Daniel Yule est parti sans se poser de question, ouvrant cette deuxième manche sur une piste lisse comme la paume de la main, débarrassée du moindre trou, immaculée.
Yule nous a donc fait une Marc Berthod, lorsque le Grison avait réussi une remontée triomphale lors du slalom d'Adelboden en 2007, de la 27e au trône du vainqueur. Le Valaisan a skié fort, très fort pour rafler la mise devant les as du virage court.
Mais dans cette victoire, le facteur chance a pesé: les conditions météo ont grandement contribué à la victoire inattendue du slalomeur de Champex. Une chance qu'il a saisie, jouant des températures élevées, celles qui ont frustré Clément Noël («de voir que Daniel remonte de 30 à 1, ça me frustre vraiment»), repoussé à la 3e place après avoir dominé le premier tracé.
Le Français n'a pas réussi à capitaliser sur cette 1''93 d'avance sur le Suisse. La faute à ces rails qui sortaient de la trajectoire les coureurs et faisaient parcourir du chemin en plus là où Yule a pu raccourcir ses virages.
Marc Rochat, auteur d'une excellente saison, bien placé après le passage matinal, a été victime de cette piste fortement dégradée. «La réelle différence avec un rail qui s'est déjà formé: ta ligne est imposée», souffle Marc Rochat.
Le Vaudois décrit les difficultés, dimanche, sur une piste facile et une neige savonneuse, selon ses dires. «Ces rails, avec cette neige mouillée, ils ne te rendent pas d’énergie, au contraire d'un rail qui s'est formé dans une neige dure», expose le spécialiste de 31 ans.
Dimanche, à Chamonix, ces rails qui se sont formés autour des portes ont déporté les skieurs de la ligne idéale. Daniel Yule, lui, a pu tendre ses trajectoires, à chaque virage, sans être obligé de suivre ces traces qui rejetaient les coureurs les uns après les autres hors de la bonne ligne. «Daniel a pu imposer sa propre ligne. Même si t’es un peu tard sur certains appuis, tu peux mettre tes skis dans la ligne de pente et emmagasiner de la vitesse», cadre l'actuel 9e slalomeur mondial.
Ce fameux rail se transforme en centimètres en plus, qui se transforment en dixièmes, voire en secondes. Ces satanés centièmes qui ont coûté très cher au décompte final pour pléthore de skieurs. Les 15 meilleurs se tenaient en 60 centièmes et le 28e, l'Américain Jett Seymour, pointait à 1''02 à l'addition des deux manches. Des écarts infimes.
Une différence qui s'est vue dès le premier secteur, où la première double a créé de gros soucis aux concurrents - Yule leur infligeait presque une demi-seconde à tous. Une première partie primordiale, selon Marc Rochat, où la vitesse doit être créée. «Je pense qu’il était probablement 20 à 30 centimètres plus intérieur que moi.»
Pour Julien Vuignier, l'heureux coach des slalomeurs et entraîneur personnel de Loïc Meillard, si le timing était fondamental dimanche, il souligne aussi que la différence entre Yule et Meillard était «un écart de jambe» sur plusieurs courbes.
«La ligne extérieure était de 30 à 40 centimètres du piquet», rapporte Julien Vuignier. Lors du passage de Daniel (réd: Yule), il skiait à 10 centimètres de la porte», renseigne le coach d'Evolène.
Si dimanche, la bataille des centimètres était de plus en plus acharnée au fil des passages, il a fallu changer autre chose pour les skieurs pénalisés par ce champ de bosses.
L'entraîneur valaisan, de retour d'un entraînement à Pila, en Italie, en compagnie de Loïc Meillard, nous expliquait que son poulain s’est «un peu relevé pour skier le rail et bosser en verticalité». Un changement que Luca Aerni n'a pas appliqué. Conséquence? Il s'est écrasé dans le trou. «Luca était trop large et n’arrivait plus à travailler» et inscrire son ski dans ce fameux rail.
«Popov et Aerni étaient les deux désavantagés par rapport à un Ramon Zenhäusern», concède Marc Rochat.
Ramon Zenhäusern peut faire travailler ses (propres) centimètres dans ce genre d'exercice, et garder son centre de masse face à la pente. Pour les «petits» skieurs - autour des 1m75 - ils doivent travailler latéralement. «Les slalomeurs qui sont plus grands peuvent se permettre de mettre un peu d’angle dans le genou pour skier ce rail», conclut Julien Vuignier.