Suisse
Analyse

Armes suisses en Ukraine: le Conseil fédéral sous pression

Analyse

Livraisons d'armes à l'Ukraine: la ruse du Conseil fédéral

Une fois de plus, la Suisse subit des pressions de l'étranger quant à la livraison d'armes suisses en Ukraine. Le Conseil fédéral tente de s'en sortir tant bien que mal, comme il sait si bien le faire.
Cet article est également disponible en allemand. Vers l'article
07.06.2022, 18:4507.06.2022, 18:45
Peter Blunschi
Peter Blunschi
Plus de «Suisse»

L'armée russe tente de démoraliser les défenseurs ukrainiens dans le Donbass en déployant un grand nombre de soldats et d'artillerie. Pour le gouvernement de Kiev, il n'y a qu'un seul moyen valable: plus d'armes en provenance de l'Occident. La pression sur les Etats réticents, comme la Suisse, augmente et elle le ressent directement.

Lors du Forum économique mondial (WEF) de Davos, la ministre de la Défense Viola Amherd a apparemment été «prise à partie» par plusieurs interlocuteurs, dont le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg et son homologue néerlandaise Kajsa Ollongren. C'est en tout cas ce que révèle un document confidentiel du Conseil fédéral, selon les journaux de Tamedia.

epa09971420 Jens Stoltenberg (L), Secretary-General, North Atlantic Treaty Organization, meets with Swiss Federal Councillor and defense minister Viola Amherd, for bilateral talks in the House of Swit ...
Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, et Viola Amherd au WEF à Davos. Derrière les portes closes, les amabilités ont cessé.image: keystone

Les pays étrangers comprennent donc que la Suisse ne peut pas envoyer directement des armes à l'Ukraine. Le droit sur la neutralité interdit aux Etats neutres de fournir des armes à des pays en guerre. De plus, ce n'est que l'année dernière que le Parlement a renforcé la loi sur le matériel de guerre dans ce sens, liant ainsi les mains du Conseil fédéral.

Deux interdictions controversées

Mais personne ne comprend que la Suisse bloque également la livraison d'armes qu'elle a vendues à d'autres pays. Deux cas ont, d'ailleurs, intrigué, ces dernières semaines, et notamment celui de l'Allemagne, qui n'a pas obtenu l'autorisation de livrer à l'Ukraine des munitions achetées en Suisse pour le char de défense antiaérienne Gepard.

Un militaire de l'armee suisse guarde un vehicule blinde type Mowag Piranha lors d'une conference de presse sur une nouvelle charte de l'environnement et un premier plan d�action prevoy ...
Un piranha de l'armée suisse. Les Danois ne peuvent pas livrer leurs véhicules à l'Ukraine.image: keystone

En outre, le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) a interdit au gouvernement danois de transmettre 22 chars de grenadiers à roues Piranha. Embarrassant pour les Danois qui avaient déjà annoncé le «don» avant de déposer la demande nécessaire à Berne. La critique s'est, toutefois, concentrée sur la Suisse, inflexible d'un point de vue mondial.

Feu vert pour le Leopard

Le pays respecte pourtant la loi qui interdit également la transmission d'armes, vendues à l'étranger, dans des régions en conflit. De telles nuances sont, toutefois, difficiles à faire passer en temps de guerre. C'est pourquoi le Conseil fédéral a tenté de réagir à la pression extérieure lors de sa séance de vendredi dernier en prenant diverses décisions.

L'Allemagne est ainsi autorisée à transmettre 42 chars Leopard, qui ont été revendus au fabricant Rheinmetall, il y a plus de dix ans. La Suisse renonce pour l'instant à une partie des armes antichars suédoises NLAW qu'elle a commandé, afin de permettre au Royaume-Uni de reconstituer son stock. Ce dernier en a livré 5300 à l'Ukraine.

