Il en a envie, elle pas. Certaines femmes peuvent penser qu'elles doivent être prêtes à faire l'amour à chaque instant, car cette idée est largement véhiculée par la pornographie. On y voit des femmes qui satisfont leur partenaire avec délice sans aucune baisse de leur libido.
Or, ce type de problèmes sexuels, comme le manque d'excitabilité physique ou les troubles de l'orgasme, ne sont pas rares chez les femmes. Dans une étude publiée en 2020 dans le Deutsches Ärzteblatt, 17,5% des sondées ont déclaré avoir souffert d'un dysfonctionnement sexuel très handicapant au cours des douze derniers mois.
Les chiffres sont nettement plus élevés si l'on compte également les cas moins handicapants, comme le montrent les dernières recherches: «Deux femmes sur cinq sont concernées. Ce n'est pas rien», affirme le psychiatre Kurt April. Il parle d'une prévalence similaire en Suisse.
Dans son cabinet de thérapie de couple et sexuelle, il se retrouve chaque jour face à des femmes en difficulté. Elles lui parlent parfois de problèmes d'excitation, de partenaires qui souhaiteraient avoir davantage de rapports et d'une intimité pas toujours agréable pour elles.
Mais le plus souvent, c'est la diminution, voire la disparition totale du désir qui revient sur la table. Les troubles de l'orgasme ne sont jamais très loin non plus. Selon les sondés, ils sont deux fois plus fréquents chez les femmes que chez les hommes.
On parle en revanche moins des tensions ou douleurs pendant l'acte. Et pourtant, une femme sur cinq en a déjà souffert. Une grande partie d'entre elles ont moins de 35 ans. Sibil Tschudin confirme ce constat. Elle est médecin-chef à la clinique gynécologique de l'Hôpital universitaire de Bâle. Chez les jeunes femmes, les douleurs sont souvent dues à un manque d'expérience. La tension due à la nervosité peut jouer un rôle.
La gynécologue pointe également le vaginisme. Il s'agit d'un trouble sexuel au cours duquel les muscles du plancher pelvien et du vagin se contractent involontairement. Cette réaction de défense du corps peut par exemple être déclenchée par de mauvaises expériences, par le tabou de la sexualité dans l'éducation ou par la peur de la douleur. La plupart du temps, plusieurs causes entrent en ligne de compte.
Il en va de même pour les autres dysfonctionnements sexuels. Leurs origines sont aussi individuelles et complexes que la sexualité féminine elle-même. La spécialiste explique:
La gynécologue s'est entretenue avec des patientes dont les troubles, selon elle, indiquaient un dysfonctionnement clair. L'élément déterminant pour savoir si un traitement est nécessaire reste la souffrance. Ce n'est qu'alors que l'on peut parler d'un trouble au sens propre du terme. Elle ajoute:
D'une manière générale, de nombreux mythes circulent encore autour de la sexualité féminine, par exemple que la pénétration suffit à l'orgasme féminin. La représentation souvent simplifiée du clitoris n'aide pas vraiment non plus. Pendant longtemps, le clitoris a même été représenté par un trait dans les manuels scolaires, alors qu'il s'enfonce de plusieurs centimètres dans le corps de la femme et que seul le gland du clitoris est visible de l'extérieur.
Le psychiatre en témoigne:
Il souligne notamment les contenus pornographiques s'adressant particulièrement aux hommes et donnant souvent une fausse image de la sexualité. Un problème majeur aux yeux du médecin. Car ces contenus diffusés à large échelle laisseraient croire que les femmes sont toujours prêtes à faire l'amour – physiquement et mentalement. De plus, on y met souvent l'accent sur la pénétration pure et simple. Il rappelle:
La thérapie permet de clarifier ces mythes et de parler de ses soucis. Il s'agit de prendre davantage conscience de ses propres besoins et de pouvoir ensuite les partager avec son ou sa partenaire. Le psychiatre Kurt April l'affirme: «De nombreuses femmes sont déjà soulagées par le simple fait d'en parler».
En outre, il arrive souvent, surtout chez les couples qui entretiennent une relation de longue durée, que d'autres besoins passent au premier plan ou que l'attirance sexuelle fluctue. «Une relation sexuelle doit être nourrie pour rester satisfaisante», selon Sibil Tschudin. Les problèmes de couple peuvent également avoir une influence sur l'intimité.
La thérapie n'est pas la seule approche adaptée. En cas de douleurs notamment, il est important d'en déterminer la cause. Il peut s'agir d'anomalies anatomiques, de blessures ou d'infections. En effet, les origines physiques des dysfonctionnements sont nombreuses. Parmi elles, des maladies de la peau de la vulve, des opérations dans la région des organes sexuels ou une sécheresse vaginale. Cette dernière est surtout fréquente à la ménopause en raison des changements hormonaux.
Certains médicaments peuvent également jouer un rôle. Un effet secondaire des antidépresseurs et des contraceptifs hormonaux est en effet la perte de libido.
La testostérone est censée aider, mais elle n'est autorisée que pour les hommes. «Son utilisation chez les femmes n'est pas anodine, elle présente des risques pour la santé et des effets secondaires, précise Sibil Tschudin.
Un effet positif sur le désir n'a été prouvé qu'après une chute drastique des hormones, par exemple suite à une ablation chirurgicale des ovaires.
(Adaptation française: Valentine Zenker)