Il a déposé sa candidature au poste de secrétaire général du Conseil de l'Europe le 10 janvier à 17 heures, littéralement au tout dernier moment. La clôture des inscriptions était fixée à 18 heures. Mais dès le lendemain, le président du centre Gerhard Pfister et la conseillère aux Etats Marianne Binder, qui est également vice-présidente de la délégation suisse auprès du Conseil de l'Europe, ont émis des critiques à l'égard de cette candidature.
Alain Berset will Generalsekretär des Europarates werden. Bin nicht sicher, ob es dort gut ankommt, dass er im Westen ‘Kriegsrausch’ beim Krieg in der Ukraine ausmacht. https://t.co/qNvcKQKcRX
— Gerhard Pfister 🤍💙💛 (@gerhardpfister) January 10, 2024
C'est le conseiller national UDC Alfred Heer qui a ensuite pris les choses en main. Le 22 janvier, le président de la délégation suisse a profité de la réunion préparatoire à Strasbourg pour mobiliser ses troupes autour de la candidature Berset.
Pourtant, l'ancien conseiller fédéral fait désormais figure de favori pour ce poste prestigieux. Le concurrent belge de Berset, le commissaire européen à la justice Didier Reynders (65 ans), est considéré comme un bureaucrate européen peu charismatique, tandis que l'ex-ministre estonien de la Culture Indrek Saar (50 ans) est jugé trop petit politiquement. L'élection du successeur de la Croate Marija Pejčinović Burić aura lieu le 25 juin.
Mais pourquoi l'UDC soutient-elle fermement la candidature de Berset, alors qu'elle lui a prêté des traits dictatoriaux pendant la pandémie et qu'elle exige même le retrait de la Suisse du Conseil de l'Europe après l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sur le climat?
Pour cet UDC, Berset est le «meilleur candidat et le plus compétent. Il était clair pour nous que dans cette constellation, nous devions immédiatement nous ranger derrière lui.»
La sortie du Conseil de l'Europe est certes une exigence du parti, dit Büchel:
Et si la Suisse reste au Conseil de l'Europe, l'UDC doit aussi veiller à ce que les personnes adéquates soient aux manettes. Et avec Berset, il y aurait de meilleures chances de lutter contre la corruption au Conseil de l'Europe qu'avec ses opposants.
Berset lui-même mène une habile campagne électorale depuis l'annonce de sa candidature. La semaine passée, il était l'invité d'Emmanuel Macron, avec lequel il entretient une amitié personnelle. Le président français doit lui ouvrir les portes du groupe libéral Alde, le quatrième groupe le plus important de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Outre le PLR, l'UDC en fait également partie.
Pour s'attirer les faveurs du groupe démocrate-chrétien du Parti populaire européen (PPE), le deuxième plus grand groupement, Berset cherche à entrer en contact avec l'ancien conseiller aux Etats du centre Filippo Lombardi. Ce dernier est aujourd'hui conseiller municipal de Lugano, mais il peut toujours compter sur un important réseau au sein du PPE.
Lundi, Berset a fait une apparition devant le groupe PPE à Strasbourg. L'un de ses poids lourds politiques est Reinhold Lopatka de l'ÖVP. Le chef de la délégation autrichienne au Conseil de l'Europe est l'un des 18 vice-présidents de l'assemblée parlementaire.
Berset a fait une «très bonne impression» lors de son intervention, affirme Lopatka. Son soutien au sein du PPE varie certes en fonction des pays, mais il est globalement «supérieur à la moyenne». Lopatka estime que les chances d'élection de Berset sont globalement «très bonnes».
La conseillère aux Etats Marianne Binder (centre/AG) était également présente à l'audition du groupe PPE et partage l'impression de Lopatka:
On a senti chez Alain Berset l'expérience et l'aisance qu'il apporte en tant qu'ancien président de la Confédération:
La situation de départ est moins claire au sein du «propre» groupe parlementaire de Berset, celui des socialistes et des Verts. Le conseiller national PS Pierre-Alain Fridez (JU) a suivi lundi la prestation du Fribourgeois devant le plus grand groupe du Conseil de l'Europe. Selon des critères objectifs, il a laissé une excellente impression: «J'ai eu des retours très positifs de mes collègues.»
Toutefois, Alain Berset a un concurrent direct au sein du groupe socialiste, le social-démocrate estonien Indrek Saar. Il bénéficie du soutien de l'influent chef de groupe Frank Schwabe (PS allemand) et de son entourage. La candidature de dernière minute de Berset leur a mis des bâtons dans les roues, rapportent des initiés.
Le conseiller national PS Pierre-Alain Fridez souligne qu'en tant qu'ancien président de la Confédération et contrairement à Saar, Berset remplit les critères en vigueur depuis 2007, selon lesquels le secrétaire général du Conseil de l'Europe doit en principe avoir une expérience de chef d'Etat ou de gouvernement. Fridez déclare:
Berset a également le vent en poupe au sein de la fraction libérale Alde, affirme le conseiller aux Etats UDC Hannes Germann. Le Schaffhousois n'a pas pu participer à l'audition de son groupe lundi pour des raisons d'agenda. Mais ses collègues ont loué la performance de Berset. Il aurait notamment fait mieux que son concurrent Didier Reynders, issu de la famille du parti Alde.
Le Belge s'était déjà porté candidat en 2019 à ce poste, mais il avait été battu par Pejčinović Burić. Contrairement à l'ancien conseiller fédéral Berset, Reynders est toujours en poste. A partir de la semaine prochaine, il laissera simplement son poste de commissaire européen à la justice en suspens au profit de la campagne électorale du Conseil de l'Europe. Cela donne une mauvaise impression, estime le conseiller aux Etats Hannes Germann.
Même s'il appartient à l'UDC, il affirme avec conviction:
Le prochain rendez-vous électoral important aura lieu fin mai à Vilnius. C'est là que se réunissent le comité des ministres du Conseil de l'Europe ainsi que le bureau de l'assemblée parlementaire, composé d'une quarantaine de personnes. On peut s'attendre à ce qu'Alain Berset fasse encore une fois campagne en Lituanie. Interrogé à ce sujet, le Fribourgeois n'a pas souhaité donner d'informations.