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L'Arabie saoudite à la conquête du foot mondial: pourquoi?

Cristiano Ronaldo et Karim Benzema ont tous deux choisi l'Arabie saoudite pour poursuivre leur carrière.
Cristiano Ronaldo et Karim Benzema ont tous deux choisi l'Arabie saoudite pour poursuivre leur carrière. image: keystone/shutterstock

Pourquoi les Saoudiens se lancent à la conquête du foot mondial

En attirant les stars, l'Arabie saoudite veut devenir l'un des meilleurs championnats du monde. Derrière cette stratégie se cachent des enjeux qui vont bien au-delà du sport.
26.06.2023, 06:33
Dominic Wirth / ch media
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Karim Benzema, le quintuple vainqueur de la Ligue des champions, a déjà signé en Arabie saoudite. N'Golo Kanté, champion du monde 2018, aussi. Et bien sûr, le premier de tous, celui qui a ouvert la voie: Cristiano Ronaldo.

Tous les trois sont les protagonistes de cette histoire qui tient le monde du football en haleine. Et ils ne sont pas les seuls. D'innombrables noms sont actuellement cités par les médias du monde entier.

La star portugaise Cristiano Ronaldo joue à Al-Nassr depuis cet hiver.
La star portugaise Cristiano Ronaldo joue à Al-Nassr depuis cet hiver. Image: keystone

Il y a notamment Hakim Ziyech, Edouard Mendy et Kalidou Koulibaly, dont les signatures sont imminentes. L'Arabie saoudite a aussi un intérêt certain pour Bernardo Silva, Romelu Lukaku et Neymar. Et encore beaucoup d'autres. Les clubs qui font de la publicité, achètent et font tourner la tête de tout le monde parce qu'ils jettent littéralement de l'argent par les fenêtres s'appellent Al-Hilal, Al-Nassr, Al-Ahli et Al-Ittihad. Ce sont les quatre grands clubs du royaume, basés à Riyad et à Djeddah, les plus grandes villes de ce pays qui s'impose avec force sur la carte du football.

Un nouveau virage économique

Il y a trois semaines, Mohammed ben Salmane a personnellement esquissé les plans de son pays pour le football, signe de l'importance de ce sport pour l'Arabie saoudite. ben Salmane est le prince héritier et l'homme fort de cet Etat du Golfe. Il veut transformer celui-ci, socialement et surtout économiquement. C'est aussi un homme qui n'a que peu d'estime pour les Droits de l'Homme, nous y reviendrons.

L'Arabie saoudite est riche grâce à ses gisements de pétrole. Mais Mohammed ben Salmane, que tout le monde surnomme «MBS», sait que son pays ne pourra pas vivre éternellement de ce trésor. Il a donc imaginé la «Vision 2030». Ce plan étatique doit transformer l'économie et réduire la dépendance au pétrole. Et, justement, une partie importante de «Vision 2030» est le sport, le football en particulier. Parce qu'il est le sport le plus populaire de la planète.

Mohammed ben Salmane, prince héritier d'Arabie saoudite et homme fort du pays.
Mohammed ben Salmane, prince héritier d'Arabie saoudite et homme fort du pays. image: keystone

Début juin, «MBS» a donc présenté un plan visant à changer radicalement la Saudi Pro League, la première division saoudienne. Le niveau de celle-ci est actuellement modeste. Mais les Saoudiens veulent changer ça rapidement. Au point d'en faire, un jour, un membre du top 10 mondial des meilleurs championnats. Objectifs économiques? Une valeur marchande trois fois plus élevée que maintenant et des revenus multipliés par quatre.

Tout ça ne peut se faire qu'avec de l'argent. Beaucoup d'argent. Et cet argent, certains clubs saoudiens le reçoivent, depuis peu, directement des caisses de l'Etat. Le fonds souverain saoudien est désormais aux commandes des quatre plus grands clubs du pays. Ce fonds, appelé «PIF», est l'un des plus importants du globe. C'est par son intermédiaire que les milliards issus du pétrole sont investis dans des entreprises du monde entier. Et désormais aussi dans Cristiano Ronaldo, Karim Benzema, N'Golo Kanté et tous les autres footballeurs.

