Début janvier est une période importante dans la saison de cyclisme, car même si ce n'est pas encore celle des classiques et des Grands Tours, c'est à cette date que les équipes et les coureurs révèlent leurs nouveaux contrats de sponsoring et, donc, les nouveautés dont ils bénéficieront pour l'année à venir. Ils les affichent en général sur les réseaux sociaux, à grands renforts de publications enjouées, en insistant sur le fait que le matériel dont ils vont bénéficier est le meilleur qu'ils aient jamais utilisé.
Parmi toutes les annonces faites depuis le premier de l'an, l'une a particulièrement retenu notre attention: celle de Filippo Ganna. Sur Instagram, le double champion du monde de chrono a dévoilé une série de clichés sur lesquels on distingue son nouveau casque qui, à première vue, n'a rien de spécial.
C'est en s'intéressant à l'objet sous un autre angle (photos suivantes) que l'on découvre un détail intéressant: contrairement au précédent modèle utilisé par l'équipe, ce «Kask» (le nom de la marque) couvre la partie supérieure de l'oreille.
Habituellement, les casques de courses en ligne passent juste au-dessus des oreilles quand ceux de chrono les couvrent totalement. Celui d'INEOS Grenadiers opère pour une solution à mi-chemin encore jamais vue dans le peloton professionnel.
Ce choix peut sembler anodin pour beaucoup mais ça ne l'est absolument pas en cyclisme, où aucun détail n'est laissé au hasard. On parle alors de «gains marginaux». Une expression popularisée par la Sky, selon la formule restée célèbre de son patron Dave Brailsford: «Si vous prenez séparément tous les éléments liés au cyclisme et que vous améliorez chacun de 1%, en les additionnant vous obtenez un progrès significatif.»
«Il est facile de supposer que les motivations de ce changement sont aérodynamiques, observe le site de référence Cyclingnews. Les oreilles ne sont pas exactement de forme aérodynamique, donc guider l'air autour d'elles peut être bénéfique. Il pourrait même y avoir des avantages à réduire le bruit du flux d'air pour le coureur.»
Ces remarques, nous les avons soumises à un expert: Marco Crivello. Cet Italien, product manager chez Scott, connaît parfaitement les casques pour les avoir étudiés sous toutes les coutures pendant plusieurs années, dans son atelier et en soufflerie.
Sa première réaction est plutôt mesurée. «Très honnêtement, je ne suis pas certain que ça va changer grand-chose en termes de performance. J'imagine que le coureur peut gagner un demi-watt grâce à la coque plaquée sur la partie supérieure de l'oreille. Ce n'est vraiment pas énorme.» À titre de comparaison, certains athlètes peuvent perdre 5 watts pour 1 kg de poids de corps en moins.
La réduction du bruit n'est même pas un argument à prendre en considération, selon notre interlocuteur. «Lors de tests en soufflerie, nous nous sommes rendus compte que ce qui générait le plus de bruit pour le coureur, c'est la sangle du casque fouettée par le vent.»
Ce qui, selon Marco Crivello, pourrait avoir un impact marqué sur les performances de Ganna et ses coéquipiers, c'est surtout la taille de leur matériel de protection, plus large que les saisons précédentes.
Les experts en aérodynamique se sont aperçus qu'un casque large «ouvrait l'air» sur les épaules, qui représentent tout de même la partie la plus large du coureur exposée au vent. Les turbulences ainsi créées par la «tête» permettent une meilleure pénétration dans l'air des coureurs.
Il faudra attendre encore quelques jours pour voir la trouvaille d'INEOS Grenadiers en compétition. Ganna et son équipe débuteront leur saison en Australie le 16 janvier lors du traditionnel Tour Down Under. Il n'y a pas de raison de penser qu'ils seront meilleurs que les autres grâce à leur matériel. Mais il y a tout à croire, aussi, que si les «rouge et noir» réalisent d'excellents résultats très tôt dans la saison, leurs adversaires se pencheront de près sur leur étrange casque.