Le Conseil fédéral a fait preuve de «ruse»

Par ailleurs, le Conseil fédéral a autorisé deux entreprises suisses, selon Tamedia, à «livrer des pièces de bazookas et d'armes antiaériennes en Allemagne et en Italie». Comme il s'agit de pièces détachées, la loi sur le matériel de guerre n'est pas violée. Néanmoins, le Conseil fédéral est resté ferme en ce qui concerne les piranhas danois et les munitions allemandes.

Une décision qui peut sembler parfois contradictoires. Pour la NZZ am Sonntag, le Conseil fédéral a ainsi fait preuve de «ruse». Mais en réalité, c'est avec ce genre d'astuces que la Suisse a toujours tenté de repousser la pression étrangère par le passé, notamment sur les questions fiscales ou le secret bancaire.

Exportations via le droit d'urgence?

On peut se demander si le Conseil fédéral se dépatouillera sur la question des armes, surtout si l'Ukraine se retrouve encore plus en difficulté sur le front de la guerre. Des propositions émanant du monde politique ont donc été faites pour se sortir de ce dilemme.

FILE - A Ukrainian Territorial Defence Forces member holds an NLAW anti-tank weapon, in the outskirts of Kyiv, Ukraine, on March 9, 2022. Authorities announced a new ceasefire on Wednesday to allow ci ...
Les Britanniques ont livré à l'Ukraine plus de 5000 NLAW suédois (photo). C'est pourquoi la Suisse renonce pour l'instant à une partie des systèmes qu'elle a commandé.image: keystone

Le Conseil fédéral devrait autoriser les exportations d'armes au moyen du droit d'urgence, selon Le Centre, le parti de la ministre de la Défense Viola Amherd. D'autres se demandent pourquoi les Allemands et les Danois ne transmettent pas, eux-mêmes, les armes suisses.

Assouplissement pour les Etats démocratiques

L'Occident se distingue de la barbarie de Vladimir Poutine précisément par le fait qu'il tient au droit et à la loi. Cet ordre basé sur des règles ne devrait pas être simplement bouleversé, même dans la question de l'armement. C'est pourquoi il existe d'autres moyens sur la manière dont la Suisse pourrait devenir plus flexible.

Ainsi, selon la presse dominicale, le président du PLR Thierry Burkart (lui 👇) veut obtenir un assouplissement de la loi sur le matériel de guerre. Il prévoit qu'à l'avenir, les pays gouvernés démocratiquement n'aient pas besoin d'une autorisation de Berne pour transmettre des armes suisses. Il cite notamment l'Allemagne, la Pologne, le Japon et les Etats-Unis.

Pour Thierry Burkart, la Suisse doit plus collaborer avec l'OTAN pour �tre mieux prot�g�e (archives).
Image: sda

Clarification nécessaire

Pour l'Ukraine, l'intervention de Burkhart arrive probablement trop tard. Il y a un risque qu'elle échoue au Conseil national en raison d'une «alliance contre-nature» de l'UDC et des Verts. Pour l'instant, le Conseil fédéral n'a guère d'autre choix que de continuer à se faufiler et d'espérer apaiser quelque peu les esprits à l'étranger.

Mais à long terme, le Conseil fédéral devra définir plus précisément comment il entend se positionner dans le champ de tension entre la neutralité et les livraisons d'armes. Par exemple, dans le débat sur le rapport à la neutralité qu'il a lui-même commandé. Car rien ne garantit qu'un scénario comme la guerre en Ukraine ne se reproduira pas.

La reine d'Angleterre est une icône de pop culture
1 / 11
La reine d'Angleterre est une icône de pop culture
«Platinum Jubilee», Alison Jackson, 2021.
partager sur Facebookpartager sur X
Cette manifestante antiguerre se fait agresser en Russie
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
4 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
4
Pourquoi l'UDC ne veut pas interdire les fessées aux enfants
Le Conseil national inscrit l'éducation sans violence dans le code civil, malgré l'opposition de l’UDC (134 voix contre 56).

Les parents doivent éduquer leurs enfants sans recourir à la violence. Le Conseil national a adopté lundi par 134 voix contre 56 un projet qui introduit explicitement le principe de l'éducation sans violence dans le code civil. Seule l'UDC y était opposée.

L’article