Au lendemain de la décision des commissions de gestion du Parlement d'ouvrir une enquête sur les fuites du Département de l'Intérieur, Alain Berset doit rencontrer ses collègues du Conseil fédéral pour une séance. Va-t-il devoir s'expliquer?
Si de nombreux points sont habituellement à l'ordre du jour, difficile à dire si du temps sera pris pour évoquer les affaires qui touchent Alain Berset. De plus, toutes les discussions ayant lieu au sein de la salle du Conseil fédéral sont confidentielles.
Comment la séance de mercredi va-t-elle se dérouler? «Tout est possible une fois que les portes se sont refermées», explique Pascal Sciarini, professeur en sciences politiques à l'Université de Genève.
Ironie de l'histoire: en tant que président de la Confédération cette année, c'est Alain Berset lui-même qui a la tâche de mener les discussions. Si le Conseil fédéral discute des Covid-leaks, «on peut imaginer que Berset va se récuser et c'est alors Viola Amherd, la vice-présidente du Conseil, qui va mener les discussions». Le politologue précise:
Il n'est pas non plus impossible que le ton monte quelque peu. Pascal Sciarini donne un exemple: «Les archives déclassifiées de l'époque des négociations sur l'Espace économique européen montrent que certaines discussions peuvent devenir très chaudes.»
Il n'empêche, si les fuites du département de Berset sont prouvées par l'enquête de la commission de gestion, au-delà de l'aspect pénal, plusieurs lois ou principes constitutionnels auront été transgressés. Parmi eux: la sacro-sainte collégialité.
«Cela suppose une certaine discipline», précise d'ailleurs le professeur de l'Unige. Et la collégialité bafouée volontairement par manœuvre politique peut être punie de manière très sévère au sein de la Berne fédérale: «Il y a certains cas assez célèbres, comme celui de Christoph Blocher au Conseil fédéral, entre 2003 et 2007. Il est soupçonné d'avoir volontairement laissé fuiter de nombreuses informations pour peser sur les discussions. Cela lui a d'ailleurs coûté son poste», explique le politologue.
«Tout cela est évidemment un jeu très dangereux», explique Pascal Sciarini. Car il n'est pas sûr que les fuites fonctionnent comme espéré et cela peut se retourner contre son auteur, si celui-ci est identifié.
Pour autant, le politologue ne pense pas que cette situation s'applique au cas actuel: «Il est indéniable que l'image de Berset a été écornée par les différentes "affaires", mais beaucoup de gens font tout leur possible pour l'écraser.»
Le Conseil fédéral sera-t-il toujours aussi uni après la discussion entre Berset et ses pairs? Le professeur donne son analyse: «De manière générale, on ne peut pas dire que le Conseil fédéral actuel soit dysfonctionnel. Il fonctionne bien, et même très bien en comparaison internationale.»