D'une phrase, prononcée quelques instants après sa 84e victoire en Coupe du monde, mercredi lors du géant de Plan de Corones, Mikaela Shiffrin a brisé un énorme tabou dans le monde du sport féminin: celui des règles.
Ce n'est pas la première fois qu'une sportive en parle après une compétition. Mais de manière aussi décontractée et avec un si grand sourire, oui. Car les règles sont encore un sujet tabou dans le monde du sport féminin. Un sujet qu'avait osé aborder une athlète chinoise de 20 ans, Fu Yanhui, aux JO 2016. Face à l'envoyée spéciale de la télévision chinoise CCTV, la nageuse était apparue le visage crispé et souffrant. «J'ai mal au ventre, car mes règles ont commencé hier», avait-elle justifié, ajoutant ensuite que ce n'était «pas une excuse».
Cette précision disait beaucoup de la façon dont les règles pouvaient être perçues par l'entourage des sportives et le public. Deux ans plus tard, dans Le Matin Dimanche, la footballeuse Sandrine Mauron expliquait elle aussi toute la difficulté qu'elle avait à évoquer la question après une performance.
Depuis cinq ans, la parole féminine est devenue mieux entendue et valorisée. De nombreuses athlètes se sont mobilisées pour obtenir le droit de ne plus jouer en blanc, une couleur qu'elles estiment bien trop salissante quand elles ont leurs règles.
Malgré cette libération de la parole, «les fédérations tardent à prendre en comptent les menstruations et leurs effets», soulignait Le Monde, il y a trois mois seulement. «Entre les joueuses, on en parle ouvertement, intervenait la basketteuse Ana Maria Filip. Avec les coachs, il est plus difficile d'échanger: il y en a qui ne comprennent pas que les femmes aient des douleurs et, même si certains sont compréhensifs, ils ont besoin qu'on s'entraîne.»
L'intervention mercredi de Mikaela Shiffrin, l'une des plus grandes championnes de l'histoire du sport, pourrait briser les dernières résistances sur le sujet des menstruations. En 2023, il était temps.