Dominik Paris, vous participerez vendredi à la descente de Kitzbühel et Beat Feuz commentera votre course à la télévision. Vous êtes tous les deux amis. Avez-vous déjà écouté ce qu'il a à dire sur vous?
Oui, une fois, c'était après ma victoire à Val Gardena. Et je dois l'avouer: il fait bien son travail.
Beat Feuz a mis un terme à sa carrière la saison dernière. Y a-t-il eu un moment où vous avez pensé suivre son exemple? Après tout, vous sortiez d'un hiver difficile, vous aviez été tourmenté.
Non, jamais. Mais il est vrai que c'était spécial de voir Beat Feuz, Matthias Mayer et Mauro Caviezel, des athlètes avec lesquels j'ai couru pendant des années, s'arrêter. Beaucoup de départs se sont enchaînés.
Votre saison était-elle si mauvaise? Les résultats n'étaient pas toujours catastrophiques.
Disons que lorsque l'on a déjà fêté de grands succès dans sa carrière, on juge probablement sa propre performance plus négativement qu'elle ne l'est en réalité. Mais ce ne sont pas mes classements qui m'ont agacé. Ce sont les écarts de temps avec les meilleurs. Je me suis demandé:
Cette saison, vous avez gagné pour la toute première fois à Val Gardena, votre course, celle à domicile. Vous avez également terminé troisième de la descente du Lauberhorn. Cela montre que vous pouvez encore rivaliser. Comment êtes-vous sorti de la crise?
En me remettant en question. Cela ne sert à rien de blâmer les autres ou de se plaindre qu'ils sont plus rapides. Il y a toujours une explication à une baisse de forme, il faut trouver la raison. Et cela rend les choses passionnantes, car ce sont les détails qui font la différence. Cet été, j'ai un peu tout changé. Je voulais me donner une nouvelle impulsion, m'entraîner différemment et voir ce que cela pouvait donner.
Vous avez déjà remporté la descente de Kitzbühel à trois reprises. Nulle part ailleurs, la gestion des risques n'est plus importante que sur la Streif. Comment faites-vous?
Tout passe par la confiance. Prenons l'exemple de Marco Odermatt. Il est actuellement convaincu que tout ce qu’il fait est juste. La confiance permet parfois de repousser ses limites. Sans, il devient dangereux de le faire.
Vous venez de mentionner Marco Odermatt. Quand avez-vous réalisé à quel point il était bon?
Beat Feuz est venu me voir il y a quelques années et m'a dit:
J'ai ensuite observé «Odi» lors de la course suivante. J'ai rapidement compris à quel point il était intelligent. Non seulement il skie vite, mais il peut aussi apprendre très vite.
Vous étiez un ado «terrible». Vous aimiez boire, vous sortiez souvent. Une fois, vous avez même eu beaucoup de chance, lorsque vous avez survécu à un accident avec votre Vespa. Est-ce que cela a été l'élément déclencheur?
Non, je n'avais que 14 ans et j’étais à nouveau capable de skier trois mois plus tard. Le moment clé, c'est lorsque des athlètes moins bons m'ont soudainement dépassé. J'ai toujours voulu devenir un skieur professionnel. Mais parfois, je m'égarais à droite, à gauche. À ce moment-là, j’ai réalisé que je devais changer. Je me suis dit:
Vous avez passé un été en alpage au col du Splügen. Que s'est-il passé là-bas?
Je suis passé d'adolescent à adulte. J'avais un objectif en tête. Je savais que je devais tout faire pour être en forme. J'ai perdu 14 kilos. Le fait d’avoir vécu cela m’a changé. Quand je suis revenu, j'étais assez mûr pour dire à mes amis:
Pourquoi la Suisse?
Si j'étais resté chez moi dans le Tyrol du Sud, j'aurais pu redescendre facilement pour voir les collègues. J'avais besoin de cette distance pour ne pas être tenté.
Et comment cette idée de l'alpage est-elle venue?
Quand j'étais petit, lorsque j'avais douze ou treize ans, j'avais déjà eu cette expérience en Italie et j'avais vraiment aimé. C'est l'endroit idéal pour se préparer. Vous avez un programme quotidien, mais vous avez aussi le temps de vous entraîner. Le matin, je m'occupais du bétail et ensuite j'avais du temps pour moi. Et l’après-midi, je m’occupais à nouveau des animaux.
Avec le recul, avez-vous eu besoin de cette jeunesse «folle» pour devenir skieur professionnel?
C'est une période de ma vie que je n'oublierai jamais. Il s'est passé beaucoup de choses, j'ai appris énormément.
Aujourd'hui, vous êtes vous-même père de deux garçons. Vous pourriez maintenant donner à tous les parents le conseil ultime sur la manière de faire pour que les enfants deviennent raisonnables.
(Rires) C'est vraiment difficile. Je pense qu'il est important d'être conscient de ce qui se passe dans la tête des enfants. Si jamais ils s'écartent du chemin, on peut les encourager en leur disant qu'il existe une autre direction. Mon père m'a toujours fait prendre conscience de ce que le ski représentait pour moi. Et ma mère a veillé à ce que je ne néglige pas trop l'école. À l'époque, cela m'agaçait. Aujourd'hui, j'en suis très reconnaissant.
Quand vous repensez à quel point vous étiez «fou», cela fait-il de vous un père anxieux ?
Je n'utiliserais pas ce terme. Quand je pense à la façon dont j'étais enfant, à toutes les bêtises que je faisais, c'est déjà un sentiment particulier. Mais je veux laisser à mes enfants des libertés. Je ne veux pas leur dire constamment "Faites attention à ça", mais bien sûr, si cela devient vraiment dangereux, j'interviens.
Votre frère est décédé dans un accident de moto. Cela a-t-il changé votre regard sur la mort? En tant que descendeur, vous pratiquez un sport à risque.
Non, pas du tout. On ne peut pas comparer. On court sur piste fermée. Quand on fait de la moto, il y a du trafic et des choses peuvent arriver sans que vous en soyez responsable. Je n'achèterai jamais de moto. Je n'ai pas aimé quand mon frère en a acheté une.
Vous chantez dans un groupe de heavy metal. L'écriture vous aide-t-elle à surmonter cette épreuve?
Bien sûr, les choses que j’ai vécues transparaissent dans mes textes. Même les moments difficiles. Mais je doute que cela m'aide à mieux les digérer. La musique me vide surtout la tête. Elle me permet de quitter le monde du ski, de plonger dans un autre univers.
Est-ce que le fait de monter sur scène en tant que chanteur procure un sentiment comparable à celui d'être acclamé par des milliers de personnes sur le circuit de la Coupe du monde?
Non, c'est complètement différent. Lorsque je chante, je suis plus proche du public. Je veux transmettre toute l'énergie de notre musique aux gens. Je veux qu'ils ressentent ce que nous faisons et, dans le meilleur des cas, qu'ils réagissent. Ces concerts me rendent assez nerveux.
Appréciez-vous d'être sous les feux de la rampe?
Ce n'est pas ce que je recherche, mais j'apprécie l'attention. Quand les gens me reconnaissent, viennent vers moi, cela témoigne de ce que j'ai accompli. Ce que je préfère, ce sont les rencontres avec les enfants. Quand je vois leur enthousiasme et que je sens que je suis leur modèle, cela me rend très fier. Mais en général, je préfère quand même que tout soit calme.(Alors que Dominik Paris évoque son rôle de modèle pour les enfants, deux jeunes surviennent pour lui demander un autographe. Il prend son temps avec eux. On pourrait croire que tout est orchestré.)
Dernière question: vous criez plus que vous ne chantez, n'est-ce pas? Y a-t-il au moins quelqu'un qui vous comprend?
Si on lit les textes et qu'on les écoute par la suite, oui. Dans la musique et le ski, je me donne à fond. Mais rassurez-vous, en privé, je suis quelqu'un de calme.
Adaptation en français: Romuald Cachod.