Les suiveurs l'ont vu virevoltant, intenable lors du Tour 2017. Le quotidien Le Soir titrait même: «Landa, une âme de leader». Sous les couleurs de l'équipe Sky, ils étaient nombreux à le considérer comme plus fort que Froome, sorti vainqueur. Le Britannique lui-même n'hésitait pas à le voir comme «une vraie menace pour la victoire finale». Au bout du compte, Landa finissait 4e, à quelques secondes du podium sur les Champs-Elysées.
L'Espagnol, fatigué ensuite de n'être qu'un super-lieutenant dans le collectif britannique, ne tergiverse pas et décide de changer d'air. Pour lui ne compte que le rôle de leader, rien d'autre. Il le trouvera dans les rangs de la formation espagnole Movistar dès l'année suivante, réputée pour aligner une profusion de leaders et entretenir un flou artistique sur les routes.
Bridé chez Astana et Sky; victime de schémas désastreux chez Movistar, c'est en raison de ses choix que Landa n'a jamais pu exploiter pleinement son potentiel. Lui qui se plaignait de ne pas être considéré comme un leader chez Astana, en 2015, avouait également une certaine rancoeur contre son ancien employeur Sky.
A courir derrière ses rêves de podium et de victoires sur l'un des grands tours, le Basque semblait se briser les ailes. Ses années sous les couleurs Movistar ont été bonnes, mais sans podium, ni grande victoire. Pour passer un cap, il change à nouveau de maillot et trouve refuge chez une autre formation: la Bahrain Victorious (Mclaren au moment de la signature en 2020). Un nouveau tremplin pour le grimpeur tenace et vorace?
Mais Landa n'y arrive pas. Après son beau podium sur le Giro 2022, cette année 2023 devait être celle de la confirmation, d'un nouvel envol que beaucoup espéraient. Ce n'est pas le cas. Malgré des performances solides entre le Tour de Catalogne (5e), le Tour du Pays basque (2e) et la Flèche Wallonne (3e), l'homme fort de la Bahrain apparaît de plus en plus fragile quand la route se cabre et lorsqu'il s'agit d'avaler trois semaines de course.
Mikel Landa n'existe pas sur ce Tour de France 2023. Pour preuve, après la 10e étape, il n'a jamais inscrit son nom à un top 10. Pire, il n'a jamais pesé; il a subi, passif comme il l'a été à de nombreuses reprises quand il fallait répondre aux grandes entreprises des autres équipes. Sans réponse, lorsque Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard se dressent sur les pédales, et largué pour la troisième marche, détenue actuellement par Jai Hindley. Surtout, il n'arrive pas non plus à suivre le train français (David Gaudu et Romain Bardet) et paraît moins affûté que son équipier Pello Bilbao – vainqueur d'une étape et cinquième du classement général au soir du 11 juillet.
Mikel Landa est un attaquant, certes, mais souvent poissard. Sa chute en 2021 sur le Giro le rappelle, sa culbute sur la Grande Boucle en 2018 aussi. Et comme un disque qui tourne en boucle, Mikel Landa a vu une nouvelle fois le bitume de trop près cette année à Limoges et lâché 47 secondes sur ses rivaux.
S'il est un brin poissard, Landa (33 ans) commence aussi à sentir le poids des années, et possiblement le fardeau de s'être trompé lourdement sur les contours de sa carrière: il n'est pas ce coureur de trois semaines qu'il pense être, sachant ses lacunes en contre-la-montre.
La tendance pencherait plus vers un profil de «classicman» ou de chasseur des courses à étapes d'une semaine. L'exemple d'un Simon Spilak devrait lui donner des idées. Le Slovène, excellent sur les courses d'une semaine, mais absent des grands tours, avait rapidement ciblé ses qualités intrinsèques pour se tailler un joli palmarès.
Le temps est donc à la réflexion. Pour faire taire ses détracteurs (qui le surnomment «Mikel Nada»), Landa va devoir revoir ses objectifs au vu de son Tour de France décevant. En posant ses valises dans une nouvelle formation? C'est une possibilité, puisque les rumeurs l'envoient dans différentes équipes. Mais d'ici là, l'Espagnol reste convaincu de pouvoir peser sur un Grand Tour. La preuve: il se dit encore dans le match et impatient d'être en troisième semaine. On se réjouit de voir ça.