Marlen Reusser n’aurait jamais imaginé vivre une saison aussi pénible que celle de 2024. Victime d'une chute en mars, lors du Tour des Flandres féminin, la Bernoise, triple championne de Suisse sur route et quadruple championne nationale du contre-la-montre, a fracturé sa mâchoire, tout en se cassant huit dents. En outre, ses deux conduits auditifs ont été endommagés.
Mais son calvaire ne s'est pas arrêté là. Au printemps, Reusser a également été freinée par une infection persistante et des problèmes respiratoires, qui se sont révélés être les symptômes d’un Covid long. En méforme, elle a dû interrompre prématurément sa saison, sans participer au Tour de France femmes, aux Jeux olympiques de Paris 2024 et aux Championnats du monde, chez elle en Suisse. Un véritable crève-cœur pour l’athlète de 33 ans, dont la dernière course de l’année a été le Tour de Burgos, disputé en mai.
Pendant de longs mois, Reusser a douté. Elle craignait de ne jamais retrouver son meilleur niveau. Pourtant, dès son retour à la compétition début 2025, les incertitudes ont laissé place à la joie. En janvier, la Suissesse a levé les bras en remportant le Trofeo Palma Femina. Quelques semaines plus tard, elle a confirmé son renouveau en terminant deuxième du Tour de la Communauté de Valence féminin.
Alignée ensuite sur les classiques, c’est une nouvelle fois sur les courses à étapes que Reusser a brillé, un terrain où on ne l’attendait pas forcément. En mai, elle s’est classée deuxième du Tour d’Espagne féminin, remporté par son ancienne coéquipière Demi Vollering. Quelques jours plus tard, elle a dominé de main de maître le Tour de Burgos, cette même épreuve qui, un an plus tôt, avait marqué la fin brutale de sa saison. Bilan: deux victoires d'étape, le classement général et deux classements annexes.
Mais comment expliquer une telle renaissance? Outre le fait que sa santé soit enfin retrouvée, un autre facteur semble déterminant: son changement d’équipe cet hiver. Marlen Reusser a quitté la formation SD Worx-Protime, dans laquelle elle évoluait depuis trois saisons, pour rejoindre Movistar avec un contrat courant jusqu’en 2027.
Ce qui pourrait ressembler à un transfert anodin ne l’est aucunement. Au sein de la structure néerlandaise, la double championne du monde du contre-la-montre partageait le leadership avec plusieurs têtes d’affiche du peloton. Pire: elle se retrouvait souvent reléguée derrière des coureuses comme Demi Vollering ou Lotte Kopecky.
C’est désormais tout le contraire chez Movistar, où Reusser est la leader attitrée. Elle reçoit la pleine confiance des dirigeants et le soutien sans réserve de ses coéquipières. Un environnement salutaire pour une coureuse qui, en août 2023, avait craqué en larmes au bord de la route, submergée par une surcharge mentale et un profond mal-être psychologique.
C’est donc avec des certitudes, une excellente forme et une confiance retrouvée que Marlen Reusser s’est présentée au départ du Tour de Suisse féminin. Et cela s’est fait sentir dès la première étape, jeudi. La Bernoise s’est longuement échappée pour s’imposer au sprint devant Demi Vollering, prenant ainsi la tête du classement général.
Conservera-t-elle la tunique de leader jusqu'à l'arrivée finale à Küssnacht? Rien n'est moins sûr. D’abord parce que la Néerlandaise Vollering, domiciliée dans le canton de Lucerne, est une athlète redoutable. Ensuite parce que le parcours du Tour de Suisse féminin 2025 ne semble pas idéal pour Reusser, qui a souligné auprès de l’Agence télégraphique suisse (ATS) l’absence d’un contre-la-montre et d’un très long col roulant, deux éléments clés pour son succès. Réponse dimanche.