Le FC Bâle a décollé de l'EuroAirport à 13h07 mercredi en direction de la pluvieuse Florence. C'est dans la ville toscane que les Rhénans joueront ce jeudi le match aller de la demi-finale de Conference League. Leur simple présence à ce stade est un petit exploit, puisque ce ne sera que la troisième fois de l'histoire qu'un club suisse disputera une demi-finale européenne. En 2013, le FC Bâle y était parvenu en Europa League, et en 1959, YB en avait fait autant en Coupe d'Europe des champions. Une qualification pour la finale (à Prague le 7 juin) serait en revanche un exploit jamais réalisé auparavant.
L'exploit des Bâlois cette saison est d'autant plus étonnant que le club Rotblau n'est que 5e de Super League et que son environnement est agité, David Degen et sa garde rapprochée assainissant radicalement le club depuis deux ans. De nombreux licenciements ont ainsi été prononcés au sein du secrétariat fin 2022 et cette année, un nouveau directeur sportif, un nouvel entraîneur (par intérim) et un nouveau CEO ont déjà été installés.
On sait aussi que le FCB a enregistré un déficit de 1,5 millions de francs en 2022 et qu'après ses investissements dans son stade et sur le marché des transferts (près de dix millions pour Andy Diouf et Zeki Amdouni), 2023 sera sans doute une année très difficile sur le plan financier pour le club qui a complètement épuisé ses réserves.
Comme si tout cela ne suffisait pas, des hooligans du FCB ont frappé leur propre personnel de sécurité après la demi-finale de la Coupe contre les Young Boys.
Avec tout ce remue-ménage, la question se pose d'autant plus de savoir pourquoi Bâle a tout de même réussi à se hisser en demi-finale d'une Coupe d'Europe. «Ce succès est certainement plus surprenant encore que la demi-finale contre Chelsea en 2013», reconnaît d'ailleurs Fabian Frei. Mais le capitaine ne peut pas non plus expliquer pourquoi le FCB s'est surpassé au niveau international et n'a pas pu gagner plus de deux matches de championnat consécutifs. Il se contente de dire que «le succès international montre que nous avons en fait une bonne équipe».
Quand on lui demande pourquoi son équipe réalise de meilleurs performances en Europe qu'en Suisse, l'entraîneur Heiko Vogel, toujours énervé par l'erreur d'arbitrage de dimanche contre Zurich et les deux cartons rouges adressés à ses joueurs, répond d'abord avec un clin d'œil:
En exemple de son courroux, Vogel cite les matchs contre Genève, la demi-finale de Coupe contre YB et le dernier classique contre le FCZ et termine par cette conclusion: «Si la VAR ne nous avait pas volé autant de points, on ne me demanderait pas pourquoi on est aussi faible en Suisse et aussi fort en Europe.»
Michael Lang, qui a déjà gagné deux fois à Florence avec GC (1-0 en 2013) et avec Bâle (2-1 en 2015), s'exprime de manière plus diplomatique. Il explique que «ce n'est pas une question de mentalité», mais que l'accumulation des matchs finit par peser sur les organismes. C'est bien simple: aucune équipe en Europe n'a disputé plus de matches cette saison que le FCB, qui en jouera au total 61, ou 62 s'il atteint la finale de Conference League.
Lang ajoute qu'en Super League, lui et ses coéquipiers «sont toujours tombés sur un adversaire reposé qui voulait mettre des bâtons dans les roues de Bâle. Après les matches internationaux, nous avons laissé passer beaucoup trop de points.»
Mais pourquoi la fatigue se manifeste-t-elle le week-end et jamais le jeudi soir? Est-ce tout simplement parce que les talents en devenir donnent plus d'eux-mêmes sur la scène internationale qu'en championnat? Manque-t-il des joueurs qui ne voient pas le FCB uniquement comme un tremplin? Personne ne veut confirmer ces thèses. Vogel, lui, s'y oppose: «Tout le monde au club est conscient que nous devons livrer la marchandise en championnat.» Pourtant, l'impression du contraire est tenace.
A cela s'ajoute le facteur chance. Autant Bâle a été poissard en Super League, autant il a été verni sur le plan international: retournement de situation en fin de match contre le CSKA Sofia, victoire aux tirs au but en play-off contre Bröndby, victoire contre Trabzonspor grâce à deux interventions de la VAR et malgré les nombreuses occasions turques, prolongation à la 90e minute à Bratislava grâce à une erreur du gardien et nouvelle victoire aux tirs au but.
Et à Nice, Bâle a marqué à la 88e minute pour aller en prolongations, au terme desquelles il s'est imposé. «C'est vrai qu'il y a eu quelques soirées qui ont tourné en notre faveur», admet Fabian Frei. Mais comme le dit volontiers une formule de footballeur: «La chance, c'est toujours le talent». Et ce qui caractérise aussi ce FCB 2022/23, c'est qu'il n'a jamais perdu la foi au niveau international, aussi désespérée que soit la situation.
En cas de victoire finale en Conference League, Bâle serait qualifié pour l'Europa League la saison prochaine, et ce quelle que soit la place à laquelle il termine en championnat. Fabian Frei se fait malicieux: «Si la tendance se poursuit, nous devrions remporter le titre le 7 juin à Prague!».