Suisse
Alain Berset

Michael Brändle, l'homme qui chuchotait à l'oreille de Berset

L'homme qui murmurait à l'oreille de Berset se confie

En tant que collaborateur personnel d'Alain Berset, Michael Brändle a notamment marqué de son empreinte les projets relatifs à la prévoyance vieillesse et à la lutte contre la pandémie. Il raconte dix ans au cœur du pouvoir.
20.04.2024, 07:04
Raphael Karpf / ch media
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Lorsqu'il a pris le poste en 2012, Michael Brändle a déclaré:

«Un collaborateur personnel est un peu comme le libéro d'un conseiller fédéral»
Michael Brändle et Berset
Michael Brändle a accompagné Alain Berset pendant dix ans, il dirige maintenant Pro Helvetia.Image: Bruno Kissling

Comment décrirait-il le poste aujourd'hui, après avoir assuré les arrières d'Alain Berset pendant douze ans?

«La réalité n'était pas si loin de ça»
Michael Brändle

Michael Brändle est assis à la terrasse du «Solheure» devant un espresso. Avec la démission d'Alain Berset, il a, lui aussi, terminé son «mandat» à Berne. Et même s'il décrit cette période comme incroyablement passionnante, il n'est pas mécontent de pouvoir se reposer un peu. Les années de pandémie ont été particulièrement intenses.

Toutefois, il a déjà repris du service. Depuis cette année, il est président de la fondation culturelle Pro Helvetia. En plus de ce mandat, il souhaite s'engager dans le conseil politique au cours de l'année.

Mais en quoi consistait exactement son travail? Que fait un collaborateur personnel d'un conseiller fédéral? C'est très variable, confie Michael Brändle. C'est le conseiller fédéral qui en décide. Certains collaborateurs personnels organisent les voyages, écrivent des discours, sont responsables des contacts avec le parti et les personnes extérieures. Et d'autres encore sont avant tout des conseillers politiques.

Son entrée en politique

C'était le rôle de Michael Brändle. Une tâche taillée sur mesure pour ce docteur en sciences politiques et ancien conseiller municipal PS à Soleure. Il a commencé comme collaborateur scientifique à la Chancellerie fédérale avant de devenir conseiller spécialisé auprès de Micheline Calmy-Rey. Il y a entretenu des contacts avec le groupe parlementaire du PS au Parlement fédéral. En 2003, il a fait la connaissance d'Alain Berset, nouvellement élu conseiller aux Etats fribourgeois.

Le courant est manifestement passé, non seulement sur le plan humain, mais aussi sur le plan politique. Même lorsque Michael Brändle est passé à la Suva, le contact n'a jamais été rompu. Lorsque Alain Berset a finalement été élu au Conseil fédéral, le Soleurois est retourné à Berne.

Michael Brändle aux côtés d'Alain Berset 2017.
Michael Brändle aux côtés d'Alain Berset 2017.mage: Alessandro Della Valle

Le département de l'Intérieur, dont Alain Berset a pris la tête, est composé de neuf offices fédéraux compétents pour les thèmes les plus divers et compte des milliers de collaborateurs.

«Au début, nous avons discuté intensivement de la manière dont on pouvait diriger politiquement un département aussi grand.»
Michael Brändle

Ils ont opté pour une organisation en équipe, avec des responsabilités bien définies. Michael Brändle était principalement responsable des dossiers des assurances sociales et de la culture.

13e rente, une défaite qui résonne

Dans cette fonction, il a travaillé intensivement sur différents dossiers au fil des ans. Le plus gros morceau, sur lequel il a œuvré pendant près de six ans: le projet Prévoyance vieillesse 2020. Après des années de travail, le projet a été rejeté dans les urnes en 2017. Et ça le préoccupe encore aujourd'hui, dit-il:

«Ce qui me frustre particulièrement: les gens qui ont rejeté le projet à l'époque disent aujourd'hui que c'était une erreur»

Si le projet avait été adopté, de nombreux problèmes seraient aujourd'hui résolus, il en est convaincu. «Et cela nous coûterait beaucoup moins cher.»

Il fait ainsi allusion à la 13ᵉ rente AVS, qui a été récemment acceptée. Michael Brändle a également participé à la préparation de cette votation. Le Conseil fédéral avait recommandé de rejeter le projet sans contre-projet.

«Le Conseil fédéral et le Parlement n'ont pas assez senti la sensibilité des gens. Je le regrette.»
Michael Brändle

Qu'est-ce qui a motivé cette décision?

«Inflation, prix de l'énergie, perte du pouvoir d'achat: pour beaucoup de gens, les temps sont difficiles. Ensuite, on a encore sauvé le Credit Suisse avec des garanties de plusieurs milliards. Cela a conduit à ce climat général, et beaucoup de gens se sont sans doute dit: "Maintenant, c'est aussi notre tour".»

