La triathlète britannique Emma Pallant-Browne lors d'une course à Ibiza, le 6 mai 2023.image: instagram
Une triathlète britannique a reçu de nombreux messages indignés après la publication d'un cliché en pleine course qui laisse apparaître ses menstruations. Elle a réagi sur les réseaux sociaux et gagné un fort soutien.
05.06.2023, 18:5606.06.2023, 06:43
«Humiliée par la quantité de messages que j'ai reçus d'hommes et de femmes.» Les mots d'Emma Pallant-Browne sur Instagram sont forts. Les nombreuses réactions que la triathlète britannique a reçues font suite à une photo d'elle en pleine compétition, prise le 6 mai à Ibiza.
En zoomant, on aperçoit une tache de sang sur sa combinaison, à hauteur de la vulve. Oui, la jeune femme (34 ans) a eu ses règles pendant la course, et elle n'a pas cherché à les cacher. De quoi apparemment en déranger plus d'un(e).
La photo en question
image: compte instagram d'Emma Pallant-Browne
Alors, dans son long message Instagram posté le 24 mai et accompagnant la fameuse photo qu'elle a repartagée, Emma Pallant-Browne a souhaité réagir pour briser ce qui reste, encore aujourd'hui, l'un des grands tabous du sport.
«Si vous m'écrivez pour dire que 99% des femmes que vous connaissez seraient mortifiées par ce qui m'est arrivé, c'est exactement la raison pour laquelle je partage, parce qu'il n'y a vraiment rien de mal. C'est naturel (...), je considère que c'est beau»
Emma Pallant-Browne sur Instagram
Fort soutient et phénomène biologique normal
L'actuel septième au classement mondial du triathlon explique aussi pourquoi elle a choisi de courir en maillot de bain clair, un vêtement qui camoufle pourtant moins les taches de sang qu'une combinaison foncée, par exemple:
«J'ai couru en maillot de bain parce que j'ai trop chaud et que je m'évanouis quand c'est comme ça. Et, pendant mes règles, ma température corporelle est également plus élevée. J'ai une combinaison intégrale pour les courses plus fraîches dans des couleurs sombres, mais les couleurs claires sont utilisées pour l'effet de refroidissement.»
Emma Pallant-Browne
Emma Pallant-Browne a pris la parole sur les réseaux sociaux pour briser un tabou. image: instagram
La Britannique a reçu beaucoup de messages de soutien suite à sa publication. «J'aime avoir mes règles car elles représentent ce dont nous sommes capables en tant que femmes. Et c'est un signe que nos corps sont forts et fonctionnent pleinement!», a par exemple commenté sa consoeur américaine Skye Moench.
La Suissesse Magali Di Marco, médaillée de bronze aux JO de Sydney 2000 en triathlon, a aussi sorti son clavier pour féliciter Emma Pallant-Browne sur Facebook:
«Bravo aux sportives et triathlètes d’aujourd’hui qui osent parler de leurs règles sans tabou. Les femmes en âge de procréer vivent à peu près le quart de leur temps avec des saignements et ma foi oui, parfois ça peut déborder. Et alors? Cela n’empêche pas forcément d’être performantes et de s’en accommoder. C’est la vie!»
Magali Di Marco sur Facebook
Magali Di Marco se réjouit de la prise de parole d'Emma Pallant-Browne. Image: keystone
Jointe par watson, Magali Di Marco s'avoue «impressionnée par ces jeunes femmes qui parlent si ouvertement de ce sujet». La Valaisanne d'adoption, 51 ans, raconte que la parole était nettement moins libérée il y a encore une dizaine d'années.
«A la fin de ma carrière, j’en parlais plus librement. Mais on n'osait pas dire dans les médias que si on avait un jour sans, c’était à cause des règles»
Magali Di Marco
Difficultés matérielles
et hypocrisie
La médaillée de bronze de Sydney explique également que même si une triathlète souhaitait cacher ses menstruations pendant la course (où les participantes, pour rappel, enchaînent de la natation, du cyclisme et de la course à pied), la démarche serait difficile: «Les protections hygiéniques ne tiennent pas forcément si le flux sanguin est important, et elles peuvent être très désagréables.»
La star du ski a aussi évoqué le sujet👇
Pour conclure, Magali Di Marco pointe du doigt une forme d'hypocrisie des personnes qui s'offusquent de voir des menstruations pendant la course.
«Si une athlète a du sang au visage ou sur le genou après une chute, elle passe pour une héroïne. Or, quand il s'agit des règles, on la critique. C'est contradictoire»
Magali Di Marco
Et comme le rappelle l'ex-championne, «on ne sent généralement pas la rose après une course». Oui, les odeurs, la transpiration ou le sang (voire d'autres fluides: demandez à Fabien Barthez, surpris une fois en train de soulager sa vessie en plein match de foot!) sont partie intégrante du sport, de compétition ou non. Le message d'Emma Pallant-Browne pourra sûrement permettre de décomplexer de nombreuses jeunes femmes, mais pas que.
Les footballeuses anglaises ont réglé le problème à leur manière👇
Et pour ceux qui resteraient choqués en voyant des menstruations, ils pourront toujours aller voir du combiné nordique (ski de fond et saut à ski), seule discipline uniquement masculine lors des derniers JO 2022 à Pékin.
Ancien pro, Mario Cipollini s'est étranglé en voyant deux coureurs éteindre leur capteur de puissance sitôt la ligne franchie, plutôt que de célébrer leur performance. Un comportement que fustige également Marc Madiot, le manager général de la Groupama-FDJ
Le Tour de Romandie se dispute toute la semaine et si vous observez attentivement les cyclistes franchissant ligne, vous les verrez faire un geste devenu automatique: tous portent la main à leur guidon pour éteindre leur compteur GPS, un capteur de puissance qui collecte les précieuses données du coureur (vitesse, durée, watts, fréquence cardiaque, etc.). Celles-ci s'affichent en direct sur l'écran, permettant ainsi au coureur de calibrer ses efforts durant la course. Elles sont ensuite enregistrées puis analysées, disséquées, de sorte à établir pour chaque athlète un programme d'entraînement sur mesure.