Sport
Commentaire

Le Tour de France nous a menti

Oreillettes: le Tour de France nous a menti
Le cycliste Alex Kirsch au départ de la Grande Boucle le 1er juillet dernier avec son oreillette vissée dans le tympan. Image: Shutterstock
Commentaire

Le Tour de France nous a menti

Les organisateurs de la Grande Boucle ont décidé cet été, et pour la première fois, de dévoiler les conversations diffusées dans les oreillettes des coureurs. C'est un ratage complet.
06.07.2023, 18:51
Plus de «Sport»

«On m'aurait menti?» Vous vous souvenez sans doute de la célèbre ritournelle de Richard Virenque aux Guignols de l'info; eh bien, c'est à cette phrase qu'on a pensé très fort mercredi en assistant aux derniers kilomètres de la superbe étape entre Pau et Laruns. Alors qu'un Jonas Vingegaard moins en chair qu'en os écrasait ses pédales pour augmenter son écart sur Tadej Pogacar, le brave Giulio Ciccone tentait de prendre un relais en tête de groupe avant d'être stoppé net par ses directeurs sportifs dans l'oreillette. Que lui ont-ils dit?

Evidemment, tout le monde brûlait de le savoir. Le problème, c'est que la conversation n'a jamais été diffusée à l'antenne. C'est étonnant, et même un peu navrant, parce qu'on nous avait justement annoncé le contraire avant le départ de l'épreuve de trois semaines. L'organisateur du Tour (ASO) avait en effet promis que pour la première fois cette année, il serait possible d'entendre certains des messages que les directeurs sportifs délivrent aux coureurs durant chaque étape. La presse française avait présenté la nouveauté comme une révolution qui allait modifier l'expérience des téléspectateurs. On nous aurait donc menti?

La «révolution» expliquée en détails

Bien sûr, certaines conversations sont bien diffusées à l'antenne. Mais il s'agit la plupart du temps de banalités. Comme cette remarque, retransmise (ça valait bien la peine) dans l'ascension du Col de Marie Blanque mercredi:

Image
Image: France TV

Dans un registre plus émotionnel mais tout aussi inintéressant, ce sont les encouragements de la femme d'un coureur que les téléspectateurs ont pu entendre lundi.

«Je suis trop fière de toi , t'es un french guerrier (...) Tu nous donnes tellement d'émotions. Allez c'est super ce que tu fais, profite, profite. Je t'aime fort», a glissé la compagne de Laurent Pichon, échappé lors de la 3e étape.

L'échange est certes touchant, mais il ne nous permet pas du tout de mieux comprendre le cyclisme, la tactique de course, la stratégie choisie par une équipe dans telle ou telle configuration; tout ce pourquoi les téléspectateurs se réjouissaient de la diffusion des messages délivrés dans les oreillettes.

Il y a bien eu quelques consignes tactiques relayées à l'antenne depuis le début du Tour, mais elles sont beaucoup trop rares pour que l'on puisse se féliciter de la nouveauté, surtout si on compare ces interventions à celles qui existent déjà en Formule 1 et qui sont riches en enseignements. De surcroît, elles apparaissent parfois à l'écran avec trop de retard pour être pertinentes, puisqu'elles sont filtrées par un modérateur en amont. Cela donne des scènes étranges, comme ce jeudi lorsque ce message de la Soudal Quick-Step a été projeté à l'antenne, «Les gars qui veulent être dans l'échappée, restez bien attentifs dès le début» (quelle info!), alors que la course était déjà lancée depuis dix minutes.

Mais le problème principal ne réside pas dans ce timing malheureux. Il vient de la divergence d'intérêts entre l'organisateur de la Grande Boucle et les équipes.

Amaury Sport Organisation entend développer son produit et le rendre attractif auprès du plus grand nombre. Or quoi de mieux qu'en dévoiler les coulisses? L'ennui, c'est que les équipes cyclistes ont une course à faire, et toutes n'ont pas envie que les consignes dictées par leurs dirigeants soient partagées à l'extérieur.

«Vous imaginez qu’on va dévoiler nos échanges à la télé? Mais est-ce qu’on imagine une caméra filmer un entraîneur de foot à la mi-temps en train de donner ses consignes à ses joueurs?»
Marc Madiot, grand manitou de la FDJ, avait annoncé qu'il ne permettrait pas la diffusion des messages de son équipe à la télévision.

Ce conflit d'intérêts avait déjà été aperçu lors du tournage de la série documentaire de Netflix sur le Tour de France 2022. Le géant américain de la vidéo souhaitait proposer une immersion dans la course (d'où le titre «Tour de France. Au cœur du peloton») mais l'équipe UAE, celle du double vainqueur Tadej Pogacar, avait fermé sa porte aux caméras après qu'un droit de regard final sur le montage lui a été refusé. Cela n'avait pas empêché Netflix de tourner sa série de huit épisodes et d'en retirer un certain succès.

Ouvrir la fréquence radio des oreillettes au public n'est pas une mauvaise idée, mais à condition que le contenu diffusé à l'antenne réponde à un choix rédactionnel, qu'il serve le récit de la course et sa dramaturgie, sans quoi l'innovation est aussi inutile qu'un lieutenant en panne de jambes.

Cet athlète handicapé parvient à terminer un marathon:

Vidéo: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
«C'est magique»: ce Romand a réalisé le rêve de tout marathonien
Matthieu Deillon a couru la deuxième moitié du marathon plus vite que la première, début décembre à Valence. On appelle ça un «negative split», c'est rare et c'est beau. Il raconte.

«Réussir à maintenir la même allure sur toute l'épreuve, ça aurait déjà été quelque chose de beau. Alors courir plus vite la deuxième moitié de course, c'est magique.» Au bout du fil, Matthieu Deillon a la voix de ceux qui ont réussi un joli coup: pour sa troisième participation seulement à un marathon, cet amateur de 31 ans a réussi l'exploit de courir sa seconde moitié de course (21,1 km) plus vite que la première. Ses temps:

L’article