Tout va bien pour Newcastle United, presque merveilleusement bien. Après leur victoire éclatante sur Manchester United (2-0), les Magpies occupent la troisième place de Premier League, dans la zone qualificative pour la Ligue des champions. C'est aussi grâce à Fabian Schär que Newcastle possède la meilleure défense du championnat avec 19 buts en 27 matches.
L'entraîneur Eddie Howe ne pratique peut-être pas le football le plus fin d'Angleterre, mais il a du succès et son équipe développe une intensité rare, dans une organisation tactique presque parfaite, qui utilise toute la largeur du terrain. Seule l'attaque, avec seulement 41 buts, est encore un peu à la traîne. Recruté cet été à la Real Sociedad pour 71 millions d'euros, Alexander Isak devrait bientôt y remédier. Le Suédois a manqué plusieurs mois en raison d'une blessure à une cuisse.
Malgré ces résultats réjouissants, tout n'est pas calme dans le nord de l'Angleterre. Et le problème vient du club lui-même - ou plutôt de son actionnaire principal. En octobre 2021, Newcastle est devenu la propriété du fonds saoudien Public Investment Fund (PIF). Outre Newcastle, le PIF possède notamment le circuit de golf LIV, celui-là même qui, à coup de millions de dollars, a entrepris d'attirer les stars et de concurrencer le vénérable PGA Tour. Ce dernier a réagi en excluant tous les golfeurs qui participaient à des événements du LIV. Ni une, ni deux, les Saoudiens ont poursuivi le PGA Tour aux Etats-Unis pour abus de position dominante et concurrence déloyale.
C'est dans ce cadre que le tribunal américain a convoqué le président de Newcastle, Yasir Al-Rumayyan, à son titre de gérant du PIF. L'affaire en elle-même n'a rien à voir avec les Magpies, sinon un petit détail: des avocats représentant le LIV ont déclaré devant le tribunal qu'Al-Rumayyan bénéficiait d'une immunité internationale parce qu'il était «ministre en exercice au sein du gouvernement», comme l'a rapporté The Guardian. Cette déclaration a créé un choc en Angleterre.
En effet, selon les statuts de la Première League, aucun club ne peut être contrôlé par un Etat. Dès le rachat, les liens évidents entre le PIF et le gouvernement saoudien ont suscité des interrogations, mais après un examen approfondi, la ligue a décidé d'autoriser la vente aux nouveaux propriétaires. Et ce malgré le fait qu'Al-Rumayyan ait été engagé par le prince héritier Mohamed bin Salman pour diriger le Public Investment Fund et que cet homme de 53 ans soit considéré comme un proche de MBS.
Les objectifs ambitieux de ben Salmane pour l'Arabie saoudite sont en outre étroitement liés au PIF, qui contrôle des actifs d'une valeur de 600 milliards de dollars. Ce fond doit également servir à financer certains projets du gouvernement. C'est pourquoi tant le futur actionnaire majoritaire du club que le gouvernement saoudien ont dû garantir par contrat à la ligue anglaise que le PIF est totalement indépendant de l'Etat. Mais si le président de Newcastle siège en même temps au gouvernement, une indépendance totale ne semble guère possible. La déclaration faite dans le cadre de l'affaire judiciaire aux Etats-Unis se retournera-t-elle contre Al-Rumayyan et le PIF?
Interrogé sur ce sujet, le président de la ligue Richard Masters s'est contenté de déclarer: «Je ne peux pas faire de commentaires. Nous ne pouvons même pas dire si nous enquêtons sur cette affaire.» En novembre 2021, peu après la reprise du club par le fonds d'investissement, Masters avait assuré à la BBC que la ligue pourrait retirer Newcastle au PIF s'il existait des preuves que le gouvernement saoudien était directement impliqué. C'est ce qui s'est passé avec l'ancien propriétaire de Chelsea, Roman Abramovitch, que la ligue a déclaré inapte à posséder un club après les sanctions contre la Russie. Il est pour l'instant impossible de dire si la ligue interviendra dans ce sens auprès de Newcastle.