée, ou la vilaine qui use de séduction pour manipuler et arriver à ses fins. Ces personnages féminins stéréotypés ont été vus et revus dans de nombreux films d'horreur, comme Scream, Souviens-toi... l'été dernier ou encore Jennifer's Body, pour n'en citer qu'une partie.

Cette année, le Festival International du Film Fantastique de Neuchâtel (NIFFF) consacre sa rétrospective Female Trouble à ces archétypes féminins dans le cinéma de genre, notamment à cette troisième catégorie de personnages. Pierre-Yves Walder, directeur général et artistique du NIFFF, cite en exemple la «femme fatale» ou la «femme monstrueuse», des figures considérées comme choquantes, infréquentables, qui sont souvent punies et meurent à la fin.

«Nous avons choisi des films qui mettent en avant des protagonistes libres, indépendantes, qui sortaient des injonctions imposées par la société et qui allaient à l'encontre de ce qu'on attendait des femmes à l'époque, notamment au début du 20e siècle jusque dans les années 1960 environ.»
Pierre-Yves Walder, directeur général et artistique du NIFFF

Blanc ou noir?

Il existe donc une certaine binarité dans le cinéma de genre: «Les personnages féminins sont souvent peu nuancés, soit gentils, soit méchants, surtout dans les films plus anciens», reconnaît Pierre-Yves Walder. Il explique d'ailleurs que la figure de «la vilaine» pouvait – et peut encore – déranger, car le public avait du mal à accepter qu'une femme agisse selon ses propres intérêts, qu'elle puisse être mauvaise ou qu'elle ne soit pas dans le soin de l'autre.

Dans le film Piggy (2022), diffusé au NIFFF, on découvre justement une protagoniste complexe: jusqu'à la fin, les réelles intentions de Sara, le personnage principal, restent floues.

Piggy en quelques mots:
Sara (interprétée par Laura Galán) est victime de harcèlement de la part des jeunes du village en raison de son surpoids. Un jour, elle est témoin de l'enlèvement de deux de ses camarades. Comment va-t-elle réagir face à cet événement? Un conflit moral s'installe, et la protagoniste noue une relation ambiguë avec le tueur.

Casser les codes

Outre la nature profonde et complexe de l'héroïne, Piggy casse d'autres codes du cinéma d'horreur:

«J'ai volontairement décidé de ne pas choisir un "top modèle" comme personnage principal»
Carlota Pereda, réalisatrice.

La bande-annonce de Piggy:

Vidéo: watson

Une décision qui n'a pas plu à tout le monde. La réalisatrice a reçu des critiques à ce sujet, car Laura Galán n'entre pas dans les standards de beautés imposés.

«C'est une actrice magnifique. Je suis fatiguée de voir des films avec des personnages qui ne correspondent pas à la réalité»

Pierre-Yves Walder rappelle en effet que dans le cinéma de genre, les actrices, notamment les «méchantes», ont longtemps été hyper sexualisées et objectifiées. Avec comme but de plaire aux hommes, qui étaient soit derrière la caméra, soit dans le public, déplore-t-il.

Qu'est-ce que le male gaze?
Il s'agit d'un concept selon lequel la culture visuelle dominante est imposée par une perspective masculine, notamment dans le cinéma. Une grande majorité des films est produite par des hommes qui regardent des femmes, avec comme conséquence la transformation de celles-ci en objet de désir.

Pour terminer, Carlota Pereda revient sur le rôle de la victime souvent imposé aux personnages féminins, qu'elle n'a pas voulu reproduire. Son héroïne va donc briser le cycle de violence qu'elle subit – de la part de la société et non du tueur, contrairement à d'autres films d'horreur – en hurlant ou en se mettant en colère.

Les clichés ont la vie dure

Pourtant, malgré ce changement de narratif, certains clichés ont été repris par la réalisatrice, comme la méchanceté entre femmes ou le fait de tomber amoureuse du bad boy. Pourquoi? «Parce qu'ils reflètent une réalité», argumente-t-elle. Spoiler alert: le personnage principal ne finit pas avec le tueur. «Je voulais casser ce schéma, arrêter d'idéaliser les mauvais garçons. Sara mérite beaucoup mieux, même si certaines personnes auraient voulu qu'elle termine avec le tueur.» Et d'ajouter:

«Pourquoi aurais-je voulu qu'elle finisse avec un psychopathe? Il faut arrêter d'idéaliser ce genre de narratif»

Vers une évolution du cinéma de genre?

Depuis le début du 20e jusque dans les années 2000 environ, nombre de films d'horreur, à suspens ou fantastiques, ont repris et exagéré les clichés autour des femmes, avec pour conséquence de renforcer des stéréotypes et des injonctions dont les effets se font sentir aujourd'hui encore. Les choses sont-elles cependant en train d'évoluer? «Avec la nouvelle génération, composée notamment de réalisatrices, le cinéma de genre se féminise», observe Pierre-Yves Walder.

«Est-ce que les représentations dans le 7e art évoluent assez vite? Je ne suis pas sûr...»
Pierre-Yves Walder, directeur général et artistique du NIFFF

Il revient d'ailleurs sur le fantasme de l'actrice, qui n'a pas réellement le droit de vieillir, contrairement à ses confrères masculins. «Les injonctions sont encore très fortes. Les femmes restent sexualisées et vues au travers du regard des hommes.»

Carlota Pereda reconnaît également qu'il reste du chemin à faire. «C'est encore difficile de casser les codes, de changer le narratif et le focus, par exemple en mettant uniquement l'accent sur un personnage féminin», explique-t-elle. Pourquoi?

«Parce que les gens veulent voir la même chose, encore et encore»
Carlota Pereda, réalisatrice

Le NIFFF a lieu du vendredi 30 juin au samedi 8 juillet à Neuchâtel. Le film Piggy sera diffusé le vendredi 7 juillet à 22h00.

La bande-annonce de Piggy:

Vidéo: watson
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