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Agression sexuelle, racisme: Brandy Melville dans la tourmente

Agression sexuelle, racisme: Brandy Melville dans la tourmente
Depuis plusieurs années déjà, Brandy Melville fait face à des appels aux boycotts. Et Brandy Hellville & the Cult of Fast Fashion fait l'effet d'un coup de massue pour Brandy Melville. Image: pinterest/montage: watson

La marque pour ado Brandy Melville est dans la tourmente

Des cas d'agressions sexuelles, racisme, discrimination ou encore antisémitisme ont éclaté au grand jour suite au documentaire Brandy Hellville & the Cult of Fast Fashion, centré sur la marque Brandy Melville. Voici les 6 choses à retenir sur les vêtements qui ont marqué notre adolescence.
13.04.2024, 19:0105.06.2024, 12:31
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Brandy Melville vit-elle ses derniers jours? Le nouveau documentaire HBO sur la marque de fast-fashion, Brandy Hellville & the Cult of Fast Fashion, disponible depuis le 9 avril sur la plateforme de streaming, tire la sonnette d'alarme et fait grand bruit. Et pour cause, le documentaire fait état d'une liste de pratiques alarmantes basées sur les déclarations d'anciens employés. Racisme, grossophobie, antisémitisme, agressions sexuelles et plus encore, le documentaire réalisé par Eva Orner, à qui l'on doit également Taxi to the Dark Side, fait suite au reportage de la journaliste Kate Taylor de Business Insider, publié en 2021.

Depuis plusieurs années déjà, Brandy Melville fait face à des appels aux boycotts. Si jusque-là, rien n'a suffi à alarmer la population, ce documentaire fait l'effet d'un coup de massue pour la marque.

Si vous ne connaissez pas Brandy Melville, pensez Abercrombie & Fitch ou encore Hollister. La marque de vêtements fast-fashion, créée par l'italien Silvio Marsan, et dirigée par Stephan Marsan, a acquis l'essentiel de sa popularité en Californie auprès des jeunes filles dans les années 2010. Très sélective dans son marché, on ne trouve que peu de boutiques en Europe et à travers le monde. 133 exactement, dont 15 en Suisse, contre plus de 3000 boutiques Zara dans le monde.

Si les plus vieux d'entre nous s'en souviennent encore, Brandy Melville a récemment connu un regain d'énergie auprès de la nouvelle génération, la Gen Z. Mais si la marque italienne ne vous dit toujours rien, félicitations. Vous avez échappé à l'apologie de la minceur et de la taille zéro, au summum de la toxicité. Car, en effet, Brandy Melville est connue pour vendre des articles à taille unique, très prisés par la génération Z aujourd'hui: des shorts en lin, des mini-jupes, des crop-tops et des sweatshirts imprimés «Malibu» ou autre slogan bidon. Bref, un style à la «California girl» qui fait rêver. Mais derrière cette esthétique se cacherait une entreprise qui maltraite ses employées, majoritairement adolescentes, et tire profit de l'insécurité des jeunes femmes.

La «Brandy Girl» est blanche, blonde et fine

Stephan Marsan, PDG de la marque, avait des politiques, certes non officielles, mais très intentionnées, sur le type de fille pouvant incarner la «Brandy girl». Et il aurait tout fait pour maintenir cette image. D'abord par l'allure de la boutique, qui ressemble étrangement au profil Pinterest d'une ado. Tout y est pour vous faire rêver: le magasin est parsemé de drapeaux américains et d'objets en tout genre rappelant le lifestyle de la Californienne. Du bois et des couleurs claires qui font échos à la plage, des guirlandes lumineuses au plafond et des paniers en osiers à tous les coins. Le tout tenu par des filles blondes, minces, mais surtout jolies. De quoi nous donner à nous aussi l'envie d'incarner la Brandy Girl.

Une boutique Brandy Melville située en Suisse.
Une boutique Brandy Melville située en Suisse.Image: pinterest

Seulement voilà, les belles en vitrine, les noires au placard. Si ces mots vous semblent forts, c'est pourtant la réalité. Selon plusieurs médias américains comme The Cut ou le New York Times, on apprend que le PDG préférait que les employés blancs soient mis en avant au détriment des employés noirs, et personnes de couleur, affectés au stock. Toujours selon le documentaire, Stephan Marsan demandait également des photos de ses employées, parfois mineures. Celles qui ne lui plaisaient pas prenaient la porte. Mais cette obsession présumée pour le physique parfait ne s'est pas arrêtée aux employées puisque même les clientes à l'allure Brandy y passaient.

