L'élimination de l'AS Monaco au tour préliminaire de la Ligue des champions, mardi contre le PSV Eindhoven (4-3 sur l'ensemble des deux rencontres), n'est pas très bien passé auprès des supporters de football français, et on ne parle pas seulement des Monégasques. Car quand un club perd sur la scène européenne, il affecte le coefficient UEFA de son pays, qui peut au final avoir moins d'équipes qualifiées, ou voir ces équipes contraintes d'entrer plus tôt dans la compétition. Or l'ASM a beaucoup perdu ces dernières saisons.
4 dernière qualifs de Monaco en C1:
— vincent duluc (@vincentduluc) August 9, 2022
17-18: 2 pt sur 18 (poules)
18-19: 1 pt sur 18 (poules)
21-22: eliminé en barrages
22-23: éliminé au tour préliminaire
Merci pour le foot français et pour l’indice, les gars.
Les clubs suisses ont eux aussi été souvent défaits ces dernières saisons, parfois très tôt dans la compétition, ce qui a suscité des critiques dures. C'est toujours pareil: on attend des équipes qualifiées en Europe qu'elles ne défendent pas seulement leurs intérêts, mais aussi ceux de la nation.
«Les remarques désobligeantes reviennent chaque fois qu'une équipe est éliminée trop vite et n'apporte pas suffisamment de points», constate Bernard Challandes, coach du FC Zurich en Ligue des champions lors de la saison 09/10. «Mais on ne joue jamais pour améliorer le classement UEFA de son pays. Je n'ai jamais dit à mes joueurs: "On doit gagner parce qu'il faut apporter des points au pays."»
Martin Rueda non plus. Pourtant, celui qui était l'entraîneur du LS en Coupe d'Europe lors de la saison 10/11 estime que chaque club engagé sur la scène continentale a une double responsabilité: envers ses supporters et dirigeants, et envers son pays. «Si tu es en Coupe d'Europe, tu as le devoir de faire de bons résultats. Pour moi, c'est clair», assure-t-il.
Quand les choses se passent bien, une euphorie parfois nationale naît et peut porter une équipe très loin (toute la Suisse s'était passionnée pour le FC Thoune lors de sa campagne en Ligue des champions il y a 17 ans). Quand elles tournent mal, on se met à suspecter l'équipe éliminée de nonchalance, voire de négligence.
Des accusations dont ont été victimes plusieurs équipes françaises ces dernières saisons, et chez nous le FC Lucerne. Le club de Suisse centrale a été sorti plusieurs fois au 2e ou 3e tour de qualification à la Ligue Europa et à la Conference League par des équipes comme Sassuolo, Osijek, l'Olympiakos, l'Espanyol ou Feyenoord.
Certains ont fini par penser que Lucerne n'avait pas très envie de jouer l'Europe, et que si c'était vrai, alors sans doute était-il préférable qu'il laisse sa place à d'autres équipes. Un confrère résume:
C'est parce que Young Boys a eu la bonne idée de faire des points ces dernières années que la Suisse aura cinq représentants en Europe la saison prochaine, contre quatre actuellement. Mais s'il faut féliciter YB, faut-il pour autant en vouloir à Lucerne et aux autres équipes éliminées? Le niveau du football suisse est-il à ce point incroyable qu'il faille s'étrangler devant une défaite de Zurich contre Qarabag (2022) ou de Bâle contre le CSKA Sofia (2020)? Martin Rueda répond en reprenant l'exemple lucernois:
Il est vrai qu'il y a une fâcheuse tendance, de la part des supporters des championnats occidentaux, à penser que leur équipe est bien meilleure que celles des ligues de l'Est. Or toutes les statistiques prouvent que ce n'est pas vrai.
Edmond Isoz, ancien directeur de la Swiss Football League, a eu le temps de s'en rendre compte. «Il faut être de mauvaise foi pour reprocher au FC Lucerne ses résultats. Si on analyse logiquement les choses, on s'aperçoit que les clubs suisses n'ont aucune responsabilité "morale" d'améliorer l'indice UEFA de leur pays, car on sait très bien que depuis bientôt dix ans, très peu d'entre eux font des points en Europe.»
Il s'agit dès lors de savourer toutes les qualifications, comme celles de Zurich (contre Linfield), de Bâle (contre Bröndby) et des Young Boys (contre KuPS) jeudi soir, et de ne pas accorder d'importance à l'élimination de Lugano (contre Beer Sheva) et à toutes les autres qui ne manqueront pas d'arriver encore, en dépit des volontés les plus tenaces.