Les affaires s'empilent et flairent un parfum de scandale. Des polémiques que les médias américains commencent à s'approprier, évoquant les premières failles des logiciels appelés à repérer les examens rédigés par une intelligence artificielle.
Dans un cauchemar collégial, une étudiante a été faussement accusée d'avoir utilisé l'intelligence artificielle pour tricher sur un papier, puis forcée de défendre son nom lors d'une enquête de l'établissement. Le magazine Rolling stone a mis en lumière le cas, celui de Louise Stivers, une diplômée d'une université californienne. La malheureuse a vu son travail signalé par le logiciel anti-plagiat Turnitin. Faussement accusée par la faculté, l'étudiante de 21 ans explique au magazine avoir été «déconcertée et stressée», empêtrée dans un cauchemar bureaucratique de plus de deux semaines.
La firme exploitant Turnitin assure que son détecteur est globalement précis à 98%.
Ces fausses allégations de tricherie sont aussi arrivées à un autre étudiant, William Quarterman, réprimandé par son professeur pour avoir utilisé un logiciel pour son examen d'histoire. Comme le rapporte USA today, l'enseignant avait utilisé un logiciel de détection d'intelligence artificielle: GPTZero.
Loin du tonnerre américain qui gronde, en Suisse, les problèmes ne semblent pas encore à l'ordre du jour dans les sphères universitaires. L'Université de Fribourg (Unifr) assure qu'ils n’ont «pas connaissance d’un cas où un membre de la communauté universitaire fribourgeoise qui aurait été accusé à tort d’avoir eu recours à un tel outil». A Neuchâtel (Unine), rien à signaler non plus, comme l'établissement académique le confirme: «Nous utilisons différentes méthodes de détection des fraudes, dont des systèmes informatisés, mais pas le logiciel mentionné (réd: Turnitin).»
Outre le programme anti-plagiat (classique) Compilatio, les universités romandes ne font pas usage d'un quelconque logiciel de détection d’intelligence artificielle. L'Université de Genève (Unige), à l'instar de Fribourg, assure qu'aucun outil n'est assez fiable pour le moment.
Du côté de l'Université de Lausanne (Unil), la recherche de système de détection n'est pas encore définie et pour cause:
Des logiciels testés et approuvés outre-Atlantique, l'institution vaudoise s'en passe pour le moment, même si des réflexions sont en cours en ce qui concerne les enseignements et les rendus de travaux. La direction de l'Unil assure avoir testé «deux ou trois des principaux outils qui se positionnent sur le marché et aucun d’entre eux n’est capable de donner un résultat irréfutable», et de rebondir sur le fait qu'ils ne peuvent donc poser ainsi les bases juridiques nécessaires à la justification d’une éventuelle sanction.
Pour l'expert en e-learning, Jean-François van de Poël, les préférences vont vers un travail collaboratif avec l'IA, tel un compagnon de route. «Il faut avant tout éduquer et former les enseignants et les étudiants sur le fonctionnement des IA et leurs avantages et limites afin que chacun et chacune puisse en découvrir des usages au service de l’enseignement et de l’apprentissage.»
Ne diabolisant pas l'usage de l'IA, l'expert penche sur une adaptation des enseignants concernant son utilisation. «Les IA ne vont pas révolutionner l'enseignement, mais il ne faut pas faire l'autruche.»
Et l'expert poursuit:
Avant de conclure que des outils pareils sont «puissants entre les mains d'un expert, moins dans les mains d'un novice».