Une mesure hypothétique qui provoque rires, rires jaunes et interrogations. Dans son projet de nouvelle offensive pour relancer la vaccination, le Conseil fédéral a intégré l'idée d'un bon de 50 francs offert à toute personne qui aura convaincu un proche de se faire vacciner. Le paquet de mesures est actuellement examiné par les cantons, qui s'exprimeront ce mercredi 6 octobre. Le Conseil fédéral livrera quant à lui son verdict une semaine après. Voici quatre questions que pose ce projet de bon de 50 francs.
Dans son document d'accompagnement pour les cantons «Projet "Intensification de la vaccination"», l'OFSP se réfère de manière générale à l'art. 9 et l'art. 21 de la Loi sur les épidémies (LEp). Or, celles-ci prévoient simplement que le l'OSFP et les cantons informent le public sur les risques de maladies transmissibles et les moyens de les prévenir, et encouragent la vaccination.
Le projet en question contient certes le volet des bus de vaccination et du personnel qui se rendra auprès des vaccino-hésitants, pour les informer individuellement. Mais il renferme également cette idée de récompenser les transmetteurs de vaccination avec des bons de 50 francs.
Selon le constitutionnaliste Etienne Grisel, ancien professeur de droit à l'Université de Lausanne, cette mesure n'a pas besoin de reposer sur une base légale. D'une part, le montant en jeu n'est pas très important. D'autre part, «il y a des sérieux arguments de santé publique, justifiés par la situation actuelle qui n'est pas de l'ordre du normal», avance-t-il au bout du fil.
Si la mesure ne pose aucun problème constitutionnel majeur, un point peut néanmoins être questionné selon le spécialiste: l'égalité de traitement. «Il paraît injuste que toutes les personnes qui se sont faites vacciner jusqu'à maintenant n'aient pas touché d'argent, alors que les prochaines vont en toucher. Si la mesure avait été prise d'emblée, au début de la vaccination, cela aurait mieux passé.»
Sa consœur Eva Maria Belser, professeure de droit constitutionnel à l'Université de Fribourg, a fait part d'un autre avis dans les colonnes du Tagesanzeiger, ce mardi, sur l'aspect constitutionnel de cette mesure, encore en cours de consultation:
L'OFSP n'a pas répondu à notre question sur le coût de la mise en place du système des bons, nous renvoyant au document susmentionné, qui ne règle pas ce point. Celui-ci nous informe que le projet total, lui, nécessitera un «investissement de 150 millions de francs au maximum». L'OFSP précise dans un communiqué:
On ne le sait pas encore exactement, vu que c'est en consultation. Le projet soumis aux cantons propose que «toute personne nouvellement vaccinée pourra désigner une personne ayant joué un rôle important dans sa décision de se faire vacciner. Celle-ci recevra par courrier un bon de 50 francs du canton en remerciement pour son aide.»
Il est ensuite spécifié qu'il «appartiendra à chaque canton de décider où les bons peuvent être utilisés (p. ex. chemins de fer de montagne et remontées mécaniques, restauration, etc.)». La recommandation va donc dans le sens d'une utilisation dans des lieux qui demandent un passe sanitaire.
Interrogés sur la pertinence de cette mesure, deux tiers de l'échantillon de mille lecteurs du journal 24 heures ont rejeté l'idée. Entre autres personnalités, le ministre genevois de la Santé Mauro Poggia, sur les ondes de la RTS, a déclaré que cette mesure était injuste «par rapport aux personnes qui ont fait la démarche de se vacciner spontanément» et l'a estimée contraire à «notre culture».
«Cette mesure ne s'inscrit effectivement pas dans la tradition politique suisse», réagit le politologue René Knüsel, contacté par watson. «Même si elle pourra inciter des personnes plutôt défavorisées à se faire vacciner, elle renforcera certainement le camp des réfractaires à la politique sanitaire du gouvernement.»
Un jeu risqué, en somme, qui dans le pire des cas pourrait dynamiter la vaccination des derniers hésitants au lieu de la dynamiser. Jusqu'à influencer le vote du 28 novembre prochain sur la loi Covid? «Ce genre de mesures, qui sortent un peu des sentiers, risquent en tout cas d'avoir des conséquences sur les personnes un peu "entre deux", qui n'ont pas une position tranchée sur le vaccin ou sur la loi Covid.»