Pour Brandy, zéro est une taille, la seule

Brandy Melville est connue pour ne proposer qu'une seule taille pour ses vêtements – par souci d'exclusivité – et c'est encore le cas aujourd'hui. Si leur slogan est passé de «one size fits all» (comprenez: une taille va à tout le monde) à «one size fits most» (une taille va à presque tout le monde) pour faire face aux vives critiques des consommateurs, il reste néanmoins faux. Notamment lorsqu'on sait que d'anciennes employées, censées pourtant représenter la parfaite Brandy Girl, ne rentraient pas dans les vêtements de la marque.

Le site de Brandy Melville ne propose qu'une seule taille pour tous ses articles
Le site de Brandy Melville ne propose qu'une seule taille pour tous ses articlesImage: eu.brandymelville.com

«L'appartement de Brandy»

Outre la discrimination, le documentaire met également en lumière un rapport d'agression sexuelle dont a été victime une employée âgée de 21 ans, d'abord découvert par la journaliste Kate Taylor en 2021.

À l'époque des faits, la jeune femme, munie d'un visa américain, recherchait un hébergement temporaire. On lui a alors proposé «l'appartement Brandy», situé à Soho et accessible uniquement à certaines triées sur le volet. Plusieurs anciens employés ayant séjourné dans cette résidence ont évoqué la présence d'hommes non invités, parfois y passant même la nuit. L'un de ces cas concernait la victime présumée. Selon ce même rapport, elle a passé la soirée avec un Italien d'âge moyen présent inopinément dans l'appartement. Après deux verres, elle n'a aucun souvenir de la suite de la nuit et s'est réveillée nue le lendemain dans l'appartement. Si son dossier médical indique qu'elle a été «violée par son patron», on apprend ensuite qu'elle a refusé de porter plainte par peur de perdre son emploi et d'être obligée de quitter le pays.

Détenue par une société suisse

Si le business modèle de Brandy Melville ressemble à bien des égards à celui de Zara ou H&M, sa structure d'entreprise est inhabituellement «chaotique, désordonnée et peu claire», a déclaré Eva Orner dans une interview. La journaliste Kate Taylor, qui témoigne dans le documentaire, raconte que chaque magasin Brandy Melville appartient à une société-écran différente, tandis que la marque Brandy Melville est détenue par une société suisse. Autre fait insolite, certains anciens employés ont raconté comment Brandy Melville rachetait leurs vêtements personnels pour en créer de nouveaux modèles, et les vendre ensuite.

L'entreprise a d'ailleurs essuyé de nombreuses accusations de créateurs indépendants et a d'ailleurs été poursuivie par la marque Forever21 pour violation du droit d'auteur en 2016.

Brandy Melville et la fast fashion

Selon la réalisatrice, Brandy Melville illustre parfaitement la façon dont la fast fashion peut exploiter les travailleurs et contribuer aux déchets environnementaux.

«On ne peut pas faire un film sur la mode sans montrer l'exploitation de presque tout le monde, des travailleurs aux mannequins, en passant par les détaillants et les consommateurs»
Eva Orner

Si une grande partie de ses vêtements est fabriquée dans une usine à Prato, en Italie, la chaîne d'approvisionnement de l'entreprise est «opaque», et l'atelier emploie des immigrants chinois. Le documentaire montre également le Ghana, où des montagnes de vêtements indésirables en provenance des États-Unis et d'Europe s'entassent et polluent les cours d'eau. Le modèle économique de Brandy Melville, basé sur la production en masse d'articles bon marché et à la mode destinés à être rapidement jetés, en est en partie responsable, explique Eva Orner. L'entreprise envoie également ces vêtements en grande quantité à des influenceuses en échange de promotions gratuites.

«Tout le monde est exploité»
Eva Orner

Hitler et antisémitisme dans le lot

Et puisque discrimination, vol et agressions sexuelles ne suffisent vraisemblablement pas, le New York Times nous apprend également que le PDG avait une étrange fascination pour Hitler. Selon la journaliste et deux anciens cadres interrogés dans le documentaire, les supérieurs partageaient un groupe de discussion appelé «Brandy Melville gags», dans lequel étaient partagés mèmes hitlériens, images pornographiques et blagues racistes. Une capture d'écran présentée dans le film montre une femme squelettique portant une écharpe sur laquelle on peut lire «Miss Auschwitz, 1943».

Un ancien franchisé de la marque a même confié «ne pas avoir été surpris» de découvrir une photo du fondateur, Stephan Marsan, déguisé en Hitler parmi les messages partagés. Tout comme des messages racistes.

Selon la journaliste Kate Taylor, d'anciens dirigeants et associés de Brandy Melville ont déposé deux plaintes contre le PDG, incluant de «graves allégations de racisme». Stephan Marsan, contacté par la réalisatrice du documentaire Eva Orner, n'a pas donné suite aux demandes d'interview.

Cet artiste crée des humains plus vrais que nature.
Video: watson
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