La pandémie, au centre de son travail

La prévoyance vieillesse était le cheval de bataille de Michael Brändle. Mais ce sont les années de pandémie qui ont été les plus intenses. «C'était une période très impressionnante, mais très éprouvante», dit-il. Lorsqu'il regarde en arrière aujourd'hui, il s'étonne parfois lui-même de la manière dont ils ont réussi à faire des journées de 12 heures pendant des mois. A une époque où personne ne savait combien de temps durerait la crise.

Michael Brändle et Berset
Image: Bruno Kissling

Les premiers mois l'ont particulièrement marqué. «C'était comme une avalanche qui nous tombait dessus.» En janvier 2020, on savait que le virus se propageait en Chine. Dès la mi-février, il était clair que cela devenait sérieux. Et lorsque les premières contaminations ont été détectées en Italie, ce n'était plus qu'une question de jours avant qu'il ne soit en Suisse.

«C'était une phase très bizarre. Personne ne pouvait dire ce qui nous attendait exactement»

En mars, le nombre de cas a augmenté et les premières personnes sont décédées en Suisse.

Une décision de dernière minute

Le 16 mars 2020 a suivi le moment le plus décisif de la pandémie: le Conseil fédéral a tout stoppé. Même les écoles ont été fermées. Cela n'était pas vraiment prévu:

«On savait déjà à l'époque que les personnes âgées étaient particulièrement menacées. Nous ne voulions donc pas fermer les écoles ni isoler les enfants.»

Le soir du 15 mars, une dernière réunion a eu lieu avant la décision. Pendant celle-ci, des conseillers d'Etat de différents cantons ont annoncé par SMS qu'ils allaient avoir des difficultés. Les parents refuseraient d'envoyer leurs enfants à l'école. Certaines écoles auraient même fermé d'elles-mêmes. Pratiquement au même moment, des informations arrivaient de l'étranger: L'Allemagne, l'Autriche et la France venaient de fermer leurs écoles. Tout cela s'est passé en 90 minutes.

«Et nous nous sommes assis là. Et nous nous sommes dit: maintenant, nous devons prendre une décision. S'ils ferment tous dans les cantons frontaliers et tout autour, nous devons faire de même maintenant.»

On est plus intelligent après coup

Rétrospectivement, on peut dire que les fermetures d'écoles n'étaient pas nécessaires. C'est aussi l'avis de Michael Brändle. Mais avec le recul, on est toujours plus intelligent:

«Il régnait à l'époque une très grande incertitude. Tout s'est passé très vite et nous avions des informations contradictoires. La mise en place de l'organisation de crise était passionnante, mais c'était un stress énorme.»

En été 2020, la pandémie est ensuite devenue politique. Les premières accusations de dictature à l'encontre d'Alain Berset ont été formulées:

«C'était la période la plus difficile pour moi. Nous étions au travail jour et nuit, même le week-end, non-stop. Tout était si complexe: des médicaments bloqués à la frontière, des appareils à oxygène qui manquaient, des gens qui mouraient. Et puis notre travail a été tellement politisé. Cela nous a poussés à la limite.»

Alors qu'auparavant un conseiller fédéral pouvait sans problème traverser la Suisse seul en train, Alain Berset ainsi que sa famille ont dû être placés sous protection personnelle 24 heures sur 24. Les e-mails et les lettres anonymes contenant des menaces de mort se sont multipliés. «Il y avait une agressivité extraordinaire.» A cela s'ajoutaient des attaques de plus en plus fréquentes de la part des médias.

Des heures au téléphone

Durant cette période, le conseiller a été particulièrement sollicité. Il aurait passé son temps au téléphone, essayant au mieux d'expliquer son propre travail, de classer les décisions.

Michael Brändle Berset
Image: Bruno Kissling

Comment explique-t-il cette évolution?

«La Suisse n'a pas connu de véritable crise depuis très longtemps. Ici, on peut s'assurer pour tout, on connaît les dates des votations populaires jusqu'en 2043. Et puis un tel imprévu survient. Personne ne savait comment y faire face.»

Cette envie de vouloir tout prévoir dans les moindres détails serait peu compatible avec le sentiment d'insécurité.

Que lui reste-t-il de cette période en tant que proche collaborateur d'un conseiller fédéral? Outre la gestion de la pandémie et de projets exigeants, surtout de nombreuses rencontres et contacts passionnants: Michael Brändle se souvient de jam-sessions en Afrique, de ses rencontres avec Trump ou Macron, à Davos ou Berne. Et une constatation simple qui permet de relativiser les différences entre les hommes et les nations:

«Dans le monde entier, les gens font la cuisine avec de l'eau»

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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