Le changement saute aux yeux. Samedi, le court central du tournoi ATP 250 de Naples était bleu, sur fond vert. Mardi, il était métamorphosé: une aire de jeu verte et un fond gris. Les plus fins observateurs auront aussi remarqué que le filet n'était plus le même.
The Napoli saga is (apparently) over!
— José Morgado (@josemorgado) October 17, 2022
From blue to green (repainted from the original black from Florence), the (beautiful) Centre Court in Napoli is ready for six matches on Tuesday. pic.twitter.com/Vz03iEKkIc
Ces modifications n'ont rien à voir avec des lubies soudaines du directeur du tournoi ou d'un décorateur local. Cette raison aurait été préférable. Car si le terrain a été entièrement refait, c'est parce qu'il était dans un état catastrophique.
Le samedi durant son entraînement, le tennisman italien Fabio Fognini enlevait des bouts de résine qui se décollaient. «La peinture était complètement arrachée, c'était injouable», grogne dans L'Equipe le Tunisien Aziz Dougaz, éliminé lors des qualifs. Le court présentait des trous et même des empreintes de pied, «comme si quelqu'un avait marché dans du ciment pas encore sec», témoigne dans son article Quentin Moynet, journaliste de L'Equipe. Dougaz, lui, ne décolère pas:
A tel point que les joueurs refusent de jouer dessus le samedi. Les organisateurs trouvent une solution en urgence: tous les matchs sont déplacés au Tennis Club Pozzuoli, à 40 minutes en voiture. Mais ce petit club amateur n'a rien d'une alternative idéale. «La surface était hyper rapide, les terrains pas refaits depuis une dizaine d'années, je pense. On demande des balles, il n'y en a pas. Il n'y avait même pas les bâches de l'ATP», peste Aziz Dougaz, battu au premier tour des qualifs par Nicolas Jarry. L'absence de projecteurs empêche aussi des matchs de se prolonger le soir, entraînant du retard dans la programmation.
DANTESCO el estado de las pistas del ATP 250 de Napoli @josemorgado pic.twitter.com/rTrCxEeheR
— Christian (@Christian2dos) October 15, 2022
Conséquence: le tableau principal ne peut commencer que le mardi. Les tennismen sont de retour à Naples, où les courts ont donc fait peau neuve entre-temps. En vain. L'Espagnol Albert Ramos-Vinolas appelle le superviseur en plein match pour se plaindre des faux rebonds. Plus tard dans la soirée, le central devient injouable: l'humidité de la mer juste à côté rend la surface glissante, et donc dangereuse. La partie entre Corentin Moutet et Luca Nardi est interrompue en milieu de premier set et reportée au lendemain.
Jeudi soir, Moutet a tout simplement décidé de déclarer forfait pour la même raison, alors qu'il était mené 5-3 dans la première manche par Miomir Kecmanovic. Après une grosse colère (raquette balancée dans la bâche), le Français, dépité, est allé serrer la main de son adversaire et de l'arbitre.
Naples R2: Another day, another story from Naples. This time, Corentin Moutet ret. vs. Miomir Kecmanovic 3-5.
— stateofsport21 // raz (she/her) (@eretzsport022) October 20, 2022
Both players complained wrt the court condition, esp. for being slippery. ⚠️ Also notice Moutet threw his racquet as well. Reee.
🎥 Naples feedpic.twitter.com/cO4kZ0Nt9T
Mais comment un tel amateurisme dans l'organisation est-il possible pour un tournoi de ce niveau? «Avant les tournois, aucun membre de l'ATP ne vient contrôler les infrastructures», explique Jean-François Collet, directeur du Swiss Open de Gstaad.
Mais voilà: il s'agit de la première édition de cet ATP 250 de Naples, qui remplace la tournée chinoise annulée à cause du Covid. D'habitude, le tournoi napolitain est un Challenger (catégorie en dessous) sur terre battue. Les organisateurs n'ont donc jamais pu prouver leurs capacités à mettre sur pied une manifestation de cette ampleur, disputée qui plus est sur une autre surface.
La cancha donde Fognini entrenó ayer en Nápoles se estaba rompiendo a medida de que el italiano la usaba... pic.twitter.com/os5UZqQZt8
— Séptimo Game (@Septimo_Game) October 16, 2022
Ils savaient depuis mi-juillet, au plus tard, ce qu'ils devaient préparer, mais il n'empêche: c'est seulement en forgeant qu'on devient forgeron. «C'est toujours compliqué de changer de surface», témoigne Jean-François Collet, sans pour autant excuser ses confrères italiens. Le boss de Grand Chelem Event se souvient de son premier événement tennis, sur lequel ses collègues et lui avaient particulièrement transpiré. «C'était le match de Coupe Davis Suisse-France à la patinoire de Malley à Lausanne en 2004», rembobine le Vaudois.
Jean-François Collet se rappelle aussi qu'il avait dû aller acheter des balles à la dernière minute. «On pensait que c'était la tâche des officiels de la Coupe Davis, or c'était la nôtre. Quand on n'a pas déjà vécu les situations, c'est difficile de tout anticiper.»
De quoi devenir, peut-être, un peu plus indulgents avec les organisateurs au pied du Vésuve. Par contre, leur manque de réactivité est difficilement compréhensible. Alors que les premiers matchs étaient délocalisés à Pozzuoli, aucune navette n'a été organisée pour y transporter les joueurs.
Et quand ceux-ci ont été forcés par les officiels de changer d'hôtels, la communication a été des plus foireuses. Lorsqu'il est rentré de son match de double (perdu), le Colombien Nicolas Barrientos et sa femme ont retrouvé leur chambre fermée, avec leurs affaires éparpillées dans le couloir. Les organisateurs l'avaient prévenu du changement d'établissement... par mail, et pendant son match!
Esto llenó la taza! Como puede pasar esto en un ATP250, ni en un Challenger me había pasado, bueno creo que a mi partner le paso en un Challenger organizado por la misma empresa de este 250. Abro hilo pic.twitter.com/LuXQura3Kw
— Nicolas Barrientos (@nicobg15) October 18, 2022
Le lendemain de son élimination, Aziz Dougaz a, lui, reçu un appel de la réception à 7h40 du matin, et pas des plus sympas: «Elle m'a annoncé que, si je ne faisais pas mon check-out dans l'heure, je devrais payer la nuit supplémentaire. Je suis parti en vitesse!»
Avec tous ces couacs, pas sûr que le tournoi ATP 250 de Naples puisse fêter sa deuxième édition l'année prochaine.