Elise Lucet et ses équipes ont patienté quatre ans pour pouvoir approcher le clan Mbappé, soit le temps qui sépare deux Coupes du monde. L’attente n’aura pas été vaine, car les journalistes de France 2 ont non seulement pu suivre Fayza Lamari, mais aussi intérrogé Kylian Mbappé, qui a accordé une longue et rare interview.
Le reportage présenté jeudi ne s’intéresse pas au sportif, mais plutôt à l’homme. Celui qui est enfermé dans une bulle, d'abord pour se concentrer sur le football, mais aussi parce qu’aujourd’hui, chacun de ses déplacements crée l’hystérie. Tout doit être planifié, tel un chef d'Etat, si ce n'est plus.
Quand Elise Lucet lui demande ce qu’il n’a pas et rêverait d’avoir, Kylian Mbappé se réfugie vers les libertés de mouvement et la spontanéité. Sortir comme tout le monde ne serait-ce qu’une journée, prendre un bon brunch en terrasse, acheter tranquillement sa baguette. Bref, «des choses simples». Mais il ne se plaint pas, car le buteur des Bleus est là où il rêvait d’être depuis le plus jeune âge.
Malgré cette vie déconnectée de la réalité, l’attaquant du Paris Saint-Germain tente de garder les pieds sur terre. Et pour ça, il peut compter sur sa mère, Fayza Lamari. Adolescent, celle-ci lui avait imposé de faire du ménage dans des salles de classe, après plusieurs jours passés au Real Madrid, pour son stage de troisième.
Aujourd'hui, c'est elle qui gère avec poigne les affaires de son fils. Non seulement elle est celle qui manage les nombreuses entreprises du joueur (une société de production, une société de gestion d’image ou encore une société d’investissement), mais elle dirige aussi IBKM (Inspired by Kilian Mbappé), l’association créée en 2020 par l’international français. Nous apprenons qu'une Une du Time évoquant Mbappé comme un «leader de demain» l'a incité à passer à l'action, pour être en phase avec ses valeurs.
Quand certaines stars du ballon rond préfèrent lancer leurs académies, la fondation de «Kyk's» détonne. Elle n’a pas pour but de former les futurs footballeurs de demain, bien au contraire. Elle soutient des jeunes âgés de 13 à 21 ans, issus pour la plupart de milieux défavorisés, qui rêvent de devenir architecte, dessinateur, médecin ou encore journaliste. L’association apporte des aides financières, organise des séjours découverte, prévoit des cours d’anglais, pour que même ceux qui ne partent pas avec les meilleures chances dans la vie puissent réussir. Elle donne «une clé supplémentaire» et autorise surtout à «rêver plus grand».
C'est ainsi qu'au cours du reportage, nous sommes amenés à suivre une partie des 98 jeunes (98, en référence à l’année de naissance de Kylian Mbappé) accompagnés par IBKM, pour la plupart issus de Bondy et ses alentours. Le champion du monde, qui souhaite «transmettre des émotions» sur le terrain et «de l'aide et des valeurs» en dehors, estime que cette association lui correspond. Après tout, il ne cache pas son amour pour les jeunes et les enfants et a lui aussi connu l'ascenseur social.
Outre l’égalité des chances, IBKM défend la mixité, si bien que des jeunes issus de milieux favorisés sont intégrés au projet.
Mbappé, «scotché, ému et fier» du comportement de ses 98 protégés, ne lésine pas sur les moyens. Il reverse 30% des bénéfices générés par ses sociétés à sa fondation, comme l'explique Fayza Lamari dans le reportage. C'était ça ou elle ne l'accompagnait pas dans l'aventure. Inimaginable pour un Kylian fusionnel avec sa mère, qui lui «dit tout», encore plus depuis ce jour où elle l'a rejoint à Monaco, là où il faisait ses classes à l'adolescence.
La thématique de l'argent revient régulièrement, que ce soit durant le reportage ou au cours de l'interview de Kylian Mbappé. L'attaquant comprend les personnes qui grognent à propos du foot business, mais estime «mériter» ses revenus. Il n'accorde pas d'attention aux critiques, si ce n'est celles sportives, qui le rendent plus fort sur le terrain. Pour sa mère, il n'y a «aucune culpabilité» à gagner autant - plus de 100 millions d'euros par an si l'on additionne à son salaire en club ses revenus extrasportifs.
Cet Envoyé spécial nous permet de découvrir des facettes moins connues du footballeur. On nous le présente ainsi en tant que parrain de l'association Premiers de cordée, ou homme au grand coeur, venant remettre 1'000 lunettes de vue à des enfants défavorisés. Il y a aussi cette amitié avec Camille, une petite atteinte d'une maladie congénitale rare, qui «a toujours le sourire», selon les dires du champion. Mbappé nous est également montré en homme discret, qui ne s'affiche pas devant les caméras lorsqu'il rend visite à Pelé, hospitalisé.
Celui qui n'a pas «ressenti d'émotions» en gagnant la Coupe du monde 2018, car «trop jeune», ne sort pas uniquement le portefeuille. Il vit ses projets, comme lorsqu'il se rendait à Yaoundé au Cameroun (le pays d'origine de son père), là où il a permis la réhabilitation d'une école de sourds et muets. Mbappé est disponible pour les causes qui lui tiennent à coeur.
L'émission se veut élogieuse, peut-être un peu trop. Les polémiques liées à l’organisation de la Coupe du monde au Qatar n'ont par exemple pas été évoquées, alors que Kylian Mbappé est le salarié de QSI. Elle ne met pas non plus le Parisien en difficulté. Même quand ses prises de position, critiquées, sont évoquées, le sportif préféré des Français a la parade, il assume.
L'attaquant confirme son art du dribble au moment d'évoquer son avenir en club, sujet brûlant du moment. «Si on refait cette interview l'année prochaine, ça sera où: à Paris, Madrid, Manchester?», tente subtilement Elise Lucet en guise de dernière question. «Ici, dans ce bureau, on l'aura toujours!», rigole la star du foot.