Pour le cycliste professionnel en général, la gestion du poids est une obsession pour un rendement total dans les cols. Le spécialiste de courses à étapes ne lésine pas et traque le moindre gramme pour gagner en légèreté; les fameux gains marginaux. Encore récemment, des scientifiques des universités de Berne et de Zurich ont analysé l'évolution de l'indice de masse corporelle (IMC) dans le cyclisme professionnel. Et les résultats démontrent une diminution moyenne de 22,12 à 20,13 en 30 ans chez les cinq premiers des trois grands tours cyclistes (France, Italie, Espagne).
Alors que le Giro vient de vivre son premier week-end de course, que Remco Evenepoel a écrasé la concurrence lors du premier «chrono» d'Ortona, la presse flamande rapporte que le Belge est arrivé en Italie avec 63 kilos sur la balance. En comparaison de 2020, la presse wallonne avançait que le prodige pesait entre 59 et 60 kilos. En lançant sa Vuelta victorieuse de 2022, Evenepoel affichait 61,5 kilos au départ.
En se basant sur son aventure espagnole de l'an dernier, ce 1,5 kilo de plus (les frites ingurgitées après son sacre à Liège?) pourrait peser lourd dans les montées sèches de ce Giro 2023. Mais le Belge, 1m71 sous la toise, est arrivé délibérément sur la course italienne avec quelques grammes en plus pour garder un coussin de puissance et écraser les pédales dans les épreuves individuelles. La première partie de ce Tour d'Italie compte deux contre-la-montre, le second «chrono» intervient à la neuvième étape.
David Lehaire, journaliste belge à la DH, explique que l'équipe qui entoure le joyau Soudal Quick-Step a décidé de miser sur une autre approche pour ce Giro 2023: prendre du muscle en comparaison de la Vuelta.
Une relative maigreur qui a été gommée pour ce Giro. «Il a une morphologie atypique pour un cycliste. Il a des cuisses plus massives que les autres», précise David Lehaire. Avec cette nouvelle musculature travaillée lors de sa préparation, il sera plus performant sur les longs cols transalpins, selon notre confrère belge. Surtout, Evenepoel désire prendre un maximum de temps sur ses adversaires lors des efforts en solitaire. «Il va miser sur les contre-la-montre pour vraiment faire la différence. En montagne, il doit limiter la casse et suivre. S'il attaque dans les cols à plus de 2000m, c'est une surprise pour nous», ajoute-t-il.
Evenepoel et son équipe misent sur la perte de ce kilo et demi superflu en prévision de la troisième semaine pour avaler au mieux les gros pourcentages. Fondre pour suivre les meilleurs, briller sur le premier gros morceau, cette 13e étape terrifiante qui emmènera le peloton sur les pentes du Grand-Saint-Bernard (2469m) jusqu'au terrible Col de la Croix de Cœur (2174m), avant de terminer le pensum dans la station de Crans-Montana.
Avec cette succession de cols à plus de 2000m, cette troisième semaine fait dire à Alberto Contador, que «Remco ne connaît pas assez bien son corps pour être en tête des grands Tours», dans les colonnes du Het Nieuwsblad.
Concernant les adversaires du champion du monde, l'équipe Ineos Grenadiers n'hésite pas à calquer sa course sur cette dernière ligne droite avant de relier Rome. «Tout tourne autour de la troisième semaine», livrait Geraint Thomas à Cyclingnews. Le lauréat du Tour de France 2018 disait même à Vélo Magazine que le plus important pour lui était son poids. «Je dois m'assurer que je suis sur la bonne voie.»
Chacun des cyclistes professionnels vous le diront: chaque kilo compte. Encore plus si vous jouez le classement général sur un grand Tour, il n'est pas concevable d'avoir des kilos en trop à traîner en montagne.