L'Allemande Andrea Petkovic (36 ans) a mis fin à sa carrière il y a deux ans. L'ancienne 9e mondiale (en 2011) et demi-finaliste de Roland-Garros (2014) suit encore de près le circuit. Elle officie notamment comme consultante TV pour Sky Sports.
Dans cette interview, elle parle de l'essor du thème de la santé mentale dans le tennis de haut niveau et des tenniswomen qui peuvent marquer ces prochaines années.
Vous avez récemment déclaré que «dans le sport de compétition, il s'agit souvent de maintenir des façades». C'est quoi une façade, en tennis?
ANDREA PETKOVIC: Le tennis est un sport psychologique, qui implique d'avoir un certain charisme sur le terrain et de faire au moins semblant de savoir ce qui se passe. D'avoir l'air d'être fort, aussi.
Pourquoi ce camouflage?
Dans le sport de haut niveau, il est indispensable de maintenir une façade qui laisse penser qu'on est fort. Mais parfois, les choses vont moins bien.
Mais il y a aussi des périodes de faiblesse, où l'on ne se sent pas aussi bien, où l'on n'a pas aussi bien joué, où l'on n'a pas gagné autant de matchs.
Ça fait partie du sport...
Absolument, mais ça devient alors un peu plus difficile, surtout en tennis. Mais je pense que les joueurs et les joueuses de tennis sont très doués pour maintenir une façade, de sorte que même leurs collègues dans les vestiaires ne remarquent rien.
Comment gérer une telle situation, quand vous voyez qu'un ou une autre joueur/joueuse ne va pas bien?
Ton rôle sur le terrain est de te frayer un chemin et de mettre un pied dans la porte. Mais je remarque aussi que maintenant que j'ai arrêté, les joueurs me font plus facilement des confidences parce que je ne suis plus une concurrente directe. On constate alors qu'il se passe plus de choses sous la surface que ce que l'on pense.
En parlant d'ego, les stars de la balle jaune peuvent aussi se mettre en scène sur les réseaux sociaux. Ceux-ci sont-ils positifs pour un joueur?
Les réseaux sociaux donnent aux joueurs la possibilité de rectifier ce qui se dit sur eux, d'expliquer pourquoi quelque chose n'a pas fonctionné ou de montrer ce qu'il y a derrière la façade. Je pense même que cela a eu un effet plutôt positif.
Aujourd'hui, de nombreux joueurs ont un coach mental dans leur staff et parlent plus ouvertement des problèmes psychiques et de la pression. Comment évaluez-vous cette évolution?
Plutôt de manière positive. Chez nous, en tennis, c'est le cas depuis que Naomi Osaka a refusé de venir à une conférence de presse à Roland-Garros en 2021. Il y a eu un énorme débat sur la santé mentale.
A-t-il eu un impact?
Depuis ce moment, des thérapeutes en santé mentale sont disponibles pour les joueurs et joueuses dans les vestiaires. Lors de chaque tournoi, on peut s'adresser à quelqu'un. Il est important de pouvoir invoquer la santé mentale comme raison pour laquelle on prend parfois une pause. On l'a vu récemment avec Amanda Anisimova, un jeune talent et une super joueuse. Elle a pris trois à quatre mois de repos, est revenue et s'est qualifiée directement pour le quatrième tour de l'Open d'Australie.
Alexander Zverev est l'un de ceux qui se mettent la pression. Il semble parfois se crisper dans son envie de devenir le premier Allemand depuis Boris Becker à remporter un tournoi du Grand Chelem. Se rend-il la tâche trop difficile?
Je ne pense pas. C'est sa force d'être si ambitieux. Et c'est précisément pour cela qu'il a déjà eu un si grand succès, qu'il se trouve dans le top 5 du classement mondial, à une époque où il y a beaucoup de formidables joueurs. C'est une performance incroyable, et je le répète sans cesse: il a le diabète de type 1. Dans les matchs au meilleur des cinq sets, c'est un obstacle énorme qu'il doit surmonter. Il le gère très bien. Mais c'est un défi physique en plus.
La Polonaise Iga Swiatek est actuellement la référence en tennis féminin, notamment sur terre battue. Pensez-vous qu'elle puisse atteindre le statut d'icône de Serena Williams et Steffi Graf?
Ce n'est pas un secret: j'ai une très haute opinion d'Iga Swiatek. Pour moi, elle fait partie des joueuses qui ont la volonté et l'ambition de s'améliorer constamment, même si elle est déjà numéro 1 mondiale, même si elle a déjà remporté plusieurs Grands Chelems.
En ce moment, elle travaille sur son service et essaie d'en tirer encore plus. Mais il y a de plus en plus de joueuses qui arrivent derrière elle et essaient de réduire l'écart.
Elena Rybakina avait mis fin, mi-avril à Stuttgart, à la série de victoires de Swiatek.
Elle, mais aussi Aryna Sabalenka ou Coco Gauff, sont proches d'Iga Swiatek. Mais sur l'ensemble de la saison, Iga est déjà l'une des joueuses les plus constantes. Bien sûr, il lui arrive de perdre, mais pour la battre, son adversaire doit jouer un match parfait du premier au dernier point. C'est une pression mentale énorme quand on entre sur le court contre Iga.
On dirait que la Polonaise vous impressionne décidément beaucoup!
Si Iga Swiatek reste en bonne santé, elle sera pour moi le nec plus ultra du tennis féminin pour les dix prochaines années. C'est à elle que tout le monde se mesurera et voudra ressembler.
Adaptation en français: Yoann Graber