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Pourquoi les CFF délaissent les trains de nuit

L'euphorie autour des trains de nuit est terminée: le grand projet d'extension est annulé, du personnel est licencié.
Le secteur des trains de nuit est inefficace et coûteux. Malgré cela, les CFF lancent une nouvelle liaison.Image: Keystone, montage watson

Le réveil est brutal pour les trains de nuit CFF

L'euphorie pour les trains de nuit semble terminée en Suisse et en Europe. Alors que les CFF renoncent à plusieurs liaisons, d'autres acteurs du marché réduisent leur commande de wagons et tirent les salaires vers le bas. Comment en est-on arrivé là.
11.08.2025, 18:5611.08.2025, 20:53
Stefan Ehrbar / ch media
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Le directeur des CFF, Vincent Ducrot, souhaite acheter des trains à grande vitesse et devrait lancer un appel d'offres dès 2026. Ceux-ci devraient permettre de rallier Rome, Barcelone et Londres en quelques heures. Des trajets qui auront lieu de jour. Car le boss des CFF a enterré au printemps les trains de nuit vers l'Italie et l'Espagne annoncés en 2020.

L'intérêt des voyages nocturne se dissipe

Le passage promis à l'époque de six à dix liaisons nocturnes au départ de la Suisse ne se concrétisera pas. Berne et la Romandie resteront sans connexion au réseau ferroviaire de nuit. Un seul train de nuit, saisonnier et reliant Bâle à Malmö via Copenhague, viendra s'ajouter au Zurich-Amsterdam lancé fin 2021. La mise en service est prévue l'année prochaine, à la cadence de trois trajets par semaine.

L'euphorie s'est dissipée non seulement chez les CFF, mais aussi au sein de la compagnie autrichienne ÖBB. Elle exploite les trains de nuit circulant sous le nom de Nightjet, notamment entre Zurich et Vienne, Hambourg et Berlin. C'est elle aussi qui est responsable, avec les CFF, la Deutsche Bahn (DB) et les chemins de fer néerlandais, du train de nuit reliant Zurich à Amsterdam.

Tous les prestataires en difficulté

Afin de remplacer ses anciennes machines de nuit et d'étendre son réseau, l'ÖBB a commandé des rames à Siemens en 2018 et 2021. Mais la compagnie a annoncé il y a quelques semaines avoir allégé la commande. Au lieu de 33 Nightjets, elle n'en achètera finalement que 24, et davantage de trains pour le trafic de jour.

Les chemins de fer nationaux ne sont pas les seuls à la peine dans ce secteur. La start-up française Midnight Trains a dû cesser ses activités l'année dernière, avant même d'avoir fait circuler un seul train de nuit. Le prestataire néerlandais European Sleeper, qui avait démarré en 2021 avec de grandes ambitions, ne propose actuellement qu'une seule liaison entre Bruxelles et Prague.

L'allemand Flixtrain, qui cartonne avec ses trains de jour, a abandonné les offres nocturnes en 2021, après seulement quelques mois. Et les experts émettent de sérieux doutes quant aux intentions de la start-up allemande Nox. Elle souhaite proposer à partir de 2027 «des trains de nuit avec des compartiments 100% privés».

Tous ces acteurs rencontrent des problèmes similaires: les prix des «sillons», sorte de taxe pour l'utilisation des voies ferrées, flambent. Tout autant que pour le matériel roulant, par ailleurs difficile à trouver. Il faut aussi prendre en compte les travaux de nuit, qui entraînent des déviations et des annulations. Un passager de nuit a en outre besoin de plus d'espace et d'infrastructures qu'un autre circulant pendant la journée.

De plus, les lits, sièges et autres couchettes ne peuvent être vendus qu'une seule fois par date. Il en va autrement pour les trains de jour. Les avions, quant à eux, peuvent effectuer plusieurs rotations quotidiennes à travers le continent.

Encore un marché de niche

Et cela se reflète sur les prix. Prenons un Zurich-Berlin le 16 septembre. Un billet pour un train de jour avec un demi-tarif coûte 53 francs, pour un peu plus de 8 heures. De son côté, Easyjet facture 41 francs pour un vol de 90 minutes avec un bagage à main et 91 francs avec une grande valise. Par contre, comptez au moins 95 francs avec le demi-tarif pour 11 heures de trajet en couchette en Nightjet, et au moins 157 francs en voiture-lit.

Il y a deux ans, Thomas Sauter-Servaes, chercheur en mobilité à la haute école des sciences appliquées de Zurich, qualifiait les trains de nuit de «produit de niche pour passionnés» dans le Handelsblatt. L'offre peut néanmoins compter sur une communauté prête à débourser plusieurs centaines de francs par voyage.

Néanmoins, «les trains de nuit restent un produit de niche», a confirmé cette semaine Vincent Ducrot, directeur des CFF, au magazine de Migros. En 2024, les CFF ont compté 11,6 millions de personnes dans les transports internationaux. Seules environ 600 000 d'entre elles ont emprunté un train de nuit.

Le CEO des CFF, Vincent Ducrot.
Le CEO des CFF, Vincent Ducrot.Image: Keystone

Personnel peu payé et lourd cahier des charges

A la question de savoir si ce chiffre pourrait être augmenté, la réponse est oui, mais pas sans subventions. Les CFF ne peuvent lancer le train de nuit vers Malmö que parce que la Confédération soutient cette liaison à hauteur de 47 millions de francs jusqu'en 2030, en vertu de la loi sur le CO₂. L'ÖBB, qui a atteint la rentabilité avec ce type de liaisons, reçoit également beaucoup de subventions.

Mais même avec l'aide de l'Etat, les comptes atteignent bien souvent tout juste l'équilibre. Afin de réduire les coûts, les chemins de fer misent sur du personnel externe bon marché. L'ÖBB emploie pour ses Nightjet du personnel de la société française Newrest. Celle-ci recherche actuellement des collaborateurs à Zurich et offre un salaire de départ de seulement 3700 francs, a révélé le Tages-Anzeiger.

Ces équipes bon marché assument de plus en plus de tâches. Jusqu'à présent, en plus des collaborateurs de Newrest, on retrouvait aussi ceux de la DB sur les trajets en Allemagne dans les Nightjet et Euronight. Ces missions ont désormais disparu. Depuis juin, plus aucun employé de la DB ne relie Zurich à Hambourg via Bâle de nuit. Et à partir d'octobre, il en ira de même pour les Zurich-Amsterdam ou Berlin.

Collaboration suisso-allemande pour l'étranger

Les CFF soulignent que leurs équipes continueront à opérer dans les trains de nuit sur les tronçons suisses. Elles assureront l'exploitation et le contrôle des billets dans tout le convoi ainsi que l'accompagnement de la clientèle dans les voitures.

Pour la compagnie, il serait toutefois absurde de mobiliser son propre personnel pour le service hôtelier à l'étranger. Elle préfère faire appel à des entreprises partenaires qui s'engagent à offrir des conditions de travail équitables et à verser des «salaires usuels dans la branche». Sur la nouvelle liaison reliant Bâle à Malmö via Copenhague, on retrouvera ainsi des collaborateurs de la société allemande RDC.

En admettant que ce train affiche toujours complet, cela représente moins de 20 000 passagers par an et par sens. A titre de comparaison, l'an passé, 331 000 se sont envolés depuis un aéroport suisse vers le Danemark et 255 000 vers la Suède, sans compter les correspondances. Il semblerait bien que les trains de nuit ne suffiront pas à concrétiser la transition énergétique en matière de voyages.

(Adaptation en français: Valentine Zenker)

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Un tracteur a été percuté par un TGV dans le canton de Genève
source: service d'incendie et de secours
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