Elèves frontaliers: Genève pourrait reculer face à la colère française
Le canton de Genève s’apprête-t-il à reculer dans le conflit qui l’oppose à la France au sujet de la scolarisation des élèves frontaliers? «Cette situation est inconfortable pour tout le monde, on aurait préféré ne pas la connaître», confie le président du PLR genevois, Pierre Nicollier, joint par watson.
Depuis que la ministre genevoise de l’Instruction publique, Anne Hiltpold, a annoncé, le 11 juin, que le canton n'accepterait plus d’élèves frontaliers à compter de la rentrée 2026, la grogne n'a cessé de grandir côté français.
Ton menaçant
Au point que le ton s'est fait menaçant dans un communiqué diffusé mercredi par quatre élus, dont deux députées et un vice-président du Sénat.
Ses signataires s’insurgent contre le refus, une nouvelle fois exprimé selon eux par le gouvernement genevois, de reconsidérer sa position sur cet épineux dossier. Visiblement si épineux qu'Emmanuel Macron s'en était ouvert auprès de son homologue suisse Karin Keller-Sutter début juillet. Dans leur communiqué, où la coopération entre voisins suisses et français est soudainement remise en jeu, les élus français préviennent :
«Maintenant, il faut discuter»
«Maintenant, il faut discuter», reprend le président du PLR genevois Claude Nicollier. Peut-être parle-t-il pour Anne Hiltpold, du même parti que le sien. Sollicitée par watson, la conseillère d’Etat n’a pas souhaité commenter les dernières déclarations de la partie françaises. Mais, répondant jeudi soir à des députés au Grand Conseil, la cheffe de l’Instruction publique a dit qu’elle était prête à dialoguer avec les autorités françaises, indique à watson un membre du parlement genevois.
La sortie de crise pourrait être amorcée dès la semaine prochaine. Une proposition de motion socialiste sera en effet discutée au sein de la commission de l’enseignement du Grand Conseil, avons-nous appris. Déposée le 19 juin, elle demande au Conseil d’Etat de «permettre aux enfants (frontaliers) déjà engagés dans le système scolaire genevois d’y terminer leur scolarité, y compris secondaire (collège inclus, l’équivalent du gymnase ou du lycée dans les autres cantons romands)».
Retour au statu quo ante?
Ce que cela changerait? Depuis la décision du 11 juin, qui entend donner un coup d’accélérateur à un régime transitoire tournant au ralenti depuis son entrée en vigueur en 2019, les élèves frontaliers arrivés à la fin d’une tranche de leur cursus dans le canton de Genève (primaire ou cycle d’orientation), sont tenus de poursuivre leur scolarité en France.
Avec le texte du PS genevois, on reviendrait au régime dérogatoire précédemment en vigueur. Lequel autorisait les élèves frontaliers à accomplir la totalité de leur scolarité dans le canton de Genève, dès lors qu’ils l’y ont commencée. De son côté, le parti du conseiller d’Etat Pierre Maudet, Libertés et justice sociale, demande un «moratoire». Un parlementaire observe:
Concrètement, le gouvernement cantonal fait face à un problème de places dans les classes. Les élèves frontaliers seraient aujourd'hui en trop, alors que la population du canton de Genève gagne en moyenne 4000 nouveaux habitants par an. Pierre Nicollier le déplore amèrement:
Pour le président du PLR genevois, il faut penser «Grand Genève», soit le canton et la France voisine. Mais tout ne se passe toujours pas comme prévu:
Mais une nouvelle initiative parlementaire du PLR est en préparation sur le même sujet.
«Qu’en sera-t-il de la frontière dans 50 ans?»
«Nous la soutiendrons bien sûr», affirme le député socialiste Romain de Sainte-Marie, membre de la commission de l’enseignement du Grand Conseil. «En termes de transports, de santé et de formation, nous devons inclure la France voisine dans nos réflexions et démarches. Il faut envisager les projets ensemble. Qu’en sera-t-il de la frontière dans 50 ans? Sans doute sa présence se fera-t-elle encore moins sentir qu’aujourd’hui.»
Alors pourquoi soutenir le système dérogatoire pour les élèves frontaliers, qui entretient une territorialité nationale appelée à s’estomper? Par clientélisme? Romain de Sainte-Marie répond:
«Les enfants doivent aller à l'école là où ils habitent»
Le président du PS cantonal, Thomas Wenger, «regrette le manque de communication et de coordination entre les autorités genevoises et françaises».
En dehors de ces aspects sociaux, Thomas Wenger y voit plusieurs avantages: «Cela favorise les trajets courts et évite la formation de communes dortoirs.»
Critique adressée à la partie française
Le chef des socialistes genevois ose une critique à l’endroit de la partie française, laquelle, sur le dossier des élèves frontaliers, prétend avoir le plus grand mal à absorber la première volée du surplus attendu dans ses structures scolaires.
En tout, 2500 familles frontalières, dont 80% sont de nationalité suisse, sont concernées à terme par cette transition.
La résolution de la crise franco-genevoise pourrait passer par une augmentation du Fonds frontalier de compensation alloué par le canton de Genève à la France, actuellement de 396 millions de francs.