Lorsqu'on chausse ses patins pour la première fois à un jeune âge ou qu'on dispute ses premiers matchs de football, on peut se retrouver face à des enfants qui ont presque un an de plus. Car généralement, les équipes regroupent des joueurs nés durant la même année civile.
Et il y a des conséquences: les enfants nés en fin d'année ont généralement un désavantage physique par rapport à ceux qui sont nés plus tôt dans l'année. Résultat? Ils sont potentiellement moins souvent utilisés et moins encouragés par l'entraîneur ambitieux du club de village et se retrouvent dans une spirale négative: moins d'encouragements, moins de détermination, moins d'encouragements, moins de performance, moins d'encouragements, etc.
Ce phénomène, qui prend racine dans les équipes juniors, se répercute jusqu'aux équipes nationales et aux ligues professionnelles. C'est ce que montrent les chiffres que nous avons extraits des sites spécialisés de hockey sur glace et de football. Le nombre d'enfants qui naissent chaque mois en Suisse est à peu près le même (environ 3000 garçons et 3000 filles).
L'effet est par exemple très fort dans les équipes M21 des équipes de Super League, comme le montre le graphique suivant:
Mais le problème n'est pas propre à la Suisse: l'«effet d'âge relatif», comme on l'appelle dans le jargon, se manifeste également en NHL ou lors de la dernière Coupe du monde de football. «Mais dans notre petit pays, il est d'autant plus important de lutter contre cet effet, car nous avons besoin de chaque talent», prévient Patrick Bruggmann, directeur du développement du football à l'Association suisse de football (ASF).
Pour lui, ce thème est une «affaire de cœur», comme il le dit. Certes, le problème est connu depuis longtemps. Des solutions ont été proposées à maintes reprises et Swiss Olympic, avec son programme «PISTE», a déjà sensibilisé les responsables de la relève à ce sujet il y a quelques années.
L'ASF est en train d'y remédier. Depuis 2020, l'association dispose d'un département de gestion des talents. Accompagné scientifiquement par la Haute école de sport de Macolin, il discute, évalue et met en œuvre.
Il ne s'agit pas seulement des enfants nés tardivement dans l'année, mais plus généralement des «retardataires». L'«âge biologique» doit être pris en compte dans la promotion des talents, explique Bruggmann. C'est-à-dire le niveau de développement physique et non l'âge réel. Cet âge biologique peut varier jusqu'à cinq ans au sein d'une même classe d'âge, entre les deux extrêmes (les retardataires sur le plan physique et nés tardivement dans l'année versus les précoces au niveau biologique et nés tôt).
Le problème a également été identifié et étudié chez les filles, mais l'âge biologique varie moins au sein des classes d'âge que chez les garçons.
Dans le football d'élite junior, il existe un «levier relativement efficace», comme le fait savoir Patrick Bruggmann: les entraîneurs sont sensibilisés au problème lors de formations. De plus, des matchs qui opposent des talents du même âge biologique (même niveau de développement physique) sont régulièrement organisés. Ils ont même un label: le «bio-banding».
Autre méthode: lorsque de jeunes footballeurs prometteurs participent à des tournois de détection, leurs numéros sont attribués en fonction de leur âge biologique, ce qui sensibilise les observateurs. Des études auraient montré que cette subtilité peut effectivement aider à sélectionner et prendre en charge des joueurs talentueux qui ne sont pas encore très développés physiquement.
Les responsables se laissent également plus de temps pour former la sélection nationale des moins de 15 ans. Parallèlement, une autre équipe nationale de cette tranche d'âge est créée: l'équipe «Take-your-Time» («Prends ton temps»), où l'on trouve des joueurs à développement tardif. La même idée sera mise en œuvre cette année avec les M16, et l'ASF y pense également pour les M17. «Après 17 ans, l'âge biologique s'équilibre généralement», observe Patrick Bruggmann. L'idée, déjà évoquée, d'établir des «quotas d'enfants nés en automne» dans les équipes est probablement moins efficace.
La grande difficulté consiste à sensibiliser les entraîneurs du football de base des enfants. S'ils sont trop axés sur les résultats, ils font jouer plus souvent les footballeurs mûrs physiquement dans les matchs et tournois. Conséquence: les autres risquent de passer à côté d'expériences importantes.
Il y a deux ans, l'ASF a donc introduit le modèle «Play more Football». Il s'agit de nouvelles formes de tournois qui, depuis cette saison, sont organisés à l'échelle nationale pour les catégories juniors G à E (6 à 10 ans). Les matchs se déroulent sur de petits terrains, avec quatre buts, de petites équipes et sans importance du classement. «Les entraîneurs voient souvent leurs joueurs sous un autre jour», se réjouit Patrick Bruggmann. Les coachs des niveaux juniors les plus bas – mais aussi les parents – doivent ainsi s'éloigner de la pensée purement axée sur le succès sportif.
Selon le directeur du développement du football à l'ASF, des succès sont déjà visibles au niveau des clubs dans les équipes M15, où l'âge biologique est davantage pris en compte qu'il y a quelques années.
La Nati A détonne aussi: avec 68,2 % de joueurs nés dans le deuxième semestre, elle est la seule équipe analysée comprenant davantage de footballeurs nés entre juillet et décembre. Une coïncidence? Ou une conséquence des efforts de l'ASF? On peut difficilement répondre à cette question, mais Bruggmann est convaincu d'une chose: même la Nati manque actuellement de talents à développement tardif, qui ont été laissés sur le carreau pendant l'adolescence.
Dans le hockey sur glace et le handball aussi, le grand credo est la sensibilisation des entraîneurs. «Nous instruisons les entraîneurs pour qu'ils ne se focalisent pas sur le résultat dans les catégories enfants», assure Markus Graf, directeur de la formation à la Fédération suisse de hockey sur glace. Jusqu'aux moins de 13 ans, celle-ci renonce, à l'échelle nationale, aux classements.
«Nous sommes devenus plus flexibles dans la sélection des cadres», complète Graf. Néanmoins, on sent chez lui une bonne dose de scepticisme. Il est conscient que les efforts pour supprimer ces injustices ont des limites.
«C'est l'un des sujets favoris de la science du sport. Mais dans une certaine mesure, nous devons vivre avec l'effet de l'âge», tranche Markus Graf. Il met en avant l'impossibilité d'amener tous les joueurs à développement physique tardif jusque dans l'élite junior. D'autant plus que dans les tournois internationaux chez les jeunes, il y aura bientôt des promotions et des relégations. Du coup, l'idée de performance passe inévitablement au premier plan.
De plus, on constate souvent que les parents sont eux aussi rivés sur le résultat. «Une question de société», s'avance Graf.
Enfin, le directeur de la formation du hockey suisse soulève une autre question: des cracks comme Roman Josi seraient-ils devenus aussi bons si on leur avait accordé moins de temps de glace en raison des efforts consentis pour faire jouer les retardataires?
En handball, une chose renforce encore l'effet: chaque équipe nationale juniors regroupe deux années civiles. C'est une norme internationale. Et tous les joueurs du contingent gradent en même temps. Autrement dit: ceux qui sont nés les années impaires sont toujours les plus jeunes des effectifs.
C'est ainsi que les années impaires ne représentent souvent qu'un tiers des sélections juniors. Bien sûr, l'un ou l'autre talent né une année impaire peut se faire une place, fait remarquer Ingo Meckes, chef du sport de compétition à la Fédération suisse de handball. Il souligne une particularité:
Il cite des joueurs comme Andy Schmid et Nikola Portner. Et il a sa petite idée sur les raisons de cette anomalie:
Adaptation en français: Yoann Graber