Vous avez peut-être déjà vu la vidéo qui a fait connaître Bastien Toma au monde entier, propulsant le joueur sur le devant de la scène à seulement à 19 ans. C'était en 2018. En déplacement à Xamax, celui qui portait alors le maillot du FC Sion avait reçu un ballon d'Ermir Lenjani à mi-terrain. Voyant ce dernier sprinter ensuite vers l'avant, il avait temporisé puis pivoté intuitivement pour lui adresser une passe laser de 50m.
La vidéo était devenue virale parce que Lenjani avait marqué, mais surtout parce que la transmission de Toma était un geste de classe mondiale.
Cinq ans on passé et c'est désormais au FC Saint-Gall que le milieu de terrain poursuit une carrière qui peine à décoller. Son entraîneur Peter Zeidler le décrit comme un «footballeur de rue» avec de l'intuition, beaucoup d'application et redoublant d'effort. Un joueur que tout le monde apprécie dans l'équipe. Mais aussi un footballeur qui pratique souvent «l'art pour l'art», l'art du football comme une fin en soi. Le commentaire du Sankt Galler Tagblatt après le match contre Bâle (défaite 1-0) il y a dix jours en est le parfait résumé: «Toma cherche toujours la passe surprenante, mais il crée rarement le danger».
Depuis quelques matches, Zeidler utilise le Valaisan en soutien de l'attaquant de pointe. Au poste de dix, Toma semble avoir trouvé sa place. «Je ressens la confiance du club», dit-il. Un sentiment auquel il avait déjà eu le privilège de goûter en Valais.
Toma et le FC Sion, c'était une grande histoire d'amour. Le Kosovar a grandi à Vétroz, où ses parents et ses grands-parents se sont installés après avoir fui la guerre dans les années 1990. Très tôt, le football est important pour lui, bien que ses parents ne soient pas fous de football, comme le dit Toma. Enfant, il s'échappe volontiers de la maison, le mardi et le mercredi, et passe la nuit chez ses grands-parents, qui habitent également le village. La raison est très simple:
Il fait ses débuts à 18 ans au FC Sion en Super League sous la direction de Gabri. L'ancien entraîneur de Sion, Zeidler, l'avait déjà emmené en camp d'entraînement. Il obtient bientôt beaucoup de temps de jeu, il est qualifié de «top talent», de «joyau», quelqu'un qui «crève l'écran». Il porte même le brassard de capitaine durant quelques matchs. Créatif, joueur et virevoltant, l'homme d'1,74 m compense le manque de centimètres par sa joie de taquiner le ballon.
Il surmonte sans problème les inévitables changements d'entraîneur au FC Sion. Il est présent dans les sélections suisses de jeunes et devient même un pilier de l'équipe lors de l'Euro M21 en 2021. Toma évolue si rapidement qu'il reconnaît sans peine aujourd'hui:
Bastien Toma s'échappe et part à 21 ans pour Genk. Mais tout ne se passe pas comme prévu. Assis dans une loge du Kybunpark, le Valaisan tente aujourd'hui d'expliquer pourquoi son ascension a été ralentie en Belgique. Il a écopé d'un carton rouge dès son 2e match (la seule expulsion directe de sa carrière) ce qui l'a un peu freiné, et s'il jouait régulièrement la première saison, son temps de jeu a ensuite diminué. Peut-être aussi parce qu'il est resté bloqué en vacances à Dubaï en été 2021 à cause des mesures Covid, et qu'il a rejoint l'équipe plus tard.
Toma a ensuite été prêté à Saint-Gall, puis blessé, puis prêté au Portugal, avant d'échouer au sein de l'équipe réserve de Genk.
Il a engagé un préparateur physique qu'il connaissait depuis ses années valaisannes. Après l'entraînement, il se rendait à la salle de fitness à 19 heures. Il espérait ainsi s'ouvrir de nouvelles portes, mais c'est une vieille connaissance qui a fini par frapper à la sienne: Peter Zeidler. Et c'est comme cela que Bastien Toma est retourné à Saint-Gall l'été dernier.
Comme Peter Zeidler, Christian Constantin connaît lui aussi très bien Bastien Toma. Joint par téléphone, le président du FC Sion évoque rapidement le prodigieux assist du joueur en 2018 contre Xamax. Mais il ne veut pas réduire Toma à cette seule action. Pour «CC», son ancien joueur est bien plus que ça: il est même probablement le joueur valaisan le plus prometteur au poste de dix depuis un certain George Bregy. «Peut-être que sa nature calme lui fait un peu obstacle pour se faire vraiment remarquer», estime Constantin, qui dresse un parallèle avec Grégory Karlen. Parmi le trio valaisan de St-Gall (Toma/Karlen/Akolo), Karlen est sans doute le plus talentueux, mais il est aussi le plus réservé.
Toma aurait-il pu revenir en Valais l'été dernier? Constantin assure que non. «Bastien convient mieux à la Super League». Entre les lignes, on comprend que pour «CC», la pression de la promotion est peut-être moins bénéfique pour un joueur créatif comme Toma.
Il y a chez le milieu de terrain du mouvement, de la vitesse, beaucoup d'intuition, mais aussi un manque de simplicité qui, parfois, le rend moins percutant et décisif qu'il ne pourrait l'être. Que doit-il faire pour marquer pour la première fois de la saison avec les Saint-Gallois? «C'est la question qu'il faut lui poser», dit l'un de ses coéquipiers en plaisantant avant l'interview de Toma. «Améliorer la finition et les courses vers l'avant», résume le principal intéressé. Le fait qu'il joue désormais en soutien du/des attaquant/s lui plaît:
Reste une autre question: celle de l'équipe nationale. Quand il est apparu bourré de talent en Super League, on s'attendait à ce qu'il soit appelé en équipe de Suisse dans le futur. Mais c'est peut-être déjà trop tard. Bastien Toma aurait encore le choix de jouer pour l'Albanie ou le Kosovo. «J'ai envie de disputer des matches européens, clame le jeune homme de 24 ans. Il est sans doute temps de trouver une solution.»
Adaptation en français: Julien Caloz