Epilation à la cire, au laser ou au rasoir: la pilosité intime a longtemps été éradiquée pour répondre aux canons de beauté imposés. Mais sur les réseaux sociaux, un nouveau mot d’ordre gagne du terrain: «bush in a bikini», ou buisson dans le bikini. Autrement dit, on ne touche plus à la touffe, même à l’approche de la saison des maillots de bain.
Ce mouvement a été lancé par la tiktokeuse Sujindah. Dans une vidéo visionnée plus de 17 millions de fois, elle répète en boucle: «Full bush in a bikini». Dans les commentaires, de nombreuses femmes saluent l’initiative.
On peut lire par exemple: «Je ne me suis jamais rasée, enfin c’est normalisé», ou encore «Hell yes, le règne du buisson est de retour». Le hashtag #fullbush2025 accompagne ces publications.
La tendance semble révolutionnaire pour les plus jeunes, et pour cause: la pratique de l’épilation intime remonte bien plus loin qu’on ne l’imagine.
Selon certaines découvertes archéologiques, des humains se rasaient déjà vers 25 000 av. J.-C., en arrachant les poils un à un à l’aide de coquillages utilisés comme pinces, une méthode longue et douloureuse.
D’après The Journal of Sexual Medicine, les Egyptiens de 3000 avant notre ère se débarrassaient eux aussi de leur pilosité intime, avec des lames en cuivre ou de la pierre ponce. L’objectif était à la fois esthétique et hygiénique, et concernait les hommes comme les femmes. Les Grecs et les Romains pratiquaient également l’épilation.
Au Moyen Âge en Europe, l’épilation était plus rare et réservée aux plus aisés, qui utilisaient un mélange de chaux vive et d’orpiment (un sulfure d’arsenic jaune cancérigène), en partie pour se protéger des poux du pubis.
Le grand tournant survient au 20ème siècle. En 1915, Gillette commercialise son premier rasoir destiné aux femmes. Sa campagne incite à l’épilation des jambes et des aisselles, alors que la mode se fait plus légère et que les corps se dénudent. Pendant des décennies, les poils sont donc considérés comme inesthétiques sur les femmes, tandis qu’ils restent un signe de virilité chez les hommes.
Dans les années 1970, le mouvement hippie remet cette norme en question. De nombreuses femmes laissent repousser leurs poils, par conviction féministe, écologique ou anti-capitaliste. La pilosité devient alors un symbole d’autonomie et de naturalité.
Mais cette remise en cause ne dure pas. Avec la révolution sexuelle et l’essor des bikinis échancrés dans les années 1980, l’épilation du maillot reprend de plus belle.
Dans les années 1990, le maillot brésilien s’impose. Cette méthode d’épilation intégrale à la cire (ou au sucre) devient la norme, notamment sous l’influence de la pornographie, où les actrices apparaissent systématiquement imberbes et jeunes. Une image qui contribue à ancrer, chez beaucoup d’hommes, l’idée que la pilosité féminine est peu désirable, voire non naturelle.
Ce n’est que dans les années 2010 que les poils retrouvent une place dans l’imaginaire collectif, sous l’impulsion du mouvement «body positivity». La tendance du buisson dans le maillot s’inscrit dans la continuité de cette acceptation des corps au naturel.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder