Le terme «load management» ne vous dit rien? Il pourrait être traduit en français par «gestion des charges». Concrètement, cela consiste à faire rater des matchs à des joueurs majeurs de l'effectif, sans qu'ils ne soient blessés. On parle de mise au repos. Une gestion rigoureuse de l'effectif, étant donné la longueur de la saison régulière (82 rencontres), qui reste moins importante que les play-offs.
Mais cette stratégie, la NBA ne l'apprécie guère. Et pour cause, l'absence des stars sur les parquets n'a rien de bon pour son business. Elle a donc agi en conséquence, si bien que depuis le 1er juillet 2023, date à laquelle une nouvelle convention signée entre les propriétaires des franchises et le syndicat des joueurs est entrée en vigueur, existe la règle des 65 matchs, venant pénaliser les meilleurs basketteurs.
Et il doit être entré au moins 20 minutes sur le terrain pour que le match soit comptabilisé. Deux «jokers» à 15 minutes sont néanmoins autorisés. Les joueurs doivent donc être activement impliqués dans 79% des parties s'ils veulent être en course pour un titre honorifique au printemps. Dans un autre sport, en l'occurence le football, Neymar, élu meilleur joueur de Ligue 1 en ayant disputé que 20 rencontres au cours de la saison 2017/2018, n'aurait par exemple pas reçu son prix si une telle règle avait existé.
Parmi les récompenses touchées outre-Atlantique, il y a bien sûr le titre de MVP, mais aussi le meilleur défenseur de l'année et la meilleure progression de la saison. Sans oublier les sélections au sein des équipes: les All-NBA Teams et All-Defensive Teams. Les rookies, eux, ne sont pas concernés, puisque leur temps de jeu est limité la saison suivant leur draft.
Si à première vue, ces distinctions peuvent sembler anecdotiques, elles font partie intégrante du système nord-américain. Tout le monde y attache une grande importance, y compris les sportifs, puisqu'elles affectent leur carrière, leur réputation et surtout, leur salaire. Les «free agent» négocient mieux et les joueurs sous contrat activent généralement une très généreuse clause lorsqu'ils remportent un prix. Des millions de dollars sont en jeu.
L'an passé, le MVP Joel Embiid n'avait disputé que 66 matchs de saison régulière. En 2023/2024, il a déjà manqué 13 rencontres avec les 76ers de Philadelphie. Alors qu'il tourne à plus de 35 points par match et qu'il fait partie des favoris à sa propre succession, il pourrait perdre l'élection à cause de cette nouvelle règle, qui pose véritablement question.
Blessé mercredi suite à la chute de l’ailier des Warriors Jonathan Kuminga sur son genou, Embiid, dont la carrière a souvent été émaillée par les blessures, ne semblait pas dans son élément sur le parquet. Il faut dire que ce même genou l'embêtait déjà depuis plusieurs semaines.
Joel Embiid went to the locker room after getting tied up with Jonathan Kuminga pic.twitter.com/bkOREMkd7F
— Warriors on NBCS (@NBCSWarriors) January 31, 2024
Aurait-il fait le forcing pour atteindre les 65 rencontres et être ainsi dans les clous? Possible. C'est en tout cas le sentiment du pivot des Warriors Draymond Green, et ce qui ressort des bruits de couloirs du côté de Philadelphie.
Cette pression exercée sur un joueur au physique particulier - dont le corps de 2m13 pour 127 kg nécessite d'être préservé - n'a rien de judicieuse, selon Paul Reed, coéquipier d'Embiid chez les Sixers.
Joel Embiid n'est pas le seul dans cette situation. Tyrese Haliburton, le meneur des Pacers, pourrait intégrer l'une des All-NBA Teams en fin de saison, et ainsi gonfler de 40 millions de dollars son contrat. Sauf qu'il ne lui reste peu de marge, à cause de plusieurs absences cette saison. Il juge, comme beaucoup d'autres, la réforme «stupide». Jimmy Butler est également à la limite, alors que la saison régulière est loin d'être terminée. De son côté, Kyrie Irving ne peut désormais plus espérer la moindre distinction.
Alors que les joueurs disputent déjà des saisons à rallonge, avec plusieurs matchs par semaine et des déplacements à n'en plus finir à travers toute l'Amérique, il semblerait que cette nouvelle règle n'ait que faire de leur santé. Elle pourrait affecter la longévité de leur carrière.