Le projet de «Super League» ne se limite pas au milieu du football. En cyclisme aussi, certains acteurs aspirent à du changement, comme le dévoilait l'agence de presse Reuters à l'automne dernier.
Certes, la nouvelle n'a pas fait l'effet d'une bombe, comme ce fut le cas avec la découverte des ambitions démesurées de Florentino Pérez et Andrea Agnelli, les présidents du Real Madrid et de la Juventus. Est-ce parce que, contrairement au football, l'objectif n'a jamais été de se détacher complètement du système traditionnel, pour rester sous l'égide de l'Union cycliste internationale? Probablement.
Quoi qu'il en soit, nous apprenions en octobre dernier que cinq puissantes équipes, dont Ineos Grenadiers et Jumbo-Visma (devenue Team Visma Lease a Bike), envisageaient de créer «une nouvelle ligue compétitive, qui pourrait remodeler le paysage du sport et offrir plus de moyens à ses participants». Richard Plugge, le manager de la Jumbo-Visma, qui est aussi le président de l'Association Internationale des groupes cyclistes professionnels (AIGCP), prenait les commandes du projet, et présentait alors son souhait de voir naître un modèle économique «moderne», qui profite davantage aux équipes.
Car la discipline vit toujours au siècle précédent. Les équipes ne peuvent compter que sur les mécènes et partenaires privés pour élaborer leur budget. Pas de billetterie, pas d'indemnités de transfert et pas de droits TV, ceux-ci allant directement dans la poche de ceux qui détiennent les compétitions, et ne reversent rien aux formations, si ce n'est quelques indemnités de participation lors des Grands Tours.
Nous apprenions plus tard que le projet - attendu pour la saison 2026 - s'intitulait One Cycling. The Guardian annonçait qu'il pourrait être financé par le Fonds d'investissement public d'Arabie saoudite: le fameux PIF, déjà actif dans de nombreux sports. Le journal britannique précisait aussi que Zdenek Bakala, le propriétaire de l'équipe Soudal-Quick-Step, planchait avec Richard Plugge sur cette «Super League» du cyclisme. Puis, tout semblait en pause, après les déclarations du grand patron de la Team Visma Lease a Bike au média néerlandais Wielerflits.
Mais ce mois-ci, Plugge est revenu sur le devant de la scène, en présentant plus en détail sa vision de la «Super League» au quotidien économique De Tijd. Elle aurait donc pour but de rassembler les équipes, les organisateurs et l'UCI, afin de rationaliser les droits des «petites courses», puis de mieux les commercialiser - l'idée étant de créer «une usine médiatique ouverte 24h/24».
Richard Plugge estime être soutenu par de nombreuses équipes, et précise que Tomas Van Den Spiegel, le CEO de Flanders Classics, l'entreprise qui organise la majorité des classiques belges, dont le Tour des Flandres, est un «allié important». ASO et RTS, qui détiennent respectivement le Tour de France et le Giro d'Italia, seraient certainement moins enclins à l'idée de partager les énormes droits qu'ils détiennent - il faudra probablement composer sans.
Nous découvrons que le Néerlandais souhaite grandement s'inspirer de la F1, afin de créer un programme attractif pour les fans tout au long de la saison: «Nous devons disposer d'un calendrier clair (comme en F1), avec un nombre limité de courses, dans lesquelles les meilleurs coureurs s'affronteront». Les propos rappellent ceux qu'il avait énoncés auparavant dans le podcast RadioCycling:
Selon Richard Plugge, les courses et les formats doivent être mieux définis, plus reconnaissables. Car «tout le monde nous félicite pensant que nous sommes la meilleure équipe de l'année, alors que ce sont les UAE qui ont terminé à la première place du World Tour». Le dirigeant a également affirmé que One Cycling souhaitait se focaliser sur les courses en circuit, comme le Tour des Flandres, plutôt que celles où les coureurs ne passent qu'une fois au même endroit. Elles sont en effet plus spectaculaires, sécurisées et rentables.
Avec One Cycling, le boss de la Team Visma Lease a Bike ambitionne aussi de retravailler la commercialisation des droits à l’image des athlètes, qu'il juge actuellement lamentable comparé à d'autres sports. Il souhaite que les coureurs parlent aux jeunes, ce qui n'est pas forcément le cas aujourd'hui.
Il y a certes encore beaucoup de travail pour que puisse naître un jour cette «Super League». Mais finalement, même si le projet fait couler moins d'encre qu'en football, il a peut-être le plus de chance d'aboutir, tant il semble vital pour les équipes. Rappelons que la Jumbo-Visma, aussi puissante soit-elle, aurait pu disparaître à l'intersaison après la perte de son partenaire majeur, les supermarchés Jumbo.