Il n'a jamais eu la gueule de bois (un comble pour un Anglais) et ne boit pas de café, mais il est surtout l'un des cyclistes les plus complets du peloton. Tom Pidcock est capable de gagner en VTT, en cyclocross et sur route. Un phénomène, un fantastique coureur qui réussit là où un Mathieu van der Poel n'arrive pas à performer, par exemple, sur les pistes en terre des Jeux olympiques. Le Néerlandais avait tenté le pari à Tokyo, en vain.
Pidcock, lui, en est désormais à deux titres olympiques en VTT. Il a surtout été irrésistible lors de sa course à Paris: victime d'une crevaison, alors qu'il venait de faire exploser les Suisses et le reste, il est revenu comme une fusée sur la tête de course. Pour parachever son oeuvre, il s'est permis une manoeuvre rusée pour arracher l'or à Victor Koretzky. Une séquence qui a fait réagir le public tricolore, alors que le Britannique levait les bras. «Je comprends, les Français sont des supporters passionnés, ils voulaient que Victor (réd: Koretzky) s'impose, ce qui est logique. Mais ils n'ont pas hué la pierre qui a causé ma crevaison.»
Un talent brut, un acrobate sur sa bicyclette, mais doté d'une tête bien faite et capable de répondre sans prendre de gants. Les réminiscences de son interview dès la ligne d'arrivée franchie, au Strade Bianche 2024, illustrent le caractère du bonhomme. La performance de Tadej Pogacar lui a laissé un léger arrière-goût amer. «Après l'attaque de Tadej (Pogacar), j'ai eu l'impression que nous étions dans le gruppetto, pour être honnête». Avant de lâcher un: «Il n'y avait que des cadavres partout».
Déception ou jalousie, le coureur de la formation Ineos-Grenadiers est avant tout une machine à gagner. Il a fait étalage de sa classe pour remporter une étape de l'Alpe d'Huez sur le Tour de France 2023. Sa descente avait laissé bouche bée les suiveurs, pour enfin voler vers la ligne d'arrivée.
Sa carrière est déjà incroyable à seulement 24 ans; il est considéré comme un crack, mais placé un ton en-dessous des superstars du peloton, perçu comme la troisième roue de la bicyclette derrière Wout Van Aert et Mathieu van der Poel dans le registre des coureurs polyvalents. Dans la boue des courses Superprestige, il est souvent là pour batailler avec les deux monstres de la scène du cyclocross, sortant parfois vainqueur, finissant souvent deuxième derrière MVDP.
Ce petit gabarit (1m70 pour 58 kilos) est un un rouleau compresseur quand il faut enchainer les hautes intensités.
Sur route, le Britannique est capable de grandes choses, mais souffre (étonnamment) d'un problème de légitimité auprès des suiveurs. Lorsqu'il claque un titre mondial en cyclocross (en 2022), on lui oppose les absences des Van Aert et Van der Poel.
Mésestimé, le cycliste de 24 ans l'est, mais son CV parle pour lui, comme le démontre ses sacres sur bitume: vainqueur de la Flèche Brabançonne 2021, des Strade Bianche 2023, de l'Amstel Gold Race 2024, il se dit capable d'accrocher un top 5 au général du Tour de France - objectif avoué pour la Grande Boucle 2024, abandonnée pour cause de Covid. Il est aussi capable de briller sur les pavés de Paris-Roubaix, comme en atteste sa victoire sur l'édition espoirs. Sa palette est ultra complète.
L'enfant du Yorkshire est un compétiteur né et les Jeux olympiques ont une place forte dans le coeur du cycliste doublement doré en VTT.
Et sa forme olympique va l'emmener sur la ligne de départ de la course en ligne. Le parcours, digne d'un critérium, avec des relances et une course à haute intensité en milieu urbain, à l'image des Mondiaux de l'an passé à Glasgow, pourrait clairement l'avantager; la crasse et les quelques pavés, un circuit casse-patte, avec des nids de poule et un bitume glissant. Il faudra être agile sur le vélo. Ce sera une course dans les cordes de l'acrobate de 24 ans, pour aller chercher un doublé inédit et historique et accrocher une légitimité qui lui revient.