Maquillage sociétal et salaires hallucinants

Bien sûr, il ne s'agit pas seulement de sport ou d'argent. En Arabie saoudite, les autorités invoquent volontiers la santé publique comme autre motivation, et c'est peut-être effectivement le cas, car plus de la moitié des Saoudiens sont en surpoids.

Mais surtout, Mohammed ben Salmane investit dans le football parce que celui-ci garantit de belles images. Parce que voir des footballeurs comme Ronaldo ou Benzema jouer en Arabie saoudite a un impact.

C'est ce que des experts comme Jürgen Mittag, de la Deutsche Sporthochschule, appellent le «sportswashing». Pour lui, il s'agit de «maquiller des réalités politiques et sociales à l'aide du sport». Dans l'Arabie saoudite de Mohammed ben Salmane, ces réalités incluent par exemple le meurtre brutal de l'opposant au régime, Jamal Khashoggi, en 2018 ou le nombre d'exécutions qui, selon les organisations de défense des droits de l'homme, a même augmenté ces dernières années – malgré les réformes sociales qui ont accordé plus de droits aux femmes et qui doivent donner l'impression que le pays se modernise.

L'argent, c'est de loin le meilleur argument que le championnat saoudien peut offrir. Selon plusieurs médias, Ronaldo gagnerait 200 millions d'euros par saison. Pour Benzema, on évoque parfois ce chiffre, parfois un chiffre plus bas, mais une chose est claire: les Saoudiens paient des salaires astronomiques. Les footballeurs les mieux payés du monde ne jouent plus à Barcelone ou à Manchester, mais en Saudi Pro League.

Même si de nombreuses stars du foot – à commencer par Lionel Messi, qui aurait même reçu une offre de 400 millions par an – résistent aux avances saoudiennes, ces dernières perturbent le marché international des transferts. Pour les joueurs, c'est une situation confortable, car ils peuvent apporter des offres délirantes à la table des négociations. Pour les clubs européens, l'offensive saoudienne peut représenter à la fois une malédiction mais aussi une aubaine.

N'Golo Kanté (en bleu), ex-Chelsea, a rejoint Karim Benzema à Al-Ittihad.
N'Golo Kanté (en bleu), ex-Chelsea, a rejoint Karim Benzema à Al-Ittihad. image: keystone

Débats haineux et folie des grandeurs

Chelsea, par exemple, a de quoi voir cette situation d'un bon œil. Le club londonien a de nouveaux propriétaires depuis l'année dernière, qui ont dépensé 610 millions de francs sur le mercato lors de la première saison. Problème: Chelsea est désormais assis sur un effectif gonflé économiquement et trop coûteux. C'est là que les clubs saoudiens apparaissent comme des sauveurs, en engageant des joueurs dont Chelsea n'a plus l'utilité.

Même s'il ne joue pas en Arabie saoudite, Messi est lié à ce pays👇

En Angleterre, cette conjoncture engendre des débats haineux. Il faut savoir que Chelsea appartient à 60% à la société d'investissement Clearlake Capital et que celle-ci compte le fonds souverain saoudien parmi ses (nombreux) propriétaires.

Alors, au pays du roi Charles, on soupçonne qu'une main en lave une autre, ou plus concrètement que les Saoudiens aident Chelsea à faire le ménage dans son effectif, tout en protégeant en même temps leur propre investissement. L'une des légendes du football anglais, Gary Neville, a déjà demandé que tous les transferts vers l'Arabie saoudite soient stoppés et contrôlés.

L'Arabie saoudite organisera les Jeux asiatiques d'hiver en 2029👇

Mais de nombreux experts en économie du football n'adhèrent pas à cette théorie. Ceci dit, le fait même qu'elle soit évoquée en dit long sur le foot moderne, ce milieu où se bousculent princes héritiers, sociétés d'investissement et fonds souverains. Un monde dans lequel les intentions politiques, économiques et sociales s'entremêlent pour former un ensemble confus.

L'Arabie saoudite n'est pas le premier pays à attirer des stars à grand renfort d'argent. Il y a quelques années, la Chine était sur toutes les lèvres, c'est néanmoins révolu depuis longtemps. Mais en Arabie saoudite, il existe une culture du football, et derrière tout ça, il y a un Etat qui a de nombreux objectifs, dont celui-ci: organiser une Coupe du monde, le plus tôt possible.

Adaptation en français: Yoann Graber

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