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Analyse

Certains défilés à la Fashion Week sont-ils une grosse blague?

La Fashion Week de Paris vient de s'achever, et avec elle les défilés, dont certaines tenues semblent décousues au sens propre comme au sens figuré. On a par exemple vu déambuler une sorte de tab ...
De gauche à droite: un cadeau, un mange-debout, un chandelier. C'est pas moi qui le dit, c'est... des gens.Image: Rei Kawakubo / watson
Analyse

Les stylistes de la Fashion Week se foutent-ils de notre gueule?

La Fashion Week de Paris vient de s'achever, et avec elle les défilés, dont certaines tenues semblent décousues au sens propre comme figuré. On a par exemple vu déambuler une sorte de table mange-debout, quelques paquets-cadeaux, un chandelier mauve cotonneux... Décryptage de cette vaste fumisterie.
02.10.2024, 18:50
Margaux Habert
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Comme à son habitude, la Fashion Week de Paris, qui s'est achevée le 1er octobre, a tenu toutes ses promesses. Et comme trèèèès souvent, le grand public, celui qui regarde les fashionistas de haut en se disant «pauvres êtres» (et vice versa, car oui, il y a des gens méchants dans la mode, je vous jure, j'ai testé), a haussé un sourcil.

Un doux mélange de mépris, d'incompréhension et de méconnaissance en voyant passer des images de défilés sur les réseaux sociaux, en se demandant «mais ils se foutraient pas un peu de notre gueule, là, les fashions?».

«Qui porte ça?»

Le grand public est parfois dubitatif face à certains looks présentés à Paris, Milan, Londres, Copenhague, New York... Des humains qui se demandent pourquoi on a demandé de défiler à des mannequins qui ont l’air de s’être pris les pieds dans le rideau et à qui on a dit «c’est magnifique, SO FASHION, vas-y comme ça».

Ces humains se sont donné rendez-vous dans les commentaires sous une publication Instagram de Vogue. Un post avec des images du défilé printemps/été 2025 de la marque japonaise Comme des Garçons, qui s'est déroulé il y a quelques jours à la Fashion Week de Paris.

«Je me demande toujours qui porterait ça? 🤔»
Une utilisatrice sur Instagram
Vous y avez pensé, j'y ai pensé: on dirait un mange-debout dans un gala PLR. Et c'est OK.
Vous y avez pensé, j'y ai pensé: on dirait un mange-debout dans un gala PLR. Et c'est OK.Image: instagram comme des garçons
«Ici au Brésil ça s'appelle le carnaval»
Un utilisateur sur Instagram
Un chandelier mauve cotonneux, non?
Un chandelier mauve cotonneux, non?Image: instagram comme des garçons
«Comment le public fait-il pour ne pas rire? 😂😂😂»
Une utilisatrice sur Instagram
Moi quand j'emballe les cadeaux à la bourre.
Moi quand j'emballe les cadeaux à la bourre.Image: instagram comme des garçons
«Je suis désolée, quoi? Non. Ce n'est pas parce que c'est bizarre que c'est de l'art. Non. Ce n'est pas de l'art. Ce n'est pas de la mode. C'est un projet de bricolage d'enfant ou un château en coussins dans le salon des parents de quelqu'un...»
Une utilisatrice sur Instagram
Vous aussi, vous avez vu un coussin pour l'avion?
Vous aussi, vous avez vu un coussin pour l'avion?Image: instagram comme des garçons
«Il est temps que les humains s'éteignent, nous ne savons vraiment plus ce que nous faisons»
Un utilisateur sur Instagram

Certaines pièces présentées lors des Fashion Weeks sont ensuite portées sur le red carpet plus tard dans l’année par des stars, comme aux Oscars, aux Grammy Awards ou encore au Festival du Film d'Animation d'Annecy (les people n'ont pas tous la même aura et c'est pas grave, bienveillance et respect ici, merci).

Mais ce sont le plus souvent les tenues un peu fancy (et plus classiques, disons) que l'ont voit sur le tapis rouge; un peu moins les pièces «chandeliesques» de Comme des Garçons, il faut le reconnaître... Et il y a plusieurs explications à cela.

De l'art, oui, mais aussi de la politique

Pour la journaliste genevoise Melissa N'Dila, qui décortique notamment la mode chez elle.ch et revient tout juste de la Fashion Week de Paris, certaines pièces sont avant tout des œuvres d'art. La spécialiste souligne d'ailleurs que leur prix particulièrement onéreux font qu’elles se destinent bien souvent à une élite, telle que les célébrités ou des passionnés de mode très aisés.

«Mais c’est vrai que très peu de personnes portent des créations comme celles de Comme des Garçons au quotidien. Et c’est normal, car ce n’est pas le but de ce genre de vêtements»
Melissa N'Dila, journaliste chez elle.ch

Dans ce cas, à quoi servent ces créations importables? «La mode est avant tout un art. A la Fashion Week, il n’y a pas que des vêtements "portables". C’est l’occasion de contempler des performances artistiques où les idées des créateurs sont transcendées», poursuit Melissa N'Dila.

«Ensuite c’est aussi parce que la mode est politique, sociale. Les créations esthétiquement "bizarres" portent souvent en elles un message qui va au-delà et qui cherchent à remettre en question les conventions sociétales…»
Melissa N'Dila, journaliste chez elle.ch

Un constat qui, justement, rejoint l'explication donnée par la styliste Rei Kawakubo, qui a dessiné les pièces de Comme des Garçons. Celle qui est aussi la créatrice de la marque s'était exprimée dans l'édition japonaise de Vogue à ce propos:

«Ce que je crée n'est rien d'autre que l'expression de mes propres problèmes, de ce que j'ai dans la tête. Il s'agit de mes propres valeurs. Bien sûr, je comprends ceux qui ne sont pas d'accord. Je les accepte. C'est ça la liberté.»
Rei Kawakubo, styliste et créatrice de Comme des Garçons

Toujours selon la styliste, cette collection rend hommage à l'espoir, alors que la précédente était inspirée par la colère.

Une colère assez évidente.
Une colère assez évidente.Image: instagram comme des garçons

Et rien qu'en comparant une pièce de l'ancienne collection avec une autre de la nouvelle, par exemple à celle rappelant un chandelier mauve cotonneux, on comprend effectivement ce que veut dire Rei Kawakubo.

Des «importables» qui influencent les tendances

D'accord. De l'art, de la politique, des performances... Mais au final, y a-t-il réellement un rapport avec la mode et les tendances lorsque l'on se penche sur des pièces objectivement importables, comme celles de Rei Kawakubo? Pour la journaliste spécialiste de la mode, il n'y a aucun doute.

«Même si on a l’impression que ces vêtements ne se retrouvent pas dans la rue au quotidien, c’est faux. Ces créations ont une influence dans le quotidien. Certains de leurs détails se retrouvent dans les grands magasins»
Melissa N'Dila, journaliste chez elle.ch

Des propos que Melissa N'Dila étaye avec un exemple concret. «Le layering par exemple (soit le fait de superposer plein de vêtement dans une tenue) - qui est très tendance ces dernières saisons - vient à l'origine de créateurs subversifs japonais comme Rei Kawakubo de Comme des Garçons ou Yohji Yamamoto, qui avaient propulsé le mouvement de manière exagérée sur le podium.»

Yohji Yamamoto printemps/été 2024.
Yohji Yamamoto printemps/été 2024.Image: instagram Yohji Yamamoto
Yohji Yamamoto automne/hiver 2024-2025.
Yohji Yamamoto automne/hiver 2024-2025.Image: instagram Yohji Yamamoto

Et la journaliste mode de rappeler que «la rue a ensuite repris cette tendance au layering de manière plus nuancée».

Alors certes, pour répondre aux nombreux internautes qui se demandent sur Instagram, «mais qui peut bien porter ça?», la réponse est bien «personne dans la vraie vie», ou presque. Mais comme le rappelle la journaliste chez elle.ch, ça n'est pas le but de ces pièces. Les tenues à la Fashion Week n'ont pas toutes pour objectif d'être portées au quotidien ou sur un tapis rouge. Certaines sont des vêtements au sens propre du terme, d'autres s'inscrivent dans une performance éphémère qui dit quelque chose, selon le regard du styliste, du monde dans lequel on vit.

Autrement dit: n'ayez crainte, personne ne vous forcera à vous vêtir comme un mange-debout échappé d'un apéritif-dînatoire pour aller au bureau, ou comme un chandelier mauve cotonneux pour aller dîner chez belle-maman le dimanche. De là à dire que jamais, vous ne succomberez à une tendance inspirée de certaines lignes, formes, couleurs ou textures de Rei Kawakubo, et ce, sans même vous en rendre compte en admirant le look d'un quidam dans la rue ou celui d'un mannequin dans la vitrine d'un Zara...

Il passe de designer de l’iPod à icône de la mode

Vidéo: watson
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