Suisse
Analyse

L'extrême droite va-t-elle triompher en Suisse?

Des manifestants sont rassembles a l'appel des milieux de gauche sous le slogan "Mobilisons-nous contre l'extreme-droite! Pas de fascistes dans nos quartiers!", ce samedi 12 novemb ...
Manifestation d'antifas, 12 novembre 2016, Genève.Image: KEYSTONE
Analyse

Après la Suède et l’Italie, l'extrême droite va-t-elle triompher en Suisse?

Verrons-nous une percée de l'extrême droite aux élections fédérales de 2023? Mais qu'est-ce que l'extrême droite? Et qui en est? Le wokisme favorise-t-il sa progression? Sujet sensible.
29.09.2022, 17:0830.09.2022, 09:35
Plus de «Suisse»

Joli mois de septembre pour l’extrême droite en Europe. Elle s’est hissée au pouvoir en Suède, elle va diriger l’Italie. Certes, dans les deux cas, dans des gouvernements de coalition et par l’effet de la proportionnelle. En voix, l’extrême droite suédoise (les Démocrates de Suède) et italienne (Frères d’Italie) font 20% et 26%, 34% en Italie si l’on inclut la Ligue de Matteo Salvini.

En France, depuis sa réapparition à la fin des années 1970, elle n’a jamais fait un aussi bon résultat qu’à la présidentielle et aux législatives du printemps dernier. Au point que le système majoritaire en place, qui a contribué jusqu’ici à prémunir la France de l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite, pourrait un jour lui servir de marchepied.

Après la France, la Suède et l’Italie en 2022, l’extrême droite va-t-elle faire un carton en Suisse aux élections fédérales d’octobre 2023? L’extrême quoi? Pour sûr, on n’est pas habitué à ce vocabulaire en Suisse, et l’on ne tient pas forcément à l’importer. L’ail du consensus et le crucifix du fédéralisme tiennent à distance le mot et, suppose-t-on, la chose. Pour combien de temps encore?

L'UDC, d'extrême droite?

Fin de la blague: l’extrême droite – ce qu’on appelle «extrême droite» aujourd’hui en Europe, soit un populisme parlementaire s’appuyant sur une rhétorique identitaire plus ou moins radicale – est bien présente en Suisse. On la trouve principalement à l’UDC. Les socialistes ne se privent pas du bonheur d’ainsi stigmatiser – car c’est stigmatisant – le parti le plus à droite du pays. Il n’est plus rare, en effet, d’entendre des élus PS au parlement fédéral qualifier l’UDC d’extrême droite.

Un reste de «y’en a point comme nous», l’habitude de gouvernements associant l’UDC à tous les échelons du pays, de fortes nuances à l’intérieur du parti (sa branche vaudoise est réputée moins dure que la zurichoise ou la genevoise), expliquent sans doute que le vocable ne se soit pas davantage répandu dans le langage commun pour désigner l’ancienne formation agrarienne.

Et la Suisse, alors?

La démocratie directe fait le reste: les trois objets identitaires qu’ont été les votations sur les minarets en 2009, l'immigration de masse en 2014 et le voile intégral en 2021, auraient probablement été portés par des partis d’«extrême droite» dans des pays voisins du nôtre. Le Rassemblement national se fait fort de l’affirmer: si le peuple français pouvait voter sur de tels objets, le «oui» l’emporterait aussi, croit-il. Dira-t-on des Suisses qu’ils sont d’extrême droite dans leur majorité? Compliqué…

Implicitement associée, à raison d’un point de vue historique, au fascisme, d’où la violence symbolique du mot, l’extrême droite est aujourd’hui une réalité, mais aussi une insulte qu’on dégaine à la vitesse de l’éclair pour dénigrer des opinions avec lesquelles on n’est pas d’accord.

C'est quand on désigne des boucs-émissaires

Une réalité. L’extrême droite se caractérise par sa propension à désigner des boucs-émissaires à raison de la couleur de peau, de l'origine ou de la religion. A faire de l’«autre» un problème qui pourrait être résolu en le renvoyant, dans le pire des cas, en l’éliminant. L’extrême droite, c’est d’abord un rapport physique et idéologique à l’autre.

Mais est-on d’extrême droite lorsqu’on entend limiter l’immigration, accélérer les procédures d’asile, encadrer l’expression et la pratique d’une religion, l’islam pour ne pas la nommer? Si oui, alors une partie de la Suisse est d’extrême droite, et pas seulement dans les rangs de l’UDC. L’intention et l’esprit dans lesquels les lois sont faites et les décisions prises, comptent, on le voit, pour beaucoup.

Sauf qu’aujourd’hui, tout le monde ou presque court le risque de se voir rangé parmi, au choix, l’extrême droite, les fachos, la fachosphère, quand bien même l’invective n’est pas justifiée. Il suffit d’exprimer une opinion jugée non conforme au «progressisme» pour être traité, à tout le moins, de «réac». Surtour sur les réseaux sociaux.

Le wokisme, idiot utile?

C’est avant tout ici une idéologie, le wokisme, la version radicale du progressisme, qui tente d’imposer sa vision du monde et qui peut être résumée d'un terme: la fluidité. Soit, on peut le comprendre ainsi, l’absence de hiérarchie, de distinction, au bout du compte, de raisonnement. Au nom de quoi on affirmera qu'il n'y a pas de différences entre les violences sexuelles et les comportements sexistes, ou encore, que le passé d’un pays, d’une nation, doit s’effacer pour faire place à l’«autre», ce qui renverse objectivement le processus d’intégration.

Jusqu’ici, l’utopie communiste, qui a produit des calamités, désignait un bouc-émissaire social: le bourgeois, le capitaliste. L'une des caractéristiques du wokisme est qu’il racialise son bouc-émissaire, qu'il désigne sous les termes de «mâle blanc». Or, d'habitude, c'est l'extrême droite qui racialise.

L’extrême droite n’a certes pas besoin du wokisme pour penser son suprémacisme civilisationnel – qu'on repère dans les propos d’une Giorgia Meloni ou de supporters zemmouristes, par exemple.

Mais le wokisme, en faisant preuve d'intolérance envers ceux qui n'adhèrent pas à son schéma de pensée, n’aide pas à combattre l’extrême droite et court le risque d'apparaître comme son idiot utile. On peut ainsi s'attendre à ce que l’UDC, sans préjuger de son score en 2023, se saisisse des expulsions ordonnées par la Brasserie Lorraine pour crier au danger d’une Suisse bientôt entièrement wokisée.

Sans doute importe-t-il de ne pas voir de l’extrême droite partout, de la distinguer dans le champ politique, car elle est reconnaissable, et de ne pas s’empêcher de l’identifier, y compris chez ceux qui disent la combattre tout en recourant parfois à des méthodes peu respectueuses de l'esprit de la démocratie.

Copin comme cochon: les «djeunes» qui hurlent
Video: watson
1 Commentaire
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
1
Voici le projet du Conseil fédéral pour financer la 13ᵉ rente AVS
La 13ᵉ rente AVS sera versée une fois par an. Son financement sera assuré par une hausse des cotisations salariales et, éventuellement, une hausse de la TVA, annonce mercredi le Conseil fédéral.

La 13ᵉ rente AVS sera versée annuellement et financée de manière durable à partir de 2026. Lors de sa réunion du 27 mars 2024, le Conseil fédéral a défini les grandes lignes de la mise en œuvre de l'initiative populaire acceptée le 3 mars 2024 en votation populaire. Un projet défendu par la ministre de la Santé, Elisabeth Baume-Schneider (PS/JU).

L’article