Keylor Navas a fait part de son mal-être après le match de Ligue 1 mercredi soir contre Angers, pourtant facilement remporté 3-0 par son équipe, le Paris Saint-Germain. Le gardien costaricien a parlé, au micro de Canal+, d'une «situation difficile» et de sa volonté que «ça change». Le problème en question: l'alternance qu'il doit sans cesse faire avec l'autre portier du PSG, Gianluigi Donnarumma, pour la place de titulaire.
Le club de la capitale française n'a jamais fixé de hiérarchie cette saison entre ses deux excellents gardiens, qui figurent tous deux parmi les meilleurs du monde. «Ils ne sont pas en concurrence, il s'agit plutôt d'une répartition des matchs», précise d'entrée Thierry Barnerat, instructeur Fifa pour les gardiens, qui travaille notamment avec Thibaut Courtois au Real Madrid. Pour l'expert, cette option, censée être une solution, est en fait un gros problème.
Gianluigi Donnarumma devrait être conservé au PSG cet été, ce qui génèrerait un départ de Keylor Navas, qui a laissé sous-entendre plusieurs fois qu'il partirait si rien ne changeait au club.
— Instant Foot ⚽️ (@lnstantFoot) April 21, 2022
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Et pour un club du calibre du PSG, engagé sur la scène européenne en plus de ses obligations nationales, la tâche est d'autant plus difficile. «Avec deux matchs par semaine, le staff n'a pas le temps de faire d'adaptations tactiques spécifiques. Entre le temps de repos et l'analyse de l'adversaire, il reste peu de temps pour aller sur le terrain», analyse Thierry Barnerat.
Or, ce travail d'ajustement est conséquent pour le PSG, tant ses deux portiers ont des caractéristiques différentes, sans même parler de la taille (onze centimètres de plus pour Donnarumma). «Donnarumma est un gardien de la nouvelle génération, avec de nouveaux positionnements», fait remarquer l'instructeur Fifa. «Sur corner adverse, il se tient à 4 mètres de sa ligne de but, alors que Navas reste à 1 mètre. Du coup, les coéquipiers doivent défendre différemment.»
Et puis, il y a le jeu aux pieds, un indispensable dans la panoplie du gardien moderne.
Avec encore des automatismes et des positions à adapter.
Et quand les habitudes changent, les conséquences peuvent être catastrophiques. Comme lors du match retour du huitième de finale de Ligue des champions, sur la pelouse du Real Madrid, qui a abouti à l'élimination parisienne (3-1). «Sur la perte de balle de Donnarumma face à Benzema qui vient le presser, le portier tergiverse parce qu'il n'a pas de possibilité de relance. Marquinhos ne se propose pas, car il n'est pas habitué à le faire quand Navas joue», observe Thierry Barnerat.
«Navas se projette vite vers l'avant, alors que Donnarumma préfère construire depuis derrière», appuie Nicolas Beney, ancien gardien de Super League à Sion et Yverdon, entre autres. Lui aussi considère l'alternance comme un très mauvais choix, «qui n'a jamais apporté de positif ni à un gardien ni au collectif».
Pour des raisons tactiques, mais aussi humaines:
Là encore, un groupe a besoin de stabilité et trop de changements risquent de la briser.
«L'alternance est aussi dangereuse pour le gardien, à titre individuel», prévient Nicolas Beney.
Le natif d'Orbe (VD) a un mauvais exemple en tête: «Je me souviens que Saint-Gall n'arrivait pas à trancher entre ses deux gardiens, Lopar et Herzog, pour la place de titulaire et l'entraîneur les faisait jouer deux matchs de suite, à tour de rôle. C'était une idée catastrophique!»
Pour l'ancien pro, avoir deux gardiens d'excellent niveau dans une même équipe n'est pas un souci. A une condition:
On pourrait imaginer qu'un portier dispute les parties de championnat et l'autre celles de Coupes nationales ou européennes, par exemple. Une organisation que certains clubs ont déjà adoptée.
«La chose à éviter absolument, c'est de mettre deux gardiens en concurrence, peu importe leur niveau», insiste Thierry Barnerat. «Un entraîneur qui fait ça les casserait tous les deux. Parce que quand vous devez prouver quelque chose, vous avez peur de mal faire et cette peur impacte négativement vos sorties aériennes et votre jeu aux pieds, principalement.» Et au final, c'est toute l'équipe qui en pâtit.
Reste maintenant à savoir comment le Paris Saint-Germain gérera cette «situation difficile» pour la prochaine saison, lors de laquelle il aura encore ses deux gardiens sous contrat. Son entraîneur, Mauricio Pochettino, a déjà réagi au message de Keylor Navas en promettant que «l’avenir sera différent».