L'inconvénient des meetings est que, parfois, on ne sait plus où regarder. Les stars brillent de mille feux, ici à la perche, là sur la piste, là-bas au triple saut. C'est pourquoi nous avons sollicité l'oeil d'un expert, afin d'orienter le nôtre.
«Je mentionne d'emblée le 100 m dames, bien évidemment, avec les six premières de la finale olympique, avec deux Suissesses à l'épreuve des Jamaïcaines (à moins que ce ne soit l'inverse), et surtout avec Elaine Thompson, la réplique exacte d'Usain Bolt.»
«A Tokyo, Thompson a remporté le 100 m avec une pointe de vitesse extraordinaire. Fraser-Pryce, son éternelle rivale, prend des départs extrêmement rapides, en profitant de sa petite taille et de son centre de gravité bas. Mais à la fin, Thompson vient toujours la dévorer...»
«Le style évoque celui de Bolt, c'en devient presque troublant, avec cette capacité d'accélération phénoménale. A Eugene, la semaine dernière, Thompson a encore signé le deuxième meilleurs temps de l'histoire en 10''54. Elle n'est plus très loin du record de Griffith-Joyner (10 ''49).»
«L'autre attraction de ce 100 m sera la présence de deux Suissesses au départ, Munjinga Kambundji et Alja del Ponte.»
«Je ne suis pas certain que nous prenions la mesure de l'événement: les deux meilleures sprinteuses européennes sont suissesses! Si j'avais imaginé il y a trente ans que nous aurions deux représentantes en finale d'un 100 m olympique? Absolument pas. Jamais de la vie.»
«Comment ne pas aimer Karsten Warholm? Non seulement nous avons affaire à un athlète exceptionnel, mais sa personnalité est irréprochable. Warholm est un scandinave tel que nous avons l'habitude de nous les représenter: propre, sain, efficace, sans esbroufe ni colifichet. C'est un vrai viking: il ne doute de rien mais il reste tranquille. N'oublions pas que ce garçon est un ancien décathlonien: il a énormément travaillé pour atteindre ce niveau sur 400 m haies.»
«Il est à la fois puissant et véloce. L'athlétisme attendait depuis longtemps l'éclosion d'un coureur de demi-fond qui ne vienne pas des Caraïbes et du Haut-Plateau. Warholm est cet homme.»
«Même s'il n'a pas couru depuis les JO, nous le savons en grande forme. Et même si personne ne bat un record du monde sur commande, nous pouvons raisonnablement envisager que, dans ce cas, la probabilité est très élevée.
Imaginez que Warholm a effacé un record contre lequel les Anglais (en particulier) se cassaient les dents depuis 1992! A Lausanne, il peut encore améliorer sa marque (45''94). Il faut juste que les conditions climatiques soient normales. Evidemment qu'avec un peu de bise dans la ligne opposée, c'est fichu, les coureurs prendront une seconde dans la vue. »
«J'ai rarement vu quelque chose d'aussi beau, une athlète capable de sauter aussi loin avec une telle facilité. On ne peut même pas parler de puissance: Yulimar Rojas produit une impression irréelle de fluidité, adossée à des prédispositions naturelles hors normes.»
«Aux JO, elle a pulvérisé le record du monde du triple saut féminin, non pas de quelques poussières, mais de 17cm! On la sait capable de franchir 7 m à son troisième saut; c'est proprement inouï. Yulimar Rojas domine totalement son sujet... et ses adversaires.»
«Il y a eu Sergeï Bubka, et maintenant, il y a Armand Duplantis. Renaud Lavillenie fut un brillant intermède entre deux prouesses. En exagérant à peine, Duplantis a tenu une perche dans son berceau avant de savoir s'agripper à un hochet. Son père était perchiste, sa mère une grande sportive. Ils avaient une piste de saut dans le jardin. Il y a des destins comme ça.»
«On parle d'un athlète qui maîtrise parfaitement son mouvement et qui vaut pratiquement 10"25 sur 100 m, ce qui n'est pas négligeable pour une course d'élan. La vitesse, le relâchement, la technique: tout est parfait, en symbiose.»
«Duplantis va porter le saut à la perche à des niveaux jamais atteints. Il franchira 6, 20 m prochainement, et peut-être bien plus encore (ndlr: son record du monde est actuellement à 6,18 m, réalisé en février 2020). Les autres gars concourent pour la deuxième place mais c'est là une autre qualité de Duplantis: il s'arrange pour que ça ne se voie pas trop. Il s'intègre bien à la confrérie des perchistes où règne un esprit de camaraderie très fort, où tout le monde échange des conseils, du matériel, des encouragements.»
«Mon âge m'autorise à rappeler qu'avant elle, le dernier Romand champion d'Europe était Philippe Clerc sur 200 m, en 1969... Au niveau de la popularité, Lea Sprunger a assumé la succession d'Anita Protti. Elle est de ces figures qui ont contribué au formidable essor de l'athlétisme suisse. Elle ne quittera jamais nos mémoires... où viendront bientôt s'immiscer d'autres jeunes talents, notamment Jason Joseph (110 m haies) et Lore Hoffmann (800 m).»