Le tournoi de tennis de Naples n'en finit plus de faire parler de lui. Mais jamais pour de très bonnes raisons.
En 2022 déjà, les regards étaient braqués sur cet événement. Il avait obtenu le label 250 de l'ATP pour pallier l'annulation de la tournée chinoise, impossible à maintenir en raison du Covid. Or cette première à ce niveau avait été marquée par de nombreux problèmes organisationnels.
Les joueurs critiquaient sévèrement la qualité des courts extérieurs. Et pour cause, la surface dure se dégradait à mesure qu'ils la piétinaient. Les faux rebonds se multipliaient, et ce, même après le changement de résine décrété suite à la grève des joueurs. La proximité du site avec la mer rendait également les terrains trop humides et dangereux. Puis le repli vers un autre club n'était pas du goût des tennismen. Les organisateurs ne proposaient aucune navette et les changements d'hôtels se faisaient dans le chaos général.
Un an et demi après cette parodie de tennis, le tournoi napolitain a fait son retour cette semaine. Adieu le statut 250, il a retrouvé sa place dans le calendrier challenger, ainsi que sa terre battue traditionnelle, mieux appréhendée par l'organisation. Il continue toutefois de se faire remarquer, pour une autre raison, là encore peu glorieuse.
Lundi, le Français Pierre-Hugues Herbert était opposé à Raul Brancaccio en 16e de finale. L'Italien est né au pied du Vésuve. A Torre del Greco, soit quelques encablures de Napoli. Il évoluait donc à domicile et s'attendait certainement à bénéficier du soutien des tifosi.
Peut-être rêvait-il aussi en secret d'une arène acquise à sa cause, afin de trouver les ressources nécessaires pour vaincre le Strasbourgeois. Car jouer devant son public peut transcender, surtout lorsque l'ambiance s'apparente à celle d'un match de Coupe Davis. Stan Wawrinka connaît ce genre d'atmosphère en Italie. C'est une chose à laquelle il a été confronté, face à Andreas Seppi, en 2012 au Masters de Rome.
Mais revenons à Naples, où Raul Brancaccio n'a pas eu droit lundi au même traitement que son compatriote Seppi. Comme souvent en challenger, les tribunes étaient garnies de parieurs. Eux avaient misé sur Pierre-Hugues Herbert, 160e mondial et favori de la rencontre. Alors lorsque le Français s'apprêtait à perdre en deux manches, ils l'ont poussé comme l'un des leurs, afin qu'il l'emporte et que les mises ne soient pas vaines. Les fautes commises par le régional ont même été vivement célébrées, bien loin des coutumes du tennis.
Il semblerait que les parieurs aient été les plus forts sur ce coup. Les réactions véhémentes entre les points décisifs ont donné des ailes à Herbert et enfoncé peu à peu Brancaccio. Mené 3-6 / 4-5, le Strasbourgeois a renversé la rencontre. Après avoir sauvé sept balles de match, il s'est imposé en trois sets: 3-6 / 7-5 / 6-0 sous l’ovation du public.
Raul Brancaccio n'a pas caché son immense déception une fois l'opposition terminée. Mais le 321e joueur mondial s'est vite repris: il a souhaité communiquer sur ce fléau des paris sportifs qui gangrènent les circuits inférieurs: «le silence vaut mieux que mille mots, mais dans ces cas-là, il faut en parler».
L'Italien, qui a expliqué au Corriere Napoli avoir entendu dans les travées du stade des «Allez, double faute, tu as intérêt de perdre, j'ai joué de l'argent», a reçu le soutien de nombreux tennismen italiens.
Le problème des paris n'est évidemment pas nouveau et ne touche pas uniquement ce tournoi. On sait depuis des années que les joueurs sont harcelés sur les réseaux sociaux par des parieurs frustrés. Il y a aussi de nombreux cas de corruption au-delà du Top 100. Cela est étroitement lié à la situation précaire des joueurs qui arpentent les circuits secondaires. L'an passé, le Washington Post révélait ainsi au grand jour un effrayant réseau de matchs truqués de 2017 à 2023. L'affaire comportait 375 rencontres et impliquait 181 athlètes de 30 nationalités différentes.
A Naples cette semaine, les parieurs n'ont toujours pas quitté les tribunes. A l'issue de son huitième de finale vendredi, le Français Corentin Moutet a d'ailleurs tenu à leur adresser un message. Chambreur, il a mimé ce geste que l'on fait de la main lorsque l'on jette de l'argent. Le public napolitain a immédiatement réagi, invectivant le Parisien.
Corentin Moutet batte, in quello che è stato per ora il match del torneo, Nikoloz Basilashvili 7-6 al terzo set.
— Tommaso Giuliani (@Tomtennis_) March 29, 2024
Tre ore di tennis totale e l’esultanza la dice lunga.
Gasa? pic.twitter.com/eC8QuFyh57
Après le fiasco de 2022, les organisateurs du tournoi de Naples se seraient sans doute bien passés de toutes ces images. Le tennis aussi.