Comme à son habitude, la Fashion Week de Paris, qui s'est achevée le 1er octobre, a tenu toutes ses promesses. Et comme trèèèès souvent, le grand public, celui qui regarde les fashionistas de haut en se disant «pauvres êtres» (et vice versa, car oui, il y a des gens méchants dans la mode, je vous jure, j'ai testé), a haussé un sourcil.
Un doux mélange de mépris, d'incompréhension et de méconnaissance en voyant passer des images de défilés sur les réseaux sociaux, en se demandant «mais ils se foutraient pas un peu de notre gueule, là, les fashions?».
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Le grand public est parfois dubitatif face à certains looks présentés à Paris, Milan, Londres, Copenhague, New York... Des humains qui se demandent pourquoi on a demandé de défiler à des mannequins qui ont l’air de s’être pris les pieds dans le rideau et à qui on a dit «c’est magnifique, SO FASHION, vas-y comme ça».
Ces humains se sont donné rendez-vous dans les commentaires sous une publication Instagram de Vogue. Un post avec des images du défilé printemps/été 2025 de la marque japonaise Comme des Garçons, qui s'est déroulé il y a quelques jours à la Fashion Week de Paris.
Certaines pièces présentées lors des Fashion Weeks sont ensuite portées sur le red carpet plus tard dans l’année par des stars, comme aux Oscars, aux Grammy Awards ou encore au Festival du Film d'Animation d'Annecy (les people n'ont pas tous la même aura et c'est pas grave, bienveillance et respect ici, merci).
Mais ce sont le plus souvent les tenues un peu fancy (et plus classiques, disons) que l'ont voit sur le tapis rouge; un peu moins les pièces «chandeliesques» de Comme des Garçons, il faut le reconnaître... Et il y a plusieurs explications à cela.
Pour la journaliste genevoise Melissa N'Dila, qui décortique notamment la mode chez elle.ch et revient tout juste de la Fashion Week de Paris, certaines pièces sont avant tout des œuvres d'art. La spécialiste souligne d'ailleurs que leur prix particulièrement onéreux font qu’elles se destinent bien souvent à une élite, telle que les célébrités ou des passionnés de mode très aisés.
Dans ce cas, à quoi servent ces créations importables? «La mode est avant tout un art. A la Fashion Week, il n’y a pas que des vêtements "portables". C’est l’occasion de contempler des performances artistiques où les idées des créateurs sont transcendées», poursuit Melissa N'Dila.
Un constat qui, justement, rejoint l'explication donnée par la styliste Rei Kawakubo, qui a dessiné les pièces de Comme des Garçons. Celle qui est aussi la créatrice de la marque s'était exprimée dans l'édition japonaise de Vogue à ce propos:
Toujours selon la styliste, cette collection rend hommage à l'espoir, alors que la précédente était inspirée par la colère.
Et rien qu'en comparant une pièce de l'ancienne collection avec une autre de la nouvelle, par exemple à celle rappelant un chandelier mauve cotonneux, on comprend effectivement ce que veut dire Rei Kawakubo.
D'accord. De l'art, de la politique, des performances... Mais au final, y a-t-il réellement un rapport avec la mode et les tendances lorsque l'on se penche sur des pièces objectivement importables, comme celles de Rei Kawakubo? Pour la journaliste spécialiste de la mode, il n'y a aucun doute.
Des propos que Melissa N'Dila étaye avec un exemple concret. «Le layering par exemple (soit le fait de superposer plein de vêtement dans une tenue) - qui est très tendance ces dernières saisons - vient à l'origine de créateurs subversifs japonais comme Rei Kawakubo de Comme des Garçons ou Yohji Yamamoto, qui avaient propulsé le mouvement de manière exagérée sur le podium.»
Et la journaliste mode de rappeler que «la rue a ensuite repris cette tendance au layering de manière plus nuancée».
Alors certes, pour répondre aux nombreux internautes qui se demandent sur Instagram, «mais qui peut bien porter ça?», la réponse est bien «personne dans la vraie vie», ou presque. Mais comme le rappelle la journaliste chez elle.ch, ça n'est pas le but de ces pièces. Les tenues à la Fashion Week n'ont pas toutes pour objectif d'être portées au quotidien ou sur un tapis rouge. Certaines sont des vêtements au sens propre du terme, d'autres s'inscrivent dans une performance éphémère qui dit quelque chose, selon le regard du styliste, du monde dans lequel on vit.
Autrement dit: n'ayez crainte, personne ne vous forcera à vous vêtir comme un mange-debout échappé d'un apéritif-dînatoire pour aller au bureau, ou comme un chandelier mauve cotonneux pour aller dîner chez belle-maman le dimanche. De là à dire que jamais, vous ne succomberez à une tendance inspirée de certaines lignes, formes, couleurs ou textures de Rei Kawakubo, et ce, sans même vous en rendre compte en admirant le look d'un quidam dans la rue ou celui d'un mannequin dans la vitrine d'un Zara...