Voici ce qui fait souffrir les jeunes Suisses
Les filles réussissent mieux à l'école que les garçons, comme le confirment depuis des années de nombreuses études. Mais depuis la pandémie, un changement se dessine: si les filles continuent de présenter de meilleures performances, leur niveau de stress et de souffrance psychique augmente nettement.
Les garçons, eux, semblent souvent plus détendus et insouciants, même si derrière cette apparente décontraction se cachent parfois des risques.
Une augmentation qui inquiète
Cette généralisation est trop simpliste: toutes les filles ne sont pas en détresse, et tous les garçons ne sont pas insouciants. Les écarts entre individus d’un même sexe sont plus importants que ceux qui existent entre filles et garçons. Pourtant, les chiffres sont inquiétants: ces dernières années, les troubles psychiques ont augmenté de 26% chez les filles, contre seulement 6% chez les garçons.
Qu'est-ce qui se cache derrière ce phénomène? Est-ce une loi de la nature jusqu'ici ignorée? Ou bien le résultat de l'éducation, de la socialisation, et même des réseaux sociaux?
D'une part, des facteurs biologiques entrent en jeu, comme le tempérament, la personnalité et la sensibilité. Les garçons bénéficient dès la naissance d'un avantage en matière de raisonnement spatial, mais ils sont aussi plus vulnérables.
Les filles, elles, parviennent mieux à réguler leurs émotions et disposent d'une certaine avance en maturité grâce au développement plus rapide de leur cerveau. Ce qui compte toutefois, c'est l'interaction entre les dispositions innées et l'environnement. Comme les gènes ne peuvent être modifiés, la question se pose: que fait notre société de ces différences?
Des disparités induites socialement
Les parents et l'école encouragent souvent les filles à être appliquées, fiables et conformes. Cela porte ses fruits: très tôt, certaines d'entre elles cherchent à tout faire parfaitement. Elles rendent leurs devoirs à l'heure, sont organisées et capables d'apprendre de manière autonome. Mais lorsqu'elles échouent, cela peut générer du stress.
Les garçons bénéficient souvent d'un bonus de sympathie pour leur manque de rigueur. Devoirs oubliés ou agitation en classe sont considérés comme typiques. Cela les rend souvent populaires auprès de leurs camarades, mais les prive en même temps d'occasions d'apprendre à s'organiser et à assumer leurs responsabilités. Alors que certaines filles se comportent dès le passage au secondaire comme de petites cheffes de projet, beaucoup de garçons apprennent encore à arriver à l'heure.
Réseaux sociaux et jeux vidéo
Les réseaux sociaux renforcent ces stéréotypes de genre. Les filles sont confrontées à des vies parfaites, des standards de beauté et des réussites, ce qui accroît leur pression. Beaucoup de garçons semblent, en revanche, insouciants. Mais derrière cette apparente légèreté se cache souvent une réalité différente: sessions de jeux vidéo de plusieurs heures, difficultés scolaires, manque de sommeil. Plus de 30% des garçons jouent plusieurs heures par jour à des jeux en ligne, et 3% présentent un comportement addictif.
Le monde virtuel offre aux garçons des cadres bien définis. Les récompenses sont prévisibles, les erreurs peuvent être corrigées par la répétition. Contrairement au monde réel, où les relations sociales ou les exigences scolaires et professionnelles peuvent être frustrantes, le jeu vidéo procure des réussites rapides. Il peut devenir un substitut pour renforcer l'estime de soi, sans avoir à montrer de vulnérabilité.
L'image des filles surmenées et des garçons apparemment détendus met en lumière des attentes problématiques auxquelles les adolescents sont confrontés aujourd'hui. Alors que les filles luttent sous une pression à peine visible, certains garçons cachent leurs conflits intérieurs derrière une façade de décontraction.
Enfermés dans des cases dès le plus jeune âge
Ce phénomène trouve sa cause dans la même source: les stéréotypes de genre. Les jeunes continuent de recevoir des messages sur ce qu'une fille ou un garçon «doit» être, via les réseaux sociaux, la famille, l'école et le groupe de pairs. Ces rôles imposés les enferment.
Les filles ont besoin de moins de pression pour être parfaites et de davantage d'encouragement à accepter l'erreur. Les garçons, eux, ont besoin de la liberté d'exprimer leurs émotions et de montrer leurs faiblesses, sans craindre de perdre leur statut.
Que faire? Un objectif essentiel est de renforcer le conseil préventif auprès des parents et des familles, dans les crèches et les écoles. La prévention devrait également devenir une mission centrale de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent.
Traduit et adapté par Noëline Flippe