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ATP 250 Naples: Comment le tournoi a viré à la catastrophe

ATP 250 Naples: comment le tournois a viré à la catastrophe
Le premier tournoi ATP de Naples, très mal organisé, ne restera pas dans les annales du tennis. image: shutterstock/twitter

Comment le tournoi de tennis ATP de Naples a viré à la catastrophe

Terrains misérables, hôtels antipathiques, aucun moyen de transport: la première édition du tournoi napolitain estampillé ATP 250 est une immense gabegie. Les joueurs sont fâchés.
21.10.2022, 11:3821.10.2022, 20:25

Le changement saute aux yeux. Samedi, le court central du tournoi ATP 250 de Naples était bleu, sur fond vert. Mardi, il était métamorphosé: une aire de jeu verte et un fond gris. Les plus fins observateurs auront aussi remarqué que le filet n'était plus le même.

Ces modifications n'ont rien à voir avec des lubies soudaines du directeur du tournoi ou d'un décorateur local. Cette raison aurait été préférable. Car si le terrain a été entièrement refait, c'est parce qu'il était dans un état catastrophique.

Le samedi durant son entraînement, le tennisman italien Fabio Fognini enlevait des bouts de résine qui se décollaient. «La peinture était complètement arrachée, c'était injouable», grogne dans L'Equipe le Tunisien Aziz Dougaz, éliminé lors des qualifs. Le court présentait des trous et même des empreintes de pied, «comme si quelqu'un avait marché dans du ciment pas encore sec», témoigne dans son article Quentin Moynet, journaliste de L'Equipe. Dougaz, lui, ne décolère pas:

«Cette surface, c'est celle qu'ils mettent d'habitude sur les terrains en indoor. Je n'avais jamais vu ça en outdoor. Ils nous ont expliqué que cette surface ne supporte pas la pluie et que, comme il a énormément plu le jeudi, ça a bousillé les courts. Mais si vous savez que ça ne supporte pas la pluie, il ne fallait pas faire ça. La surface était carrément dangereuse.»
Aziz Dougaz, 333e joueur mondial, dans L'Equipe

Une grève, une solution foireuse et un danger nocturne

A tel point que les joueurs refusent de jouer dessus le samedi. Les organisateurs trouvent une solution en urgence: tous les matchs sont déplacés au Tennis Club Pozzuoli, à 40 minutes en voiture. Mais ce petit club amateur n'a rien d'une alternative idéale. «La surface était hyper rapide, les terrains pas refaits depuis une dizaine d'années, je pense. On demande des balles, il n'y en a pas. Il n'y avait même pas les bâches de l'ATP», peste Aziz Dougaz, battu au premier tour des qualifs par Nicolas Jarry. L'absence de projecteurs empêche aussi des matchs de se prolonger le soir, entraînant du retard dans la programmation.

Conséquence: le tableau principal ne peut commencer que le mardi. Les tennismen sont de retour à Naples, où les courts ont donc fait peau neuve entre-temps. En vain. L'Espagnol Albert Ramos-Vinolas appelle le superviseur en plein match pour se plaindre des faux rebonds. Plus tard dans la soirée, le central devient injouable: l'humidité de la mer juste à côté rend la surface glissante, et donc dangereuse. La partie entre Corentin Moutet et Luca Nardi est interrompue en milieu de premier set et reportée au lendemain.

Jeudi soir, Moutet a tout simplement décidé de déclarer forfait pour la même raison, alors qu'il était mené 5-3 dans la première manche par Miomir Kecmanovic. Après une grosse colère (raquette balancée dans la bâche), le Français, dépité, est allé serrer la main de son adversaire et de l'arbitre.

Valises dans le couloir et téléphone anxiogène

Mais comment un tel amateurisme dans l'organisation est-il possible pour un tournoi de ce niveau? «Avant les tournois, aucun membre de l'ATP ne vient contrôler les infrastructures», explique Jean-François Collet, directeur du Swiss Open de Gstaad.

«Ça impliquerait du personnel supplémentaire et trop de coûts pour l'instance. L'ATP fait confiance aux organisateurs par rapport à la qualité des événements»
Jean-François Collet, directeur du tournoi de Gstaad

Mais voilà: il s'agit de la première édition de cet ATP 250 de Naples, qui remplace la tournée chinoise annulée à cause du Covid. D'habitude, le tournoi napolitain est un Challenger (catégorie en dessous) sur terre battue. Les organisateurs n'ont donc jamais pu prouver leurs capacités à mettre sur pied une manifestation de cette ampleur, disputée qui plus est sur une autre surface.

Ils savaient depuis mi-juillet, au plus tard, ce qu'ils devaient préparer, mais il n'empêche: c'est seulement en forgeant qu'on devient forgeron. «C'est toujours compliqué de changer de surface», témoigne Jean-François Collet, sans pour autant excuser ses confrères italiens. Le boss de Grand Chelem Event se souvient de son premier événement tennis, sur lequel ses collègues et lui avaient particulièrement transpiré. «C'était le match de Coupe Davis Suisse-France à la patinoire de Malley à Lausanne en 2004», rembobine le Vaudois.

«On avait une grosse pression, entre autres parce que c'était le premier match de Federer en Suisse en tant que numéro 1 mondial. On avait mis des planches de bois au-dessus de la glace, sur lesquelles reposait la surface dure. Il y avait des rigoles sur le terrain à cause de l'espace entre les planches. On s'est dit: "Merde, on a un terrain pourri!" Mais Marc Rosset, capitaine suisse à cette époque, nous avait rassurés en expliquant que c'était normal. Ces courts improvisés sont de moins bonne qualité que ceux, permanents, des clubs amateurs.»
Jean-François Collet

Jean-François Collet se rappelle aussi qu'il avait dû aller acheter des balles à la dernière minute. «On pensait que c'était la tâche des officiels de la Coupe Davis, or c'était la nôtre. Quand on n'a pas déjà vécu les situations, c'est difficile de tout anticiper.»

De quoi devenir, peut-être, un peu plus indulgents avec les organisateurs au pied du Vésuve. Par contre, leur manque de réactivité est difficilement compréhensible. Alors que les premiers matchs étaient délocalisés à Pozzuoli, aucune navette n'a été organisée pour y transporter les joueurs.

Et quand ceux-ci ont été forcés par les officiels de changer d'hôtels, la communication a été des plus foireuses. Lorsqu'il est rentré de son match de double (perdu), le Colombien Nicolas Barrientos et sa femme ont retrouvé leur chambre fermée, avec leurs affaires éparpillées dans le couloir. Les organisateurs l'avaient prévenu du changement d'établissement... par mail, et pendant son match!

Le lendemain de son élimination, Aziz Dougaz a, lui, reçu un appel de la réception à 7h40 du matin, et pas des plus sympas: «Elle m'a annoncé que, si je ne faisais pas mon check-out dans l'heure, je devrais payer la nuit supplémentaire. Je suis parti en vitesse!»

Avec tous ces couacs, pas sûr que le tournoi ATP 250 de Naples puisse fêter sa deuxième édition l'année prochaine.

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