Le Real Madrid a assommé Liverpool et éteint Anfield, mardi soir, en 8e de finale aller de la Ligue des champions (5-2), et il est fort probable que ceux qui suivent les prestations des merengues en championnat n'ont pas reconnu leur équipe. Distancé de huit unités par le Barça en tête du championnat, le Real avait perdu contre Villareal et Majorque cette année avant de se déplacer chez les Reds.
Toute la question est de savoir comment une équipe aussi moyenne en championnat peut soudain se transformer en machine à buts en Coupe d'Europe. Eh bien, la réponse tient dans une formule très connue en Espagne: «la thérapie Ligue des champions.» Elle résume la façon que les Madrilènes ont, historiquement, de se sublimer dans la plus prestigieuse des compétitions européennes, dont ils détiennent le record du nombre de titres (14), même quand les résultats ne suivent pas en Liga.
Pour savoir si cette fameuse thérapie est une légende urbaine ou si elle se vérifie dans les chiffres, nous avons remonté le fil du passé en nous demandant à quelle place le Real avait terminé en championnat lors de chacun de ses 14 titres de C1. Si l'on devait constater qu'il s'était souvent imposé en Liga et en Europe la même année, la théorie ne tiendrait pas.
Rappelons en préambule que le club de la capitale espagnole détient le nombre de sacres en première division (35) et que tout autre résultat qu'un titre est une déception sportive – surtout quand c'est le Barça qui triomphe, mais c'est une autre histoire.
Trêve de commentaires. Voici ce que disent les chiffres:
On constate donc que le Real Madrid n'a réalisé que quatre fois le doublé Championnat/Ligue des champions au cours de sa riche histoire. Cela signifie que dans la majorité des cas, il était le plus brillant en Europe sans l'être dans son propre pays.
💡 Précisons qu'il est souvent arrivé, bien sûr, que le Real ne remporte ni la Liga ni la Coupe d'Europe, mais ce n'est pas le but de la démonstration. Il s'agit ici de souligner à quel point une équipe qui ne domine pas son championnat est capable de se sublimer dans une compétition qu'il affectionne plus que tout.
On pourrait imaginer que les merengues, se sachant déclassés dans la course au titre, se concentrent sur la C1. Hypothèse séduisante et logique, mais qui est loin d'être vraie. Car hormis lors de quelques saisons, comme en 1997-1998 ou 2017-2018, lorsque le Real a terminé respectivement à 11 et 17 points du champion, les hommes en blanc se sont souvent mêlés à la course au titre jusqu'au printemps.
Ce qu'on observe en revanche depuis toujours, c'est l'attachement du club à la Ligue des champions, l'amour qu'il lui porte. Le Real Madrid n'a pas besoin d'être bon en championnat, ni en Coupe du Roi ou en Supercoupe d'Espagne, pour se sublimer en C1, tant cette compétition est inscrite dans son patrimoine génétique. Après le 14e sacre l'an dernier, Carlo Ancelotti, qui est le seul technicien à avoir été couronné dans les cinq plus grandes ligues européennes, avait dit ceci:
Il y a des trophées qui subliment des équipes, quelque soit leur état de forme et leur niveau de jeu. Le FC Sion l'a vécu à son échelle en remportant 13 Coupes nationales lors de ses 13 premières finales. À Madrid, cette coupe est celle aux grandes oreilles. Quand les joueurs poussent la porte du centre d'entraînement de Valdebebas, ils connaissent (ou le découvrent très vite) l'histoire particulière entre le Real et la C1. Ils apprennent aussi, en visitant le musée, que la Casa Blanca possède le trophée original de la Ligue des champions depuis 1966, un cadeau de l'UEFA après ses six succès en onze éditions.
Le présent se nourrit de ce passé jusque dans le style de jeu. Car le Real Madrid n'est pas une équipe comme les autres. Elle est capable, mieux que tous ses adversaires, d'évoluer dans des registres complètement différents. Elle sait souffrir autant que blesser, parfois dans la même semaine, ou dans le même match, voire carrément dans la même mi-temps, comme mardi soir en 8e de finale aller. Le pressing des Reds lors du premier quart d'heure était prévisible; ce qui l'était moins, c'est de voir les Espagnols encaisser deux buts aussi tôt, eux qui savent si bien plier sans rompre.
Combien d'équipes auraient coulé en étant menée 2-0 à Anfield après 14 minutes de jeu et sur une grossière erreur de leur gardien? Beaucoup. Presque toutes. Mais pas le Real, qui a l'histoire, les certitudes (et les joueurs évidemment) pour lui...et qui est revenu à 2-2 avant la pause.
Ce 5-2 a choqué l'Europe du football, mais si l'on se souvient des leçons que le Real Madrid nous a enseignées, il n'est pas si étonnant que cela: pour ce club centenaire, la vérité du week-end n'est pas toujours celle de la semaine.