La loi renforçant les mesures policières contre le terrorisme (MPT) est acceptée par 57% des votants. C’est une victoire pour la cheffe du Département fédéral de justice et police, Karin Keller-Sutter, et une défaite pour la gauche qui appelait à voter non. Mais bien que franche, la victoire du camp du oui n’est pas aussi éclatante qu’attendue.
C’est un oui «baissier», comme on le dirait d’une tendance boursière, qui l’emporte. Annoncé vainqueur à 68% le 27 avril, le oui n’a cessé de reculer. Le 2 juin, il était encore, de peu, au-dessus de la barre des 60%. Et là, ce dimanche, il ne récolte plus que 57% des suffrages. Les partisans du non peuvent se dirent qu’il leur a manqué quelques semaines ou mois pour convaincre. Cela dit, 57% restent un pourcentage élevé.
Après le constat, les enseignements. Le premier d’entre eux est que les Suisses ont été plus réceptifs aux arguments sécuritaires qu’aux arguments émanant de la gauche, principalement du Parti socialiste, mais aussi des verts’libéraux, sur la perte des «libertés». La tendance en Europe est sur ce point générale, malgré les discours faisant passer ces durcissements légaux contre le terrorisme pour liberticides. Les Suisses auront voulu se mettre au diapason européen sur cette question.
Deuxième enseignement, plus difficile ou complexe à établir. On le formulera sous forme d’hypothèse. Si la crainte du terrorisme islamiste a sans doute été la cause la plus évidente du oui, d’autres raisons, moins dites, moins avouables, ont probablement aussi présidé à ce vote.
Ces raisons ont à voir avec ce qu’on appelle les nouvelles radicalités, particulièrement présentes dans une partie de la jeunesse: elles sont liées au climat, au féminisme, au mouvement LGBT, au conspirationnisme, à la droite ultra, aux «extrêmes», comme on dit. Soit toute une série de combats qui, certains plus que d’autres, ne reconnaissent pas ou plus la légitimité des institutions.
Or il y a danger en démocratie, quand les institutions, qui sont le socle du véritable vivre-ensemble, deviennent l’adversaire à combattre. Il sera intéressant de voir dans les prochains jours comment le vote des jeunes s'est réparti entre le oui et le non. La jurisprudence «Tribunal fédéral», qui a débouté cette semaine la jeunesse militante du climat, semble s’être appliquée à l’échelle du pays. Ce oui, c'est un oui en faveur de l'Etat de droit.
Les cantons ont à une très large majorité accepté la loi MPT. Il n’y a pas eu de Röstigraben sur ce point, comme il n’y en avait pas eu non plus lors de la votation sur l’initiative «anti-burqa» le 7 mars, des sujets qui se ressemblent. C’est là un autre enseignement de ce dimanche.
Des cantons de Suisse centrale et orientale, Schwyz et Appenzell Rhodes-Extérieures, ont accepté de peu la loi MPT. Ce oui timide peut certainement se comprendre comme l'expression de l'habituelle méfiance d’une partie de la Suisse dite primitive envers toute démarche visant à limiter les libertés. Le non à la loi Covid est d’ailleurs assez affirmé dans cette portion du pays, où ont fleuri ces dernières semaines des rassemblements contre les mesures sanitaires de la Confédération. Saint-Gall, frontalier de l'Autriche touchée par un attentat le 2 novembre dernier, a, lui, dit clairement oui à la législation MPT.
Encore un enseignement à ce stade, et cela dit des choses: Genève, canton progressiste, où la gauche est culturellement forte, accepte la loi sur le terrorisme. Bizarre? Pas tant que cela. Genève est une enclave dans cette France sous la menace du terrorisme islamiste et qui lui fait de toute façon un peu peur. A la Genève ouverte en a répondu une autre dimanche, qui réaffirme le primat des frontières.