De Gaulle, Churchill, Berset: cherchez le point commun. Bien vu: le couvre-chef. Mais encore? La guerre. Et vous voyez peut-être où je veux en venir. On n’est pas tous d’accord là-dessus: vous êtes un certain nombre à penser que la pandémie de Covid-19, à ses moments les plus intenses, «vagues», «pics» et autres «nombre de morts», ne fut pas comparable à une situation de guerre. Je crois l’inverse.
Mon sentiment: toute la passion mise à nier le caractère particulier de ces deux ans de défense passive face à l'attaque virale témoigne de l’angoisse face à la guerre, synonyme de mort, bien plus que de son absence. Et c’est précisément parce que la guerre, la vraie, celle où l’on meurt au combat, comme aujourd’hui en Ukraine, est une tout autre histoire, qu’il convenait de ne pas crier aux mesures liberticides. Quand le seul sacrifice demandé devant la mort frappant des malades était de rester chez soi ou de porter un masque.
Berset, alors? Alain Berset fut en quelque sorte notre général en chef de la mobilisation contre le Covid-19, un Guisan en moins guindé. Conformément à la Constitution, lui et le Conseil fédéral usèrent de prérogatives exceptionnelles. Toutes choses qu’on sait déjà. Le ministre des armées, pardon, de la Santé, fut très populaire à cette époque, le plus populaire, même, du collège gouvernemental. A présent, il fatigue, il lasse. Du moins dans certains milieux, de la politique et sans doute aussi de l'opinion. Adieu Berset? Les Covid-leaks, ces fuites dont lui ou son entourage aurait fait profiter Blick durant la pandémie, l’enverront peut-être à la retraite à 50 ans. Ses collègues de l'exécutif lui poseront sûrement des questions ce mercredi à ce propos, alors que le parlement annonce l'ouverture d'une enquête sur ces mêmes soupçons.
Si Alain Berset devait être contraint au départ, on parlerait d’ingratitude. Elu au Conseil fédéral en 2012, il n’est certes pas arrivé au pouvoir avec la «guerre», mais celle-ci l’aura fait roi et son terme lui coupera peut-être la tête. Comme, avant lui, à Churchill et de Gaulle. Nommé premier ministre en 1940, préféré à Chamberlain qui pouvait sembler mou face à Hitler depuis la signature des accords de Munich, Winston Churchill fut éconduit du pouvoir en 1945.
En France, le général de Gaulle, qui fut la voix du «non» à la collaboration avec l’ennemi nazi, l’homme sans lequel un pays tourmenté aurait pu sombrer dans la guerre civile à la Libération, n'apparut pas indispensable aux partis qui se passèrent de lui en 1946.
Le journaliste et essayiste français Bertrand Le Gendre écrivait à leur propos en décembre 2014 dans l’hebdomadaire Le 1 hebdo:
On ne voudrait pas flatter notre ministre de la Santé avec ces comparaisons historiques. On ne voudrait pas non plus lui porter le mauvais œil.