Lululemon a été créée en 1998, au Canada, par Chip Wilson. L'entrepreneur originaire de Vancouver désirait revoir la mode des habits de yoga qu'il jugeait «laids» et «informes». Il les voulait «plus stylés» et «mieux coupés» pour ses futures clientes.
25 ans plus tard, Lululemon est devenue une marque ultratendance, grâce à l'arrivée de...la pandémie et le boom des réseaux sociaux. Si bien qu'une mode s'est lancée autour de la «define jacket», lorsque des jeunes femmes ont commencé à s'admirer dans le miroir avec cette veste de la marque canadienne et à poster des vidéos sur TikTok. La hype s'est enclenchée et les articles de Lululemon n'arrêtent pas de se vendre comme des petits pains.
Cotée en Bourse depuis 2007, la marque est très populaire en Amérique du Nord depuis près de dix ans et a récemment déferlé sur l'Europe. Une boutique a même ouvert à Zurich. Surtout, l'empire s'est diversifié dans différents sports, jusqu'à dessiner une gamme masculine - avec succès.
Les Echos ont souligné que ces dix dernières années, les ventes sont passées de 3 à 8 milliards de dollars. En 2022, aux Etats-Unis, elles ont même dépassé celles de… Nike et Adidas - ce calcul a été fait en enlevant les chaussures du décompte.
Une flambée qui doit beaucoup à la pandémie et à l'explosion du sport à domicile. Les marketeurs ont mis le paquet pour diffuser la marque et inonder les plateformes sociales. Une telle envolée qui, à ce jour, fait de Lululemon la septième société de vêtements au monde. Sa capitalisation boursière dépasse désormais les 60 milliards de dollars.
Mais derrière cette success story, l'homme à l'origine de la marque a causé quelques sueurs froides à l'empire canadien. Considéré comme le papa de l'athleisure (un style hybride entre les habits de sport et les vêtements du quotidien), Chip Wilson, 68 ans, dont Forbes estime la fortune à 7 milliards de dollars, principalement grâce aux 8% de capital qui lui restent de son bébé, a dû rendre son tablier à la suite de commentaires déplacés. Il expliquait, en réponse à la perte en qualité et du boulochage des leggings pour les femmes:
D'autres déclarations avaient défrayé la chronique, comme son avis sur le travail des enfants dans les pays du tiers monde. Récemment, il insistait sur l'exclusivité de la marque au détriment de l'inclusivité. Tout le contraire des désirs que notre société (et notre époque) souhaite promouvoir. «Ils essaient de devenir comme Gap , tout pour tout le monde», s'est défendu Chip Wilson.
Sa franchise lui a joué des tours. En décembre 2013, il a posé sa démission de son poste de président, avant de quitter complètement le conseil d'administration en 2015.
Dépossédé de sa création, il s'est montré très critique envers les nouveaux décideurs de son empire, publiant une lettre ouverte aux actionnaires de lululemon. En filigrane, il déclarait que la marque avait «perdu son chemin». L'homme d'affaires est dégoûté.
En parlant de chemin, le milliardaire a vu le sien se fragiliser. Les médecins lui ont diagnostiqué une dystrophie musculaire, appelée dystrophie musculaire facioscapulohumérale (FSHD). Une maladie qui touche environ 1 personne sur 8333. Là où ça se corse pour Wilson: il présente la version de type 2, une forme encore plus rare.
Lui (enfin, surtout son corps) se meurt à petit feu, mais il a pris le taureau par les cornes et s'est mué en philanthrope pour déjouer les affres de l'atrophie. Il se donne d'ailleurs cinq ans avant que cette maladie ne le calfeutre dans un fauteuil roulant. Wilson a investi 100 millions de dollars, de son propre argent, pour trouver des solutions, en prenant notamment des participations dans des startups de biotechnologie. «Mon temps est limité», a-t-il lâché à Bloomberg en octobre 2023.
Son pépin de santé lui a été diagnostiqué à 32 ans, alors que le bonhomme était un sportif aguerri. Il nageait en compétition lorsqu'il était enfant et a joué au football à l'université. A 28 ans, il avait accompli un Ironman (un triathlon longue distance).
Son avenir s'inscrit à présent en pointillés et la tant redoutée chaise roulante n'est plus très loin pour le Canadien.
Aujourd'hui, sa «mort musculaire» l'oblige à devenir une quasi pharmacie ambulante. Chip Wilson prend quotidiennement de la testostérone, ainsi que des doses hebdomadaires de rapamycine, un médicament généralement administré aux receveurs de greffes d'organes.
Une addition salée qui s'ajoute à une logistique pesante. Comme le souligne Matt Cook, basé dans une clinique privée en périphérie de la Silicon Valley, Wilson s'astreint à des injections de cellules souches, qui sécrètent une protéine qui pourrait s'avérer décisive pour freiner l'atrophie. Sauf que les thérapies par cellules souches sont limitées aux Etats-Unis: les séances semestrielles de Wilson l'obligent à sauter dans l'avion, de Vancouver à Tijuana, au Mexique, avec une escale pour récupérer son médecin au passage.
S'il ne perd pas son sens des affaires, avec des parts dans le groupe chinois Anta, le groupe Amer (propriétaire de Fila), la société mère d'Arc'teryx, la marque de ski Atomic et la marque Wilson (ça ne s'invente pas), il dépense une fortune pour combattre la maladie. L'entrepreneur de Vancouver a fondé en 2022 un organisme philanthropique appelé Solve FSHD. Sur le site, il est noté dès la page d'accueil que l'objectif est de résoudre la FSHD d’ici 2027, en supprimant les obstacles et accélérant le développement de médicaments.
C'est cette accélération qui doit remporter la course contre la maladie de Chip Wilson.