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Ligue des champion: des milliers de supporters anglais occupent Paris

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Rues bloquées, pénurie d'alcool: les fans ont mis Paris en bouteille

Les Espagnols au musée, les Anglais au bar: à quelques heures de la finale de la Ligue des champions, Paris n'est plus qu'une gigantesque chorale, beuverie et exposition de clichés. Reportage.
28.05.2022, 15:3930.05.2022, 07:03
christian despont, paris
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Paris ne ressemble plus à Paris, à une exception près: une grève perturbe le trafic du RER B, principal moyen de transport pour rallier le Stade de France. Les syndicats souhaitent attirer l'attention sur un état de sous-effectif permanent.

Voilà bien un problème que les supporters de Liverpool n'ont pas, et ils le revendiquent bruyamment: ils sont 80 000 dans les rues de Paris, dont seulement un quart détient un billet pour la finale Liverpool - Real Madrid. Ils sont 80 000 à manifester (60 000 selon la police) contre le Brexit (🎶 «We conquered all of Europe - And we will never stop» 🎵) et pour un tacle de Fabinho sur le coccyx de Benzema («Oooh oooh Fabinho, is kicking your ass»).

Ils ont envahi bars et trottoirs, transformé Paris en une chorale géante, ça chante et ça chambre comme une chanson populaire (hommage). L'alcool et les mots coulent à flots, le reste suit, «oooh oooh pissez haut». Ils sont partout; même les rats quittent ce bateau ivre.

En gros, ce n'est pas un week-end à passer en amoureux à Paris, se balader sur l'avenue le cœur ouvert à l'inconnu, déposer une piécette à la violoncelliste du Louvre ou au Roumain de la rue Caron qui, avec un air plus ou moins concupiscent, chantait Non, je ne regrette rien depuis tant d'années.

Dans cette rue, il y a un pub anglais et le patron, que l'on croyait pourtant un fan de Manchester United, passe Never walk alone depuis mercredi, en veillant à tourner ses enceintes en direction du vent. Ce sens de l'accueil n'est jamais très loin de celui des affaires et quand la rumeur s'est répandue au pub qu'une photo de Roy Keane, l'ancien cador de Manchester, avait trôné jadis au-dessus du comptoir, un serveur a avoué les méfaits et dit que c'était pour jouer aux fléchettes.

Même le jeune syrien body-buildé qui chante Michael Jackson sur la ligne 1 du métro est au chômage technique (bientôt la grève des mendiants?): «Désolé pour la mousique, pas possible avec le football».

Rupture de binches

Il y a désormais deux grandes pénuries dans Paris: l'huile de tournesol et la bière. Au «Kop Bar», qui affiche clairement son obédience (lui), le patron a dû fermer dans la soirée de jeudi faute de pouvoir satisfaire les attentes insatiables de ses fidèles.

Tout ceci se déroule sans violence, ou presque. Samedi matin, il a fallu interrompre la circulation devant le restaurant «Le Renard» où des bris de vers recouvraient les quatre voies qui mènent à l'Hôtel de Ville, lieu de siège. Un concours de bras de fer a mal tourné pour un jeune fiérot (plus exactement, pour son poignet), quelques coups de soleil par ci, par là, reds jusqu'au bout du nez, mais sinon, rien de méchant.

Les supporters anglais ont quadrillé l'Hôtel de Ville, armés de six packs.
Les supporters anglais ont quadrillé l'Hôtel de Ville, armés de six packs.

Au contact de cette civilisation résolument cocardière et typée, on voit bien, et même particulièrement bien, que le monde globalisé n'a aucune emprise sur tout ce qui touche à la caractéristique et aux coutumes. Les supporters espagnols sont en famille et près des monuments. Les Anglais sont entre hommes et au bar. Les seconds sifflent les filles. Les premiers sifflent les joggers en maillots du Barça.

Chacun rivalise de mauvaise foi, en obéissant à ses propres codes d'honneur (d'autres diront génétiques). L'esprit bagarreur, les Anglais répètent que le Real (se) repose entièrement sur Benzema et que le «f*%... frog» ne s'est encore jamais frotté à un colosse comme Virgil van Dijk. Le port altier, les Madrilènes rappellent leurs bijoux de famille, treize trophées majeurs et quelques paires de cojones pour renverser successivement Paris, Chelsea et City. Et quand la pénurie d'arguments ne permet plus de mettre de l'huile sur le feu, il reste toujours le PSG et son «oil» qatari.

«Il y a juste quelque chose que le pétrole ne peut pas acheter», nargue une banderole déposée par des Anglais aux pieds de la Tour Eiffel, à l'intention du PSG.
«Il y a juste quelque chose que le pétrole ne peut pas acheter», nargue une banderole déposée par des Anglais aux pieds de la Tour Eiffel, à l'intention du PSG.

Ils dorment dehors (ou pas)

La plupart des Anglais sont venus sans billet mais aussi sans hôtel, dont les prix ont triplé depuis que l'Uefa a déménagé la finale de Saint-Pétersbourg à Paris. Un journaliste-sociologue du Temps nous explique que le supporterisme anglais perpétue une sorte de pratique médiévale qui, des guerriers aux backpackers, consiste à partir à la conquête de territoires inconnus, sans point de chute ni épouse. Un supporter moins sociologue des Reds nous raconte qu'aux prix de la chambre, entre boire ou dormir, il a choisi.

L'argent aussi coule à flots

Ce qu'il leur reste d'argent passe dans les caisses de l'Uefa, dont le commerce à ciel ouvert ne désemplit pas depuis jeudi. On y a d'abord passé l’hymne de la Ligue des champions en boucle et à plein tube. Puis des DJ ont repris la main, renforcés bien vite par des fans anglais, avant l'arrivée de la cavalerie et des sirènes hurlantes, montée en puissance d'une communauté en transe.

Pour acheter un souvenir AOC de la finale, les gens font la queue sur huit files, en plein soleil, avec un temps d'attente moyen de 30 minutes pour chacune.

Les files d'attente à la boutique officielle de l'Uefa.
Les files d'attente à la boutique officielle de l'Uefa.

Le marché noir opère à quelques pas de là. «En fait, on est en pénurie», nous avoue un revendeur qui n'a rien à vendre. Selon différentes sources, les rares billets disponibles s'échangent sous le manteau à plus de 3500 euros, parfois 5000, tandis que l'Equipe évoque des places VIP à 12 000 euros l'unité (preuve qu'on trouve encore beaucoup de pigeons à Paris).

Un total de 6800 policiers, gendarmes et pompiers, arpentent la ville pour que «tous les oiseaux du point du jour chantent l'amour», comme dit la chanson Champs-Elysées de Joe Dassin, la préférée des artistes roumains, impatients de reprendre le contrôle de Paris lundi.

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