«Avant même d'être enceinte, je savais que je ne voulais pas allaiter», raconte Sonja* (nom modifié par la rédaction). Après l'accouchement, elle voulait retrouver son indépendance, elle ne voulait pas que l'enfant ne dépende que d'elle. Elle avait donné son corps pendant neuf mois, ce qui n'était déjà pas facile et voulait désormais se sentir libre. Et d'expliquer:
Cette décision, Sonja ne l'a pas prise à la légère, car la pression extérieure était forte. En effet, comme elle l'explique, «allaiter est une question de bon sens dans notre société». Sans qu’elle ne demande rien, Sonja a donc été submergée de conseils et de critiques. Aujourd'hui, elle se souvient:
Les avis donnés par autrui variaient: certains disaient: «c'est spécial», d'autres: «si tu n'allaites pas, tu n'as aucun lien avec ton enfant». Les femmes, en particulier, ne comprenaient pas sa décision.
Comme d'autres avant elle, Sonja pensait que l'allaitement allait de soi. Autour d'elle, les gens lui disaient: «Peut-être que tu y prendras goût», notamment car c'est plus sain pour l'enfant. Et même si elle ne voulait pas allaiter, on lui donnait sans cesse des conseils sur les salles d'allaitement en ville et sur le fait que c'était pratique et, en plus, bon marché.
Etant donné que sa décision était devenue matière à discussion, Sonja a finalement décidé de ne presque plus en parler autour d'elle. Elle a également décidé de ne pas suivre de cours, notamment celui qui prépare à l'accouchement, afin de ne pas s'exposer davantage.
«La pression de la société est bien réelle», confirme Regula Arnitz, conseillère en allaitement à l'hôpital cantonal de Baden. Mais à la maternité, les femmes ne doivent pas se justifier: il y a des raisons de ne pas allaiter et cela doit convenir à chaque famille.
Les mères qui prennent cette décision sont conseillées. Car si une femme ne veut pas allaiter, il faut stopper, soit par des médicaments, soit par des moyens naturels, la production de lait qui se déclenche automatiquement après l'accouchement.
Sonja a réussi à se sevrer sans problème en buvant beaucoup de thé à la menthe. Et puis, petit à petit, des mères autour d'elles ont commencé à envier sa liberté. Après tout, elle pouvait laisser son enfant sans problème, sortir le soir, être un peu seule. Certaines se sont mises à penser qu'elles auraient peut-être dû faire de même.
Car même si l'allaitement est considéré comme la chose la plus naturelle au monde, la réalité est souvent différente. Les difficultés sont nombreuses: douleurs lors de la mise au sein, stress parce que l'allaitement ne fonctionne pas, nuits blanches parce que le bébé veut toujours téter. Et on ne peut pas non plus manger ou boire n'importe quoi.
Regula Arnitz explique:
De nombreuses mères ont besoin d'un soutien dans les premiers jours pour que l'allaitement puisse s'installer correctement. «Si cela ne fonctionne pas, cela peut être une source de stress supplémentaire», ajoute l'experte.
Il est dommage, selon elle, que ces femmes ne puissent plus faire l'expérience de ce que l'allaitement peut signifier, lorsque cela fonctionne: une expérience intime pour la mère et l'enfant, sans parler des aspects positifs de l'allaitement. Après tout, le lait maternel est parfaitement adapté au bébé.
C'est ce que confirme le professeur Thierry Hennet de l'université de Zurich, qui étudie les propriétés du lait maternel depuis des années.
Le lait contient de nombreux facteurs de protection tels que des anticorps pour l'enfant. Ceux-ci ne peuvent pas être fabriqués artificiellement. En effet, ils se forment en fonction du mode de vie de la mère: les femmes vivant dans des régions où le risque de maladies infectieuses est élevé ont donc une variété d'anticorps protecteurs nettement plus importante dans leur lait maternel.
En Afrique, les bébés sont ainsi mieux protégés contre la malaria par exemple, grâce au lait maternel. En Suisse, cette protection existe aussi pour les infections virales comme le Covid et la grippe, ce qui montre à quel point les facteurs de protection du lait s'adaptent à l'environnement de la mère.
Cependant, du point de vue nutritionnel et pour le développement de l'enfant, le lait maternel n'est plus décisif aujourd'hui, selon le professeur Thierry Hennet. Regula Arnitz souligne également que l'allaitement n'est pas toujours la bonne solution, malgré tous ses avantages. Surtout si la mère se sent très stressée par cette situation et ne pense plus qu'à ça jour et nuit.
C'est ce qui s'est passé pour Sonja, qui a pu sortir le soir seulement deux semaines après l'accouchement. Elle a également l'intention de reprendre le travail prochainement.
Le fait qu'elle ne doive pas sevrer son enfant lui facilite grandement la tâche. Jusqu'à présent, Sonja ne voit pas d'inconvénients pour elle et son enfant. Son petit garçon grandit et s'épanouit. Et la jeune mère est heureuse comme ça. «J'ai aussi mes bons moments avec mon fils quand je lui donne le biberon.» Aujourd'hui, elle peut dire clairement: