L'affaire avait enflammé l'opinion publique suisse, particulièrement alémanique, en 2021: un homme a vu sa peine réduite en deuxième instance, dans le canton de Bâle, pour un cas de viol. Celui-ci a été décrit comme «relativement court» par les juges et il n'en fallait pas plus pour choquer l'opinion publique et enflammer les milieux féministes.
Pour beaucoup, c'est le verdict de trop, après des années de sensibilisation aux violences sexuelles et une certaine avancée au Parlement dans la loi sur le viol, en juin dernier. Depuis quelques semaines, l'affaire rebondit au sein de l'opinion publique en Suisse. La raison? La décision du Tribunal fédéral sur le cas, au mois de septembre, reprise en masse par les médias français fin novembre, après un article de Swissinfo sur le sujet.
Comment expliquer qu'un viol «court» puisse modifier la fixation de la peine? Il convient tout d'abord de refaire un point sur les critères qui l'expliquent. Loïc Parein, avocat pénaliste de la place vaudoise ayant fait sa thèse de doctorat sur le sujet, nous aide à analyser la situation:
Autrement dit: la peine n'est pas systématiquement ancrée dans la loi pour chaque infraction. «Il y a tout au plus une peine plancher et un plafond, ce qui laisse une large marge de manœuvre existante entre-deux.» Celui qui est aussi chargé de cours aux universités de Fribourg et de Lausanne poursuit:
«Ce qui apparaît comme inédit dans cette affaire, c'est que la durée soit un élément à décharge en présence d'un viol», explique-t-il. Il estime toutefois qu'un «ensemble de facteurs a été apprécié».
Il semble aussi que les faits aient été, malgré eux, un peu déformés. Car si les tribunaux bâlois parlaient d'une agression ayant duré onze minutes, le Tribunal fédéral estime, lui, que celle-ci a duré «entre six et sept minutes». «Elles concernent à mon sens l'ensemble de l'agression, durant laquelle a eu lieu le viol à proprement parler», estime le pénaliste. Selon cet arrêt, la victime s'est défendue et plusieurs tentatives de pénétration forcée de la part des agresseurs ont eu lieu. Certaines d'entre elles ont réussi.
L'avocat note que dans son métier, on voit passer une multitude d'affaires. «Il y a des cas de séquestration, où une personne est enfermée toute une nuit dans une cave et sur laquelle sont commis des abus sévères, par exemple.» Mais comparaison n'est pas raison, et est-ce toutefois bien adapté de parler de «viol relativement court»? Un tel crime n'est-il jamais possible en ces termes?
Le Vaudois estime que les mots doivent être soigneusement choisis pour éviter toute maladresse en fonction de la gravité du cas et qu'un travail de communication plus adéquat peut toujours être effectué: «Un "viol de relativement courte durée" n'est pas la meilleure expression pour restituer les faits et la réflexion du Tribunal fédéral, selon moi. Cela étant, la sensibilité de l'opinion publique doit faire réfléchir la justice.»
En droit pénal, rappelle l'avocat, c'est la culpabilité de l'auteur et sa situation personnelle qui comptent. Plus celui-ci aura délibérément transgressé les droits des autres à son avantage et plus la peine sera lourde.
Le docteur en droit juge toutefois que les tribunaux, s'ils ne peuvent fixer la peine en fonction de la souffrance de la victime, sont de plus en plus sensibles à celle-ci. «Dans plusieurs cas récents, lors du verdict, le tribunal a souligné le fait qu'il reconnaissait la souffrance importante d'une personne violée. Même si, à la lumière du dossier, la peine serait inférieure aux attentes de la victime.»
On peut d'ailleurs lire, à deux lignes d'écart dans l'arrêté du Tribunal fédéral:
Le pénaliste note:
Si l'avocat comprend les réactions fortes qui accompagnent ce genre de décisions de justice, «toutes les modalités» du passage à l'acte doivent être prises en compte. Pour le Vaudois, qui s'intéresse à ce genre de polémiques d'un point de vue historique, l'évolution des mentalités peut parfaitement faire changer la pratique.
«Dans les années 1970, rappelle-t-il, on a vu un fort engouement pour la "resocialisation"», soit un concept qui se concentrait principalement sur la réinsertion du coupable dans la société. «Depuis le début des années 1990, nous assistons à une tendance opposée, sur fond de revendications toujours plus punitives, plus récemment en présence d'atteinte à l'intégrité sexuelle des femmes.»
L'expert note également que c'est sur cette thématique en particulier qu'un discours de plus en plus visible se construit. Il continue l'analyse:
Certains partis, en particulier l'UDC, mobilisent de plus en plus fréquemment cette thématique pour soutenir les efforts politiques en vue d'aggraver la répression, estime-t-il. «A Zurich, la conseillère d'Etat Nathalie Rickli a fait de ce leitmotiv sa signature politique.» Et de citer également, dans nos colonnes, l'UDC genevois Charles Poncet, qui déclarait:
Pour Loïc Parein, les conservateurs auraient tout intérêt, «stratégiquement parlant, de faire passer tous les durcissements voulus sous couvert d'une meilleure protection physique ou sexuelle, notamment des femmes. Cela a déjà été le cas dans les années 2000, à une époque très sensible à la protection des enfants». Il prévient: