Le tournoi de Bâle dépérit et son boss refuse de voir la réalité
Le tennis est impitoyable. A la fin d’une semaine, il n’y a qu’un seul vainqueur. Roger Brennwald, président des Swiss Indoors de Bâle, y voit «ce qu’il y a de beau dans ce sport», comme il l'a déclaré dimanche, jour de la finale qui a vu le jeune prodige brésilien Joao Fonseca (19 ans) battre l'Espagnol Alejandro Davidovich Fokina (6-3, 6-4). Ce que le boss bâlois ne dit pas: tous les autres en sortent perdants. Et parmi eux figure aussi son tournoi.
Certes, la fréquentation a augmenté pour la troisième année consécutive, atteignant 62 200 spectateurs, un chiffre qui se rapproche de celui de l’ère Federer. Mais sur le plan sportif, le tournoi a été décevant. Que trois des quatre quarts de finale du vendredi se soient soldés par un abandon est une première dans l’histoire du tennis masculin. Brennwald accueille ce constat avec humour noir:
Même une demi-finale s’est terminée sur un abandon. Et avant le tournoi, Holger Rune, l’un des trois joueurs du Top 10 annoncés, a dû déclarer forfait après une rupture du tendon d’Achille.
Le coupable, selon Brennwald, est le progrès technologique, qu’il qualifie de «néfaste pour le sport». Les joueurs ne seraient plus à la hauteur des raquettes, des cordages et des surfaces d’aujourd’hui. De plus, le calendrier des tournois serait surchargé. Ce n’est pas nouveau, reconnaît-il, mais cela entraîne davantage de blessures. On entend dans ses propos l’impuissance du patron.
Une très forte concurrence
Les Swiss Indoors de Bâle sont broyés. Roger Brennwald constate:
Pour comprendre ce qui le préoccupe, il faut suivre la piste de l’argent. Le week-end précédant les Swiss Indoors s’est tenu le Six Kings Slam, un tournoi d’exhibition en Arabie saoudite doté de 13,5 millions de dollars de prix sur trois jours. A Bâle, l’enjeu financier s’élevait à seulement 2,5 millions d’euros.
On peut en penser ce qu’on veut, mais un fait demeure: cette évolution va se poursuivre. A partir de 2028, le calendrier comptera dix tournois Masters 1000 au lieu de neuf, avec l’entrée de l’Arabie saoudite. En outre, les tournois de cette catégorie dureront parfois dix jours au lieu d’une semaine.
Les joueurs se plaindront tout en tendant la main. A l’image de Taylor Fritz. Tête de série numéro 1 à Bâle, l’Américain est arrivé de Riyad, capitale saoudienne, où il participait au Six Kings Slam. Il a déclaré se sentir «comme un chien battu», mais vouloir remporter le tournoi; il a loué la qualité des repas, perdu en huitièmes de finale, puis est parti pour Paris.
Cette année, Brennwald a mis dix joueurs sous contrat, un nombre inhabituellement élevé. Il mise sur la nouvelle génération, celle de Joao Fonseca (le vainqueur de cette édition 2025), Ben Shelton ou Holger Rune. Problème: on ne peut pas encore compter sur eux, déplore le dirigeant de 79 ans. Ils manquent de personnalité et de résultats. Cela changera, sans doute; mais la question demeure: joueront-ils encore à Bâle quand ils auront percé?
Une chose est sûre: nier la réalité n’est pas une solution. Brennwald refuse obstinément d’admettre que le tournoi concurrent de Vienne, organisé en parallèle, a dépassé les Swiss Indoors. Pourtant, les chiffres sont clairs. En Autriche, quatre joueurs du Top 10 – Jannik Sinner (ATP 1), Alexander Zverev (ATP 3), Alex De Minaur (ATP 7) et Lorenzo Musetti (ATP 8) – se sont affrontés en demi-finales. A Bâle, le tableau avait nettement moins d’éclat avec Alejandro Davidovich Fokina (ATP 18), Ugo Humbert (ATP 24), Jaume Munar (ATP 42) et Joao Fonseca (ATP 46).
La relève suisse donne de l'espoir
La relève helvétique donne toutefois un peu d’espoir, même si les Swiss Indoors 2025 étaient encore d’une taille trop imposante pour elle: les succès du Bâlois Henry Bernet, qui a fait ses débuts dans le tableau principal, et ceux, à venir, de Jérôme Kym et Leandro Riedi, actuellement blessés, pourraient apporter un nouveau souffle au tournoi. Celui-ci conserve certes un certain prestige, mais il a dépassé son apogée.
Comme souvent par le passé, Roger Brennwald déplore le manque de soutien politique, économique et social, sans entrer dans les détails. «Ses» Swiss Indoors de Bâle ont eu lieu pour la première fois en 1970.
L’accord de licence avec l’ATP, l'instance du tennis masculin, court jusqu’en 2037. Mais il peut être cédé à tout moment, ce que Roger Brennwald refuse. En été 2026, il aura 80 ans; le destin du tournoi est lié à sa personne. On ne sait pas encore qui pourrait un jour lui succéder.
Le tennis reste un sport impitoyable. Il n’y a qu’un seul vainqueur – et une multitude de perdants. Les Swiss Indoors Bâle l’ont ressenti cette année. Mais Roger Brennwald continue d’avancer, imperturbable, presque défiant. «Quelqu’un doit tirer le char», dit-il. «Ça continue toujours». D’une manière ou d’une autre, mais pas forcément la meilleure.
Adaptation en français: Yoann